Quels étaient les grands axes de la stratégie de la communication du Mongozi?
La stratégie était articulée autour du projet informatif du programme de développement politique, économique et social du pays. Le message était d’autant plus clair qu’il visait la mobilisation de la population et notamment de ses acteurs les plus dynamiques dans la construction du pays.Les grands axes étaient donc, l’information de ce qui se passe au pays et à l’extérieur, la sensibilisation sur l’engagement patriotique et la mobilisation des ressources humaines, techniques et économiques pour l’œuvre de développement et de justice sociale et l’expression des acteurs économiques, sociaux et culturels pour le partage de leurs expériences.Il a été également accordé beaucoup d’importance aux loisirs et aux divertissements avec le sport, la musique et le théâtre, notamment.
Pouvez-vous nous citer quelques émissions phares de l’époque?
Utangazadji ulezi (communication éducative), Nde ze ntsi ne matwaifa (les pays et les nations), Nde tarehi ya Msa fumu na Saïd Ali (des fresques théâtrales sur l’histoire des sultans), Saya Yishirini na Nne harumwa Ye Mabavu (Informations régionales), Omnonfu wahe milanantsi ugangi (les fondements de l’imposture feodalo- charlatanisme), Hadjibu le suala (une émission pédagogique)
Vous étiez jeune responsable de la radio dans le Bavu. Votre mission consistait en quoi au juste?
Je faisais partie du groupe de jeunes révolutionnaires formés personnellement par le président pour la communication de développement et de sensibilisation politico-idéologique. C’est ainsi que j’ai pris part à l’émission Omnonfu wahe milanantsi ugangi et en tant que responsable de l’antenne de Radio Komor du Bavu du centre, je supervisais les “24h dans les régions”. Je faisais le tour de la région du Centre de Ngazidja pour recueillir les informations du jour, faire des reportages, je rédigeais et diffusais le journal tout en passant l’antenne aux “camarades” des autres régions. Cette émission bénéficiait d’une audience impressionnante.
Quel a été́ le degré́ d’implication de Mongozi dans la politique de communication. Est-il vrai qu’il pilotait depuis Mrojuu la stratégie de communication?
Le président Ali Soilihi accordait beaucoup d’importance à la communication. Il recevait très fréquemment le groupe de “Utrangazadji ulezi” à la présidence pour voir avec lui le programme et la fréquence de diffusion ainsi que le choix des thématiques. En ce qui concerne notre groupe d’information, nous avons passé des mois avec lui et le suivions dans ses déplacements de terrain dans les trois îles libres pour nous former et nous informer.Tout au long de notre émission, nous restions travailler avec lui à la présidence jusqu’à trois jours avant l’invasion des mercenaires français.
Nous faisions, d’ailleurs, les enregistrements dans son salon et il y assistait toujours. Il ne pilotait pas la communication depuis Mdrojuu, il la suivait avec grande attention à tel point qu’il pouvait interpeller un journaliste pour lui faire une critique ou une remarque par rapport à la forme et/ou au fond.Pour rappel, c’est lui qui a donné le nom de “Radio Komor” à ce qui était l’Office de Radio et Télévision Françaises (Ortf). Il se déplaçait souvent pour aller échanger directement avec les journalistes et les techniciens et pour les encourager à tenir la baraque. Je me rappelle du jour où nous avons fait le premier grand journal en shiKomori. Quand nous sommes arrivés à la radio, le directeur de l’époque, Rachid Mohamed Mbaraka, nous a surpris en nous apprenant que le président était déjà là pour assister au direct de notre journal.
Il était resté avec nous au studio jusqu’à la fin du journal. Il nous a félicité d’avoir réussi un live en bon shikomori et en français et a fait quelques blagues sur nos gestuelles. Il nous a dit que nous allions être répartis en deux groupes, l’un pour renforcer l’équipe en place et l’autre mis à la disposition de la décentralisation de la radio car chaque Bavu (4 à Ngazidja, 1 à Mwali, 3 à Ndzuani et 2 à Maore) allait avoir sa radio. En un laps de temps, des studios étaient aménagés dans chaque Bavu et très bien équipé en moyens, sauf, naturellment, à Maore pour cause d’occupation coloniale. Pour Ali Soilihi, bien informer la population et bien former les acteurs, c’était une condition sine qua non pour réussir le développement du pays.
Quels sont les moyens qui ont été mis à la disposition de la radio. Y-a-t-il eu un volet formation. Qui les dispensaient. Avait-on eu recours à l’aide extérieur?
Pour les moyens, il y avait des équipements de dernier cri de l’époque pour les studios, les enregistrements et les diffusions en direct des reportages et decorrespondance. La transmission était si forte que la radio était écoutée en Tanzanie, à Madagascar et à la Réunion.
En ce qui concerne les moyens de déplacement, la radio a été l’une des services les mieux dotées en véhicule. Pour les sources, c’est à cette période qu’on a recouru aux dépêches pour suivre l’actualité internationale.Pour ce qui est de la formation, il y avait Saïd Hassane Djaffar, alors journaliste comorien à Rfi, qui était rentré au pays pour la formation des journalistes et avec l’appui du directeur de publication de l’Eclair de Madagascar, Latimer Rangers.
M.Mbaé