Le décès d’Akibarou Issoufa suscite de nombreuses interrogations dans l’opinion publique. Sa sœur évoque une «injection suspecte» qui lui aurait été administrée peu avant sa mort. Sauf que l’information est difficile à vérifier faute du dossier clinique du défunt. Selon un témoignage rapporté par nos confrères de La Gazette des Comores, le produit injecté n’apparaît pas dans le carnet médical du détenu. L’infirmier aurait simplement indiqué qu’il s’agissait d’un «traitement destiné à faire baisser la fièvre». Sollicité, le directeur de l’hôpital, Ibrahim Salim, n’a pas donné suite à nos demandes. Le procureur de Mutsamudu dit attendre « incessamment le rapport médical pour statuer sur les causes de son décès» avant de se prononcer sur ce sujet.
Mais, rapidement, son ex-épouse, Asma Khaled, de nationalité égyptienne, à l’origine de l’incarcération du défunt, est accusée par certains proches du défunt et de nombreux internautes d’avoir été à tort ou à raison, «la commanditaire présumée de sa mort. Une note vocale, brandie comme une preuve, est diffusée sur les réseaux sociaux. On y entend Asma tenir des propos violents à l’encontre du défunt. Après vérification, l’on n’a pu que constater que ce message datant du 30 octobre 2024 était destiné à une tierce personne. Comme pour étayer cette hypothèse, des médias sociaux ont d’abord affirmé qu’Asma avait quitté les Comores trois jours avant la mort d’Akibarou avant de rectifier en indiquant son départ le 9 octobre, soit un mois jour pour jour avant la mort de son ex époux.
Elle dément les rumeurs évoquant un départ précipité : «J’étais épuisée, coincée dans un dossier judiciaire en Égypte à cause de cet homme. Mon avocat n’était pas aux Comores. Il se trouvait en formation en France. Je ne pouvais pas rester là-bas sans rien faire. Alors je suis partie en attendant le retour de mon avocat pour y revenir. Du moins ce qui était prévu avant que toute cette histoire arrive», explique-t-elle. L’histoire débute bien avant leur mariage. En mai 2022, selon Asma Khaled, Akibarou Issoufa lui propose de lancer un projet entrepreneurial aux Comores. Pour financer le projet, elle affirme avoir contracté deux prêts à son nom.
Ils se marient le 3 juin 2023, alors qu’Akibarou est déjà marié à une Anjouanaise, mère de ses enfants. Akibarou arrive aux Comores pour investir avec la société «Dinini Group Egypte», spécialisée dans la revente de couches. Le premier conteneur arrive au port de Mutsamudu. Mais rapidement, leur relation se dégrade. Asma découvre selon elle, «les infidélités de son mari et se retrouve incapable de rembourser les échéances bancaires». Elle affirme qu’Akibarou lui devait «12.500 euros liés au prêt, ainsi que sa dot de 5 000 euros jamais versée.»
Le 15 février, une plainte officielle est déposée. Le 26, le tribunal d’Anjouan émet un ordre d’empêchement contre Akibarou Issoufa, domicilié à Hombo-Mutsamudu, pour «abus de confiance, abandon de famille et escroquerie». Il lui est interdit de quitter Anjouan. Le 4 mars 2025, un ordre de comparution devant le tribunal est émis par le parquet. Le prévenu sera finalement arrêté le 3 mai 2025 à Mohéli pour être transféré à Anjouan. Il passera sept mois en prison sans jugement.
Son incarcération à la prison de Koki est décrite comme difficile par ses proches.
«Son état de santé a commencé à se dégrader environ trois mois après son incarcération», rapporte sa sœur. Jusqu’à la veille de sa mort, il partageait sa cellule avec une vingtaine de détenus, selon une source de l’administration pénitentiaire qui a requis l’anonymat. «Il a été malade durant plusieurs semaines avant de sembler aller mieux. Le dernier week-end avant son décès, il était en train de réparer une télécommande», a ajouté notre source. Mais le parquet de Mutsamudu a réfuté «ces allégations » en affirmant «qu’Akibarou Issoufa a été traité comme n’importe quel autre détenu».
(Lire en haut). Son procès, plusieurs fois reporté, n’a finalement jamais eu lieu. Une audience prévue le 30 septembre dernier est reportée pour «manœuvres dilatoires des avocats» supposées. En tout cas, le 21 octobre, ce père de 4 enfants, frère de l’ancien ministre de l’Aménagement, Afretane Yssoufa aurait adressé au directeur des Affaires judiciaires, «une demande urgente de mise en liberté provisoire pour détention abusive et absence de la plaignante». Sa requête restera sans réponse.
Dans ce courrier consulté par Al-watwan, l’accusé, pour justifier sa demande de mise en liberté provisoire a notamment argué que son ex-femme, la plaignante avait quitté le territoire plus de 15 jours auparavant. «Le plus choquant est que la plaignante est retournée en Egypte depuis plus de deux semaines. Malgré son départ, je demeure toujours détenu, sans audition sans avocat présent (…) et sans qu’aucune suite judiciaire ne soit donnée à mon dossier», lit-on.
Dans cette affaire, une autre femme nommée Rifda est poursuivie pour «blanchiment de capitaux entre 2023 et 2024». Les circonstances de la mort d’Akibarou Issoufa, entre conditions de détention, procédure judiciaire suspendue et tensions personnelles, demeurent entourées de zones d’ombre.

