Mouzaoir Abdallah a été enterré jeudi matin dernier, 30 avril, à Moroni. Il est décédé de suite de détresse respiratoire, dans la nuit du mercredi à jeudi, à l’hôpital de Samaba-Nkuni, à presque 80 ans. L’ancien leader du Part Blanc ou Rdpc est une figure emblématique de l’histoire politique des Comores pour avoir servi le pays dès son jeune âge. La dernière haute fonction de l’Etat qu’il a occupé a été la présidence de la Cour constitutionnelle de 2004 à 2007 après avoir siégé en qualité de conseiller de la haute juridiction entre 2002 et 2004.
Après son baccalauréat obtenu à Tananarive, Mouzaoir Abdallah a fait des études de psychologie et pédagogie est sorti diplômé d’une Licence à l’université de Lyon. Il fera une courte carrière dans l’éducation en tant qu’inspecteur de l’enseignement primaire. S’en suivra, ensuite, une longue carrière politique bien remplie. Il siégera à l’Assemblée territoriale des Comores pendant une dizaine d’années, de 1965 à 1975, et fut président de l’institution et membre de la délégation aux négociations pour l’indépendance des Comores en France en 1973, 1974 et 1975.
Membre fondateur du Rdpc, avec Ali Mroudjaé et Abbas Djoussouf, entre autres jeunes politiciens de l’époque, qui s’était fondu dans le Front national uni jusqu’au coup d’Etat du 3 août 1975, Mouzaoir sera une des chevilles ouvrières du régime révolutionnaire durant les deux ans et demi de la révolution Soilihiste. D’abord, il a été, entre août 1975 et janvier 1976, Coordonateur du conseil exécutif national sous le président Ali Soilihi. Il occupera le ministère des Affaires étrangères de janvier 1976 à mai 1978. Après le renversement du régime révolutionnaire le 13 mai, Mouzaoir connaitra une véritable traversée du désert avec le régime d’Ahmed Abdallah Abderemane. Il deviendra de facto chef de l’opposition au régime des mercenaires et sera fait prisonnier politique de novembre 1981 à mai 1982, en suite gracié et placé en résidence surveillée les deux années suivantes. Puis il réussira à quitter le pays et à vivre en exil en France de 1984 à 1986. A son retour au pays, en 1986, il a milité dans l’opposition jusqu’à la fin du régime d’Abdallah en 1989.
Mouzaoir Abdallah ouvrira une nouvelle page de sa carrière avec l’arrivée de Djohar. Entre 1989 et 1991, il deviendra conseiller du président pour les Affaires économiques et financières et avait en charge le dossier du fameux Programme d’ajustement structurel (Pas). Il fera un «come-back» dans l’opposition entre 1991 et 1995 avant de se voir confier, de septembre 1995 à janvier 1996, le ministère des Affaires étrangère du gouvernement de transition et chef de la délégation aux négociations d’Antananarivo pour le retour du président Djohar déporté à la Réunion. Fondateur du parti Uwezo, candidat malheureux à l’élection présidentielle de mars 1996, il se ralliera à Mohamed Taki Abdoulkarim et devient son ministre de l’Education entre avril 1996 et mai 1998.
Quand la crise séparatiste de Ndzuani a déclenché, Mouzaoir a conduit la délégation aux négociations d’Addis-Abeba, en décembre 1997, pour le règlement de la crise et se verra désigné aussi chef de la délégation de l’opposition à la table-ronde pour la réconciliation qui a abouti à l’Accord cadre de Fomboni du 17 février 2001 auquel il fut membre du présidium de la Commission tripartite prévue pour conduire de cet accord retrouvé entre comoriens.
Ainsi, Mouzaoir Abdallah a été au cœur de la vie politique de l’archipel durant ces six dernières décennies de l’histoire des Comores, de la colonisation à l’indépendance. Grâce à son intelligence et surtout son talent politique, il a su s’imposer dans l’espace politique comorienne. Il a été surnommé «Chehou» par son intelligence politique hors du commun, ce qui sous-entend le «guide spirituel» pour ses adeptes en politique.
Après une carrière bien remplie en politique, en rendant de bons et loyaux services à l’Etat, Mouzaoir Abdallah a tiré sa révérence en laissant une riche œuvre politique et trois enfants. Paix à son âme.
Msa