Ils assurent une mission sociale indéniable en rendant service à des centaines de personnes dans la capitale. Aussi, quand ils ont enclenché un mouvement de grève la semaine dernière, la population a retenu son souffle. Les vendeurs d’eau (bidons ou camions citernes) puisqu’il s’agit d’eux, entendaient dénoncer la pénibilité qui était la leur dans la collecte du précieux liquide. Dimanche dernier, à la station de pompage de Vuvuni, aux alentours de 9h00, des camions-citernes et des bus remplis de bidons d’eau attendaient de recueillir l’eau qu’ils allaient a ensuite revendre à des particuliers ou à des entreprises.
Le mot d’ordre n’est plus d’actualité puisqu’une solution a été trouvée, d’après le Syndicat du Château d’Eau de Vuvuni. «Nous voulions dénoncer la lourdeur qui était la nôtre dans le cadre de notre travail. Lequel est impacté par les coupures intempestives de la Sonelec (société chargée de fournir l’électricité, ndlr). Nos doléances ont été entendues. Aucun camion ou bus ne partira de Vuvuni sans avoir sa cargaison d’eau», a expliqué Nadjim Abdou, membre du syndicat que nous avons retrouvé sur place. Il faut savoir que la société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) a aménagé des horaires pour les livreurs d’eau. Mais c’était sans compter sur les délestages intempestifs de la Sonelec qui venaient donc rogner sur le temps qui leur est déjà imparti. Les doléances des protestataires concernaient également «des vannes qui seraient en nombre insuffisant». La direction générale a promis d’y répondre. Depuis, la grogne s’est calmée.
Le nord de Moroni, plus touché
Ces quelques jours de protestation n’ont pas été sans conséquence à Moroni, comme le racontent notamment les habitants résidant au Nord de la capitale. «Je me fais livrer tous les jours des bidons d’eau parce qu’ici à la Coulée, la ressource y est plus rare que le diamant. Quand mes livreurs m’ont annoncé qu’ils étaient en grève, je n’avais d’autre choix que ramener des bidons sur mon lieu de travail pour me procurer quelques litres», a témoigné cet homme évoluant dans le secteur bancaire.
Le travail des livreurs d’eau est d’autant plus vital que la capitale de l’Union des Comores, comptabilise «plus de 100. 000 habitants» pour un faible nombre d’abonnés au réseau de distribution d’eau. Une situation catastrophique qui s’empire au fil des années. Certaines zones sont plus impactées que d’autres, notamment le nord de Moroni. «Nous comptons un peu plus de 7600 abonnés mais ce fichier doit être mis à jour puisque beaucoup de nos clients se trouvent dans des quartiers qui ne sont plus desservis en eau», a fait savoir lundi dernier, le directeur technique de la Sonede, Abdillah Mze Ali, alors que nous nous trouvions dans un bureau pour un entretien.
Le délabrement avancé du réseau de distribution
Le technicien est longuement revenu sur les problèmes structurels auxquels est confrontée la Sonede. Il énumérera la vétusté des infrastructures devenues vieillissantes et une démographie galopante, alors que les installations ont peu évolué durant des décennies. «Nous parvenons à pomper jusqu’à 15 000 mètres cubes d’eau par jour, une quantité qui devrait suffire aux habitants de la capitale», a indiqué notre interlocuteur, citant le délabrement avancé du réseau de distribution d’eau comme étant l’une des principales causes qui accentuent ces récurrentes pénuries.
L’autre problème et non des moindres, concerne les tuyaux. «Nous avons un même tuyau qui assure la distribution et le refoulement, ce qui ne devrait pas être le cas; nous corrigerons cela avec le nouveau château d’eau de Mkazi, un projet qui devrait être financé par l’Arabie Saoudite», a explicité Abdillah Mze Ali. Pour faire simple, le tuyau du refoulement ne devrait pas être celui qui assure également la distribution d’eau. En attendant l’arrivée de jours meilleurs, les bidons jaunes font partie intégrante du paysage de la capitale.
Des nappes phréatiques
en abondance Mardi, le point d’eau dénommé « Omar Kassim », quartier Mhumre, au sud de la capitale, était pris d’assaut par des citoyens cherchant à se désaltérer ou à se procurer cette source vitale au moyen de bidons ou encore de bouteilles. Un motard est ainsi parvenu à transporter 3 jerrycans au moyen d’une corde sur son engin.
Cette situation est d’autant plus étonnante que Ngazidja regorgerait d’une multitude de nappes phréatiques. C’est en tout cas ce qu’avance cet hydraulicien. «Il est vrai que 15 000 mètres cubes peuvent être pompés quotidiennement par la Sonede à Vuvuni mais la société enregistre dans le même temps 60% de pertes», a alerté Yahaya El Bakri Said Omar. Aucune société n’est viable dans de telles conditions. Surtout que si rien n’est fait, les pertes augmenteront inexorablement.
Le Sud de Moroni qui est, pour l’instant, relativement épargné par les pénuries d’eau finira aussi par être impacté. «Un réseau d’exploitation doit être pérenne. Les dirigeants des différentes sociétés qui ont eu à gérer la gestion et la distribution n’ont jamais épargné le moindre petit sou pour aménager les infrastructures ou les réparer», a-t-il observé avec regret. Résultat des courses, des installations conçues dans les années 1970 pour supporter des dizaines de milliers de clients doivent faire face au double voire le quadruple.
La solution pour cet hydraulicien se trouve dans l’augmentation de forages et des réservoirs. «Nous n’exploitons pas un millionième de nos ressources en eau à Ngazidja», a-t-il souligné. Il nous a renvoyé à la lecture «d’un document d’investissement très riche, très intéressant et «bancable» produit par la société d’Etat, mais qui est malheureusement resté dans les placards. C’est le moment de le sortir pour le mettre au-devant des décideurs ou de la population», a déclaré Yahaya El Bakri Said Omar.
La solution à nos problèmes se trouverait, selon lui dans ce document. Manque sans doute pour l’instant d’une réelle volonté politique ?