L’Union des Comores a renoué avec les délestages, les coupures et autres déclenchements. Si bien qu’il paraitrait que lors d’une audition à huis clos par la commission des finances, il y a quelques semaines, Houmed M’saidie a lâché aux parlementaires que les 10 moteurs acquis en 2017 pour pallier au manque d’électricité d’alors étaient tous hors d’usage à l’exception de 3. Une information que notre interlocuteur a confirmée lors de notre entretien.
Cependant, le ministre de l’Energie a affirmé ne pas craindre un black-out malgré les délestages de plus en plus longs. Il reconnait tout de même qu’il faut une solution rapidement, la situation pouvant devenir dramatique pour peu que les 3 groupes restant rendent l’âme. L’achat d’une nouvelle centrale thermique est en gestation mais une question s’impose : la centrale thermique peut-elle encore être considérée comme une solution pérenne à la problématique de l’énergie ?
Et de fait, la Sonelec pour la seule île de Ngazidja en a pour 24 444 000 de gazole par jour, à raison de 77 600 litres à 315 francs le litre, selon l’assistant de la direction technique de la société chargée de la production et de la distribution de l’électricité. Le coût du kilowattheure est de 346 francs mais est vendu aux consommateurs pour 132 francs, entrainant une subvention par les autorités centrales de 2 milliards de francs pour combler le manque à gagner. La révision d’un seul moteur avoisinerait les 100 millions de francs selon une source autorisée.
Plus de 24 millions de francs de carburant par jour
Au vu de toutes les informations en notre possession concernant la coûteuse production de l’énergie thermique, Al-watwan a demandé au ministre en charge de l’Energie, Houmed M’saidie s’il pensait réellement que l’énergie thermique pouvait être une solution définitive sinon pérenne. Il a répondu par l’affirmative, “même si à court terme, nous espérons un mix énergétique, à hauteur de 30% pour le solaire et 70% pour le thermique”.
Il faut sans doute noter que la gestion de cette société primordiale pour l’économie comorienne est des plus chaotique, et se permet des dépenses jugées trop onéreuses et injustifiées alors qu’elle perd jusqu’à 40% de sa production d’électricité : 20% à cause de la vétusté de son réseau électrique et 20% à cause de la fraude qui gangrène la maison. Il faut y ajouter un taux de recouvrement qui ne dépasse pas les 65% selon plusieurs sources autorisées. Les compteurs à carte pourraient constituer une alternative pour sa trésorerie, c’est dans ce sens que la Banque mondiale a lancé un appel d’offres pour l’achat de 48 000 compteurs prépayés.
Une gestion sclérosée
En attendant, à Ndzuani par exemple, 80% des clients disposeraient de compteurs à disque, dont les factures ne sont établies que tous les deux mois, avec des groupes qui consomment 25 000 litres de gazole journaliers. Eda-Anjouan qui a souvent des problèmes de trésorerie, comptent 600 employés contre 800 pour la Sonelec qui compte 88 millions de masse salariale.
A titre de comparaison entre 2002 et 2003, la Ma-mwe avait une masse salariale de 20 millions par mois pour 300 employés au niveau des 3 îles. Ce rappel nous provient d’un ancien directeur général, Charif Saïd Hachim qui, au cours d’un entretien, a pointé du doigt plusieurs facteurs qui plombent l’entreprise. “La société est confrontée à la fraude, à une gestion irrationnelle, à du personnel non qualifié et irresponsable”, a-t-il listé avant d’y ajouter “un réseau de fraude”.
Notre interlocuteur n’a pas manqué de souligner “une production de courant qui coûte chère pour une société qui s’avère incapable d’assurer l’approvisionnement des intrants et dont la gestion est catastrophique”. Il faudrait y ajouter le clientélisme, l’ingérence des politiques, le népotisme.
Houmed M’saidie concède que la gestion de la Sonelec est loin d’être rationnelle et efficiente. Il semblait compter pour sa privatisation pour qu’elle soit efficace. Une privatisation avec deux objectifs principaux pour lui : “une production maîtrisée et pérenne et un personnel performant”. Difficile de maîtriser une production avec du gazole aussi cher, à moins d’une concurrence.
Toujours est-il que le groupe qui sera retenu pour administrer la société en charge de la production de l’électricité devra en plus fournir, toujours selon le porte-parole du gouvernement, une centrale thermique de 25 mégawatts. 4 sociétés seraient déjà intéressées pour la reprise de l’actuelle Sonelec qui devrait intervenir dans moins d’une année. Reste à savoir si, au nom de l’urgence, les règles concernant les passations de marchés publics seront respectées.