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Culture vestimentaire comorienne I Les habits traditionnels menacés par le métissage culturel

Culture vestimentaire comorienne I Les habits traditionnels menacés par le métissage culturel

Société | -

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Les vêtements traditionnels comoriens disparaissent peu à peu, remplacés par des influences extérieures. Experts et citoyens alertent sur l’érosion culturelle et appellent à préserver ce patrimoine vestimentaire identitaire.

 

Aux Comores, les tenues traditionnelles qui reflétaient jadis le statut social, la religion ou encore les rites culturels tendent à disparaître, cédant la place à un métissage grandissant des modes vestimentaires. Le sahare, le subahiya, le kanga, le djoho, le dragila, le kandu ou encore le mharuma sont aujourd’hui relégués au second plan, notamment dans les milieux urbains.

Les codes vestimentaires ancestraux

Face à ce constat, Al-watwan s’est tourné vers des spécialistes afin de mieux comprendre les causes de ce déclin et les enjeux culturels qui y sont liés. Dr Abderemane Wadjih, anthropologue, rappelle que, dans la tradition comorienne, les vêtements étaient porteurs de sens. «Les hommes portaient le chikoyi, le djuba, le mharuma ; les femmes, elles, se distinguaient par le hamis, le sahare ou le subahiya », explique-t-il.Selon ce dernier, la société comorienne, notamment à Ngazidja, tend à négliger ses mentalités et repères culturels. Cette désaffection se manifeste aussi chez les jeunes, qui ne respectent plus les codes vestimentaires ancestraux ni les symboles qu’ils représentaient. « Les habits traditionnels étaient codifiés selon les catégories sociales : wanamdji, washondje, mdrumdzima. Le hudhurungi, le djoho, le dragila, le halfia, le lasi ou encore le melimeli étaient réservés à ceux ayant accompli le grand mariage (Anda)», rappelle le chercheur.


Le mharuma, cette écharpe emblématique, illustre bien cette richesse symbolique. Portée à gauche, elle désigne les hommes ayant célébré le grand mariage ; à droite, elle distingue les disciples, les sharifs ou les ulémas.
De son côté, le professeur Moussa Saïd Ahmed, historien et spécialiste de la civilisation comorienne, distingue le Anda du Mila. «Le Anda est une construction sociale, un rite établi dans la communauté, alors que le Mila est d’origine divine. Tous deux se transmettent de génération en génération», affirme-t-il. Mais cette transmission semble aujourd’hui rompue. À Djomani ya Mbude, Youssouf Ahmada confirme que certaines tenues comme le sukutri sont tolérées pour les jeunes. Toutefois, des vêtements tels que le djoho, le dragila ou le nkandu sont encore strictement réservés à des statuts précis.

 

«Des sanctions peuvent être imposées à ceux qui transgressent ces règles», prévient-il. À Ntsaweni, un jeune homme témoigne de l’influence croissante du métissage culturel sur la jeunesse comorienne. « Dans la musique, les vêtements, les comportements sociaux… les jeunes imitent de plus en plus les sociétés étrangères, surtout ceux vivant à l’extérieur. Cette imitation efface peu à peu nos repères culturels », regrette-t-il. Face à cette mutation, la question reste entière : comment préserver l’identité culturelle comorienne dans un monde de plus en plus globalisé ?

Touma Saïd

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