Le monde a célébré le samedi 9 décembre la journée internationale de lutte contre la corruption. Alors que la situation est préoccupante dans notre pays, ce grand fléau qui ronge l’administration, freine toute initiative d’investissement et handicape toute politique de développement, il n’a pas été au centre des débats, ni dans les cercles de la jeunesse, ni au sein de la classe politique.
La journée est passée presqu’inaperçue. Et pourtant, l’indice de perception de la corruption publié en janvier 2017 place les Comores à la 153ème place, sur 176 pays notés. On y retrouve soixante-neuf pour cent avec une note inférieure à 50, sur une échelle allant de 0 (très corrompu) à 100 (très peu corrompu).
L’Onu alerte que
nous ne pourrons atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030 que si toutes les nations disposent d’institutions fortes, transparentes et inclusives, basées sur la règle de droit et soutenues par le public.
Nous sommes tous conscients que nous disposons d’institutions qui n’hésitent pas à fausser les résultats des élections. Nous sommes tous confrontés chaque jour à au moins un cas de corruption, qui mine l’État de droit et le pays se meurt en raison d’appareils bureaucratiques, qui fonctionnent, survivent grâce à la pratique des bakchichs à tous les niveaux. Cette pratique est la première cause qui fait fuir les potentiels investisseurs étrangers.
Ce phénomène tue parallèlement les petites entreprises locales qui se trouvent dans l’impossibilité de répondre aux coûts liés à la corruption, après avoir supporté les frais initiaux souvent exorbitants de leur investissement.
Qui d’entre nous n’a pas été victime d’une sollicitation de pots-de-vin en échange du plus petit service public ?
Nombreux sont les Comoriens qui vivent au-dessus de leurs moyens, au-dessus de leurs revenus. Personne ne s’inquiète d’assister à des dépenses ostentatoires liées à des actes sociaux ou communautaires, le fisc ne se pose aucune question sur la construction sans prêts bancaires des villas somptueuses par de petits fonctionnaires, lesquels devraient peiner au vu de leurs salaires, à manger trois fois par jour ou à régler les frais scolaires de leurs enfants.
Parce que nous croyons, en tout cas beaucoup d’entre nous, que la corruption est un “mode de vie” et ne pas abuser de sa position pour s’enrichir est très mal vu par la société.
Nous sommes l’un des rares pays pauvres au monde qui tolère des détournements qui dépassent parfois le budget d’un ministère. Le seul pays qui range dans ses tiroirs des audits financiers qui dénoncent des détournements de plus 10% du budget du pays, à l’avantage d’arrangements politiques sournois. Il suffit de lire les rapports établis chaque année par la section des comptes de la Cour suprême pour se rendre à l’évidence. La cour épingle les pratiques de gestion des finances publiques et dénonce la réticence de certaines administrations à communiquer les comptes relatifs à la gestion budgétaire.
Laisser aller
Aucune des recommandations relatives à l’instauration d’un mécanisme d’échanges d’informations pour un suivi régulier de la chaine d’exécution de la dette et une meilleure traçabilité des opérations financières n’a jusqu’ici été suivie. La section des comptes a relevé des dysfonctionnements graves dans la comptabilité de cinq sociétés publiques, notamment la Société des postes et services financiers (Snpsf), l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacm), l’Agence de régulation des Tics (Anrtic), l’Office national d’importation et de commercialisation du riz (Onicor) et la Société comorienne des hydrocarbures (Sch), sans qu’une suite ne soit donnée.
On se rappelle que le Rapport 2011 de la section des comptes avait relevé l’utilisation dans de conditions opaques de la taxe unique évaluée à hauteur de 10 milliards de nos francs. Ce fait seul, démontre que l’administration comorienne est frappée d’amnésie sur les cas de corruption grave. Idem pour la gestion du Programme de citoyenneté économique sur la période allant de 2008 à 2015. Sur les 200 millions de dollars cités, 25 millions de dollars avaient été préalablement affectés comme aide budgétaire et 175 millions pour la réalisation de grands projets d’infrastructures. A part l’enquête parlementaire timide, conduite sans conviction réelle sur sa finalité, aucune information n’est rendue publique sur l’utilisation de plus de la moitié de cette somme.
Le public doit savoir que la ratification par les Comores de la convention des Nations unies contre la corruption, exige que l’Etat soit exempt de corruption. Mais pour vaincre la corruption et espérer produire les premiers effets, la jeunesse doit commencer à refuser de participer à toute activité qui ne soit ni légale ni transparente.