Le grand mariage, ou anda est bien plus qu’une cérémonie traditionnelle. C’est un passage obligé pour accéder au statut de notable, un symbole de respectabilité profondément enraciné dans la culture comorienne. «Il est perçu comme un devoir sacré, transmis par les ancêtres, auquel personne ne peut échapper, quel qu’en soit le coût», explique l’auteur, originaire de Ntsaweni, dans la région de Mbude.Mais derrière le faste des festivités se cachent des réalités bien plus dures. Pour le sociologue, cette pratique relève d’une forme de croyance irrationnelle, parfois même placée au-dessus de la religion. « Elle est comparable à une superstition. Ceux qui n’y participent pas sont considérés comme maudits », affirme-t-il.
Le coût d’un grand mariage peut atteindre 40 000 à 100 000 euros. Une somme astronomique, souvent prise en charge par toute la famille, y compris la diaspora, et qui conduit de nombreuses personnes à s’endetter lourdement. «Ces dépenses ont un impact direct sur des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé ou encore l’investissement. On sacrifie l’avenir pour une reconnaissance sociale éphémère», déplore l’auteur, ancien directeur de cabinet de la vice-présidence en charge de l’économie. Selon lui, cette pratique contribue à l’appauvrissement des familles et ralentit le développement économique du pays. Dr Mistoihi Abdillahi, qui est auteur de plusieurs articles publiés dans la presse locale et étrangère, n’hésite pas à comparer la situation des Comores à celle de pays voisins comme l’île Maurice ou les Seychelles, qui ont su mieux gérer leur modernisation.
L’appauvrissement des familles
Le grand mariage est aujourd’hui perçu comme un signe de réussite. Or, Dr Abdillahi remet en question cette logique. «Le prestige est plus valorisé que la stabilité financière ou la réussite professionnelle. On confond paraître et être», souligne-t-il.
Le fondateur et dirigeant du cabinet Adp Consulting, une structure spécialisée dans l’accompagnement des entrepreneurs comoriens, établit également un parallèle avec d’autres traditions africaines, comme la «Famadihana à Madagascar» ou le « Nguenté au Sénégal ». D’après lui, si ces rituels ont eux aussi un coût, ils restent plus modérés et sont moins lourds sur le plan économique.
Face à cette situation, Dr Abdillahi appelle à une profonde remise en question. Pour lui, les élites, notamment les intellectuels et les cadres de la diaspora, doivent jouer un rôle clé dans l’évolution des mentalités. Il plaide pour une société qui valorise la connaissance, l’entrepreneuriat et le progrès plutôt que le poids des apparences. « Il est temps de redéfinir nos priorités. L’avenir des Comores passe par l’éducation, la santé et le développement économique durable», conclut-il. Avec «La sociologie d’une croyance et d’une pratique », Dr Mistoihi Abdillahi ne se contente pas de critiquer : il fait un véritable plaidoyer pour un changement de cap, urgent et nécessaire.
Pour rappel, Dr Mistoihi Abdillahi est l’auteur de trois autres ouvrages : «Honneur ou Bonheur», «Grandir ou Mourir», et «Traditions et Religions aux Comores». Son dernier ouvrage, «La sociologie d’une croyance et d’une pratique », est traduit en plusieurs langues dont l’anglais, l’allemand et l’espagnol, et est disponible sur la plateforme Amazon.