La vanille nationale, autrefois reconnue sur la scène internationale, peine désormais à se faire une place. Les importateurs considèrent aujourd'hui cette vanille comme une nouvelle origine, ce qui complique sa compétitivité. Le prix élevé, "fixé sans réelle logique de marché", exclut les Comores de la course face à des concurrents bien établis. "Pour qu’elle soit connue, son prix doit être compétitif par rapport aux autres origines. Malheureusement, ce n’est pas le cas", déplore Amin Kalfane. Un avis que partage Azad Kalfane.
Pour lui, le principal obstacle de la vanille nationale sur le marché international, c’est son prix. "Pour relancer la filière, il est crucial de fixer un prix décent pour la vanille. Ce prix ne doit pas être arbitraire ni trop bas pour ne pas pénaliser les producteurs. Un prix décent permettrait aux producteurs et aux préparateurs de vendre à l'exportateur offrant les meilleures conditions. Il est essentiel de ne pas établir un prix déconnecté de la réalité du marché. Ainsi, les exportateurs pourront déterminer leurs marges et ajuster leurs offres en conséquence. Et surtout tenir compte du prix du leader mondial, c'est à dire Madagascar", assure Azad Kalfane.
Marchés prometteurs mais difficiles
Les marchés nord-américain et européen, principaux consommateurs de vanille, sont identifiés comme les plus prometteurs pour la vanille comorienne. Cependant, "l'accès à ces marchés reste entravé par les prix non compétitifs et les préoccupations croissantes concernant la qualité du produit", note Amin Kalfane, soulignant le contraste avec les pratiques plus rigoureuses de la Grande île. "La qualité de la vanille comorienne est aussi en déclin depuis 2023, en raison d'une récolte précoce qui a affecté sa teneur en vanilline. De plus, l'absence de sensibilisation sur les pratiques agricoles a conduit à l'utilisation généralisée de pesticides, contaminant la vanille avec des niveaux de nicotine supérieurs aux seuils de tolérance de l'Union européenne. Cette contamination est très peu répandue à Madagascar car les organes en charge de la vanille font leur travail de sensibilisation sur le terrain", poursuit-il.
Cette contamination croisée, représente ici un risque permanent à cause de la circulation des personnes et la proximité des champs, malgré le fait que les pesticides ne soient pas utilisés sur la vanille, mais sur d’autres cultures. Cette situation représente un danger et est à l’origine de l’arrêt de la certification bio, pourtant quasi obligatoire pour la vente à l’étranger, d’un des exportateurs du pays. Azad Kalfane, de son côté, estime que la vanille comorienne est d’excellente qualité. « Le risque est que le stock invendu des campagnes précédentes puisse être de mauvaise qualité à cause du temps qui passe et de la préservation face à l’humidité notamment ».
Meilleure compétitivité
Pour améliorer la compétitivité de la vanille comorienne, Amin Kalfane préconise une implication accrue de l'Office de la vanille. « Cet organisme doit rester informé des réalités des prix pratiqués par les concurrents, afin d'ajuster le prix de la récolte en conséquence. Ce qui n’a pas été fait malheureusement et a conduit à ce prix pour la récolte 2023 qui ne correspond aucunement à la réalité du marché international », critique-t-il. Pour les exportateurs, l’office doit être pourvu de cadres compétents et de très haut niveau capables de comprendre les missions de cet office et de la veille économique, « ce qui est très loin d’être la cas aujourd’hui et depuis sa création d’ailleurs ».
Sur le long terme, Amin Kalfane appelle à une réforme en profondeur du secteur, avec un accent sur la qualité de la vanille. Il plaide pour un encadrement quotidien des producteurs et des préparateurs, et une sensibilisation accrue aux effets néfastes des pesticides. « Les infrastructures de préparation doivent répondre aux normes internationales. Pour cela, nous devons avoir un Office de la vanille fortement impliqué et qui cesse de vivre sur les nuages », insiste-t-il.
Selon lui toujours, « la mauvaise gestion a déjà coûté cher au secteur comorien, avec plus de deux ans et demi de stocks invendus, rendant la vanille comorienne non compétitive et risquant de la faire sombrer dans l'oubli ». Les défis auxquels fait face la vanille comorienne sont multiples et complexes. Les exportateurs appellent à une action urgente et coordonnée pour éviter que ce produit phare ne soit relégué aux oubliettes.
« Une réforme structurelle, avec une attention particulière à la qualité et à la compétitivité, est essentielle pour redonner à la vanille comorienne sa place sur le marché international ». Pour Azad Kalfane, patron de la société Ahh (Anzad Habib Hassanaly), « aujourd’hui, il faut que chacun, puisque c’est toute la chaine qui est bloqué, (commerçant, producteur, préparateur, exportateur et le gouvernement), y mette du sien ». « Si le secteur est en crise c’est tout le monde qui est perdant. Sans cette solidarité, il n’y a pas de solution. Chacun doit mettre la main dans la poche. Chacun doit faire des concessions et après, une fois sortie vainqueur de cette crise, on pourra en débattre. Les disputes doivent arrêter ». A savoir, qu’Al-watwan a essayé de contacter Sitti Djaouharia Chihabiddine, patronne de Vaniacom Sarl, mais elle est actuellement absente au pays.