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Le premier journal des Comores

De 1963 à 1975. Les négociations avec la France et la marche vers l’indépendance

De 1963 à 1975. Les négociations avec la France et la marche vers l’indépendance

Société | -   A.S. Kemba

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La loi Deferre, les pressions internationales du Molinaco, l’unité retrouvée de la classe politique comorienne en septembre 1972, la volonté de l’Onu de faire respecter le principe du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», l’accord du 15 juin 1973 ont, ensemble, renforcé l’élan irréversible de l’autodétermination du peuple comorien. Malgré les agissements d’une bonne partie de l’élite mahoraise, les stratagèmes de la France, portés par des réseaux implantés dans l’Océan indien, feront chou blanc. Les deux pays finiront par entériner «l’indépendance dans l’amitié et la coopération».

 

Le discours politique porté par l’élite africaine a bousculé l’état d’esprit au sein des empires coloniaux qui vivaient de surprise en surprise dans leurs anciennes possessions. Aux Comores, ce même discours, porté par le Molinaco, le Pasoco et bien d’autres, aura également écho à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Les années 1960, étant celles de la lutte contre la colonisation, vont inaugurer une ère nouvelle dans l’archipel où les changements de statut intervenus depuis 1957 (lire nos précédentes éditions) vont forcer la France à accélérer la machine de l’autonomie interne et ouvrir la voie à l’autodétermination du peuple comorien. La Loi Gaston Deffere de 1956 et celle relative à l’autonomie interne du 22 décembre 1961 servent d’arguments à l’élite comorienne pour exiger «plus de liberté d’action» sans ingérence aucune de la métropole, affaiblie déjà par les pertes de territoires, notamment dans le Maghreb, avec la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, et en Afrique occidentale française (Aof), avec la Guinée, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Benin, le Burkina Faso, entre autres.

Pressions à l’international et ferveur populaire

Du fait que le Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco) multiplie les pressions à l’international et gagne du terrain et bénéficie de la ferveur populaire comorienne dans les îles et ailleurs sur le continent en France, la première élite politique, elle, craint d’être taxée de «traîtres» face à la vague anticoloniale qui s’abat en Afrique continentale et dans l’archipel et réclame une évolution décisive du statut des Comores inhérente à l’esprit de la loi Deffere. «Le Prince Saïd Ibrahim, député à l’Assemblée nationale française déclarait à l’Afp, le 6 mai 1961, qu’il fallait prévoir pour l’archipel un statut d’Etat autonome afin de lutter contre la propagande et les surenchères nationalistes des minorités comoriennes installées à Majunga et à Zanzibar», écrit Damir Ben Ali dans «Evolution du statut politique et administratif des Comores de 1814 à 1972».


Le député Saïd Mohamed Cheikh, lui aussi, attirait l’attention devant l’ancienne puissance colonisatrice, estimant que rien ne pourrait expliquer le refus d’accorder un statut autonome à l’archipel face à la nouvelle donne politique internationale : «Nous n’avons jamais cessé de répéter que les Comoriens, il ne faut pas l’oublier, débordent nos eaux territoriales et que certains vivent à Madagascar et à Zanzibar où leur importance et leur influence sont considérables. Ces populations ne comprendraient pas que la France ne leur reconnaisse pas un statut évolutif susceptible de s’adapter aux grands courants en marche», allait-il déclarer, huit mois plus tard, en décembre 1961 devant l’Assemblée nationale française.


«Les parlementaires comoriens s’efforçaient de convaincre leurs interlocuteurs français de la nécessité de transformer la nature de l’Assemblée territoriale et le Conseil de gouvernement pour en faire une assemblée politique et un organe de gouvernement et, donc, de doter l’archipel de deux attributs d’un Etat : un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif. Ensuite, ils voulaient que les pouvoirs du Représentant de l’Etat français soient nettement définis de manière qu’ils n’empiètent pas sur ceux attribués par le statut au Conseil de gouvernement», écrit Damir Ben Ali.


L’objectif affiché par Saïd Mohamed Cheikh et le prince Saïd Ibrahim est de prouver aux Comoriens leur volonté de s’affranchir de l’autorité de la puissance coloniale, engager une réflexion sur les bases du futur Etat comorien, préparer le pays à l’autodétermination effective mais surtout noyer la «propagande» des courants progressistes qui exigeaient «l’indépendance immédiate» face à la France. Une bonne partie des doléances des élus des Comores au Palais Bourbon a été honorée.

Des pas importants

«L’Assemblée prenait l’appellation de Chambre de députés et ses membres portaient le titre de député. Elle obtint une compétence politique puisqu’elle investissait le président du Conseil de gouvernement à la majorité de deux tiers et un vote de défiance ou une motion de censure à la majorité de deux tiers entraînerait la démission du gouvernement», poursuit l’anthropologue qui parle de «pas importants» vers l’autonomie interne réelle puisque le président du Conseil du gouvernement devient presque un chef d’Etat malgré l’absence d’un statut juridique qui le confirmerait comme tel.

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