L’Aïd-el-kabir a été célébrée à Ndzuani sans grand enthousiasme, beaucoup de mosquées, à l’exemple de celle de la médina de Mutsamudu, ayant été désertées par une partie des fidèles. Cela aurait sans doute été lié au décalage de la fête du vendredi au samedi, comme le supposent de nombreuses personnes. La population de l’île a eu droit à deux cérémonies officielles de présentations de vœux, à la présidence de l’Union le jour-même de l’Aïd, et au gouvernorat le lendemain, dimanche. Dans l’une comme dans l’autre, les interventions ont été axées sur les assises et la question de la tournante, avec des propos bien dirigés, d’un côté comme de l’autre.
A Dar-nour (présidence), l’orateur choisi pour «parler au nom des anjouanais», un bureaucrate, a évoqué la nécessité pour le gouvernement de baliser une religion musulmane au service de l’émergence, dégagée de ses branches dangereuses. Au sujet des fameuses assises, elles lui paraissent nécessaires, mais nécessiteraient que nos gouvernants
sortent un document résumant ses objectifs, afin d’éviter les affrontements inutiles.
A Dar-nadjah (gouvernorat), l’uléma et notable qui assurait le même exercice a dit au gouverneur Salami de transmettre les vœux d’une joyeuse Aïd au chef de l’Etat, de la part des anjouanais, dont le «souhait le plus cher reste la paix et la cohésion sociale dans le pays». Il a ensuite plaidé en faveur du maintien de la présidence tournante, «socle de cette paix», jusqu’à la fin de ce second cycle.
Après avoir résumé le bilan de la gouvernance Azali et annoncé quelques grands projets à venir (telle que la réhabilitation de plusieurs tronçons de route), le vice-président Moustadroine Abdou, qui rapportait le «message du chef de l’Etat», s’est attelé à parler du projet des assises, avec ce langage propre à lui.
La Tournante n’existe plus…
Comme lorsqu’il s’est adressé directement aux magistrats et aux forces de l’ordre. «Aucune tolérance ne sera accordée à quiconque. L’armée a sa fonction clairement définie. Vous n’avez pas le droit de vous mêler des questions politiques», a-t-il averti.
«Nous ne pouvons assurer une évolution efficace de notre pays sans une reconsidération du système politico-administratif actuel. Aucun pays en quête de moyens pour son développement ne peut supporter le poids des dépenses inutiles qu’engendre le système étatique comorien. Que dire des institutions comme les assemblées des conseillers des îles, celles des maires des îles (sic), des gouvernorats, de leurs commissaires, des Assemblées nationales (sic), du gouvernement de l’Union et des ministres… ?», a-t-il poursuivi. Et au sujet de la présidence tournante, son sort semble déjà scellé.
La tournante a été vidée de son contenu par le gouvernement précédent (sic). Il n’existe pas de tournante depuis le jour où il a été possible pour un ancien président d’introduire sa candidature pour les échéances qui ne revenaient pas à son île. La réalité demeure intacte sauf pour ceux qui continuent à se voiler les yeux,
dira-t-il, ne faisant ainsi pas grand cas de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui invalidait ladite candidature, celle d’Ahmed Abdallah Sambi.
Il faut dire que les interventions du vice-président anjouanais font souvent l’objet de polémiques. Et le gouverneur Salami y avait trouvé matière à étoffer son discours à lui.
Pour le gouverneur, les propos tenus ici et là par des hautes autorités du pays ne présageraient rien de rassurant pour l’avenir.
«Les civils, et même les militaires, subissent cette intimidation. Aux civils, il est autorisé de les tabasser et leurs agresseurs seront défendus, comme l’on a recommandé à d’autres de prendre le kwassa pour Mayotte. Ces menaces ont atteint leur summum, hier, avec l’intimidation de l’armée. L’on a averti de dur châtiment ceux qui auront incendié des véhicules administratifs ou barricadé la chaussée… Mais qu’avez-vous vraiment prévu de faire pour redouter que tout cela arrive ?», s’est-il étonné.
Et d’ajouter :
Il y a aussi ce propos selon lequel quand on se trouve à Ngazidja on est président, à Mwali on est ami mais à Ndzuani on est colonel… nous, anjouanais, n’avons pas voté un colonel. Nous avons voté un président, Azali Assoumani Boinaheri.
Si Salami craint pour ces assises, c’est, dit-il, à cause du fait que le concept initial, véhiculé par le Mouvement du 11 août, a été, selon lui, dénaturé.
«L’idée initiale des assises, selon le M11, est aux antipodes de celle du gouvernement. Et si au début le gouvernement cachait son dessein, c’est de moins en moins le cas aujourd’hui. Le directeur de cabinet du chef de l’Etat l’a clairement dit : “nous demanderons la fin de la tournante dans ces assises “. Le vice-président [Moustadroine Abdou, Ndlr] a, de son côté, commencé par dire qu’en Arabie le pouvoir est héréditaire est pourtant les choses vont bien. Il dira après que le président qui a bien gouverné ne doit pas avoir la même durée que celui qui a mal gouverné. Ensuite, l’on nous criera que cette tournante était un remède qui nous a déjà guéri et que l’on ne devait plus le prendre de nouveau au risque de souffrir. On l’a aussi comparé à un garrot, que l’on jette une fois arrivé à l’hôpital. On nous a de même averti que celui qui parlerait de cette tournante serait pris pour un séparatiste, alors que ce sont eux les premiers à en avoir parlé ! En tous cas, nous ne sommes pas des muets et à chaque fois que nous aurons l’occasion, nous en reparlerons», a averti Salami.
La nouvelle trajectoire du M11…
S’adressant à Chaher Ben Massound, ancien ministre d’Ahmed Abdallah et membre du M11 présent à la cérémonie, le chef de l’exécutif anjouanais lui a rappelé «la fois où son mouvement avait approché les exécutifs insulaires» pour leur demander leur soutien aux assises, mais que depuis la décision de leur organisation a été prise par le gouvernement, il n’est pas retourné les voir mais a continué les préparatifs avec ce dernier. D’où cette conclusion du gouverneur :
«Le mouvement du 11 août a abandonné son concept initial pour adopter celui engendré par le gouvernement, et donc vous semez en nous le doute. Ne vous laissez pas manipuler jusqu’à semer le désordre dans ce pays. Je vous le dis : là un coup d’Etat nous vise, mais nous n’accepterons pas ! Si l’on veut organiser des assises pour légitimer une prolongation de mandant, ou éterniser un homme au pouvoir, ou entériner le fait que le pouvoir, après Ngazidja, ne vient pas à Ndzuani, c’est impossible, oubliez-le !»