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Dr Abdouraouf Abdou Omar : «Fundi Toihir avait une parfaite maîtrise des fondements de notre société»

Dr Abdouraouf Abdou Omar : «Fundi Toihir avait une parfaite maîtrise des fondements de notre société»

Société | -   Nassila Ben Ali

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L’homme a su laisser ses traces. Saïd Toihir Bin Ahmed Maoulana s’est distingué de ses pairs en se détachant un peu des mosquées et en agissant sur la scène politique et sur les débats de société. Le doyen de la faculté Imam Chafioun, faculté des Lettres arabes et Sciences Islamiques garde l’image d’un homme tolérant, respectueux de la diversité culturelle. Un homme de débats et de recherches. Mais surtout un homme qui a participé moralement et physiquement à instaurer les bases et l’enseignement arabo-islamiques dans le pays. L’on citera ainsi son travail dans l’installation des maahad dans le pays, mais également son combat dans le cadre de la mise en place de l’Université des Comores, avec tout d’abord la faculté Imam Chafioun.

 

Quelle image gardez-vous du mufti Saïd Toihir ?

J’ai gardé de lui deux images. Tout d’abord, son rôle dans la vulgarisation de la civilisation arabo-musulmane aux Comores. J’ai vécu à ses côtés depuis 1988, année au cours de laquelle j’ai passé le concours d’entrée au maahad. Il m’y a enseigné la traduction et au lycée. Cette année-là, nous avons été renvoyés des lieux où le maahad a été installé. Nous n’avions nulle part où aller, mais avec l’aide de mufti Saïd Toihir Ahmed Maoulana, nous avions pu discuter avec des autorités de l’époque et étions logés au Lycée de Moroni. Après, je suis parti continuer mes études à l’étranger. A mon retour, plusieurs maahad étaient déjà mis en place dans le pays. Un jour, Saïd Toihir m’a rencontré à la présidence où je fus conseillé du directeur de cabinet chargé de la Ligue arabe, et m’a convaincu que ma place n’était pas dans l’administration mais dans l’enseignement pour promouvoir l’enseignement de la religion islamique et de la langue arabe. J’ai suivi ses conseils et j’ai intégré cette même année le maahad. Et, deux ans après, j’ai été nommé directeur.

Et la deuxième image ?

Il était déterminé à renforcer l’enseignement arabo-islamique. Auparavant, l’élève qui suivait l’enseignement en arabe ne faisait ni la sixième, ni le Bepc. Le mufti Saïd Toihir est parti voir le président de l’époque pour la mise en place du lycée au maahad. Il a eu gain de cause et les meilleurs enseignants d’arabe y étaient affectés. Nous avons mené plusieurs combats ensemble, notamment la revendication des terrains attribués aux maahad pour abriter le projet de mise en place d’un département d’enseignement technique pour aider les enfants qui ne seraient pas en mesure suivre l’enseignement général. Le combat n’était pas facile et a pris beaucoup de temps avec la justice. En tout cas, ensemble, nous avons eu gain de cause, nous avons récupéré ces terrains même si les responsables du projet ont fini par plier bagages.

Que retenez-vous de ses principales œuvres dans le pays ?

Parmi ses principales œuvres dans ce pays, on peut citer son rôle dans la création de de l’Université. En 2002, le grand mufti Saïd Toihir a fait sienne l’idée de mettre en place une université dans le pays. C’est le Dr Saïd Bourhane Abdallah qui a conçu le projet de l’université depuis Médine où il faisait ses études et il lui en a parlé. Le grand mufti a immédiatement embrassé l’idée et l’a présentée au chef de l’Etat Azali Assoumani, qui donnera son approbation. Il a ainsi promis de l’accompagner physiquement, moralement et financièrement. Et depuis, le président a pris ce projet et l’a fait sien en la présentant et en la défendant partout. La suite, on la connait, et tout cela reste le fruit du travail de l’ancien mufti Saïd Toihir Ahmed Maoulana. Finalement, c’est lui qui a donné le premier cours à la faculté Imam Chafioun, un cours de traduction du Saint-Coran, sachant qu’il était un des grands spécialistes en la matière. Alors, j’ai gardé de lui son combat pour le lycée arabe, son combat pour l’Université et son combat pour la promotion des sciences islamiques dans le pays.

Quelles sont les actions à mener pour perpétuer son héritage ?

La première chose qu’on envisage de faire est de mettre en place la bibliothèque Imam Chafioun, laquelle portera le nom de Bibliothèque Saïd Toihir Ahmed Maoulana. Si ses enfants et sa famille jugent nécessaire d’envoyer ses livres dans la bibliothèque au profit de tous les étudiants comoriens, c’est bon. Si non c’est aussi bon. En tout cas on respectera leur choix. En tout cas, dès ce lundi, notre bibliothèque portera son nom, car lui-même est une bibliothèque. Le deuxième point est de travailler pour renforcer l’enseignement arabo-islamique dans le pays, enseignement pour lequel l’ancien grand mufti a durement travaillé, pour lequel était dévoué et déterminer à mourir pour sa gloire.

Quelles sont les particularités de Saïd Toihir qui le distinguent des autres personnalités religieuses du pays ?

La première particularité entre lui et ses collègues : la maîtrise des fondements de notre société. En deuxième lieu, il connaissait bien les personnes avec lesquelles il a travaillé. Troisièmement, l’ancien grand mufti savait la place de toutes les personnes qu’il a côtoyées, quelles que soit leurs catégories sociales. Il leur donnait et savait leur donner leurs mérites. Je peux dire qu’avec tout cela, Saïd Toihir avait dépassé ses pairs. Il s’entendait avec tout le monde.
Autre qualité qu’il avait, il comprenait la politique.

Cela lui a permis d’accomplir ses missions sans bavures avec un esprit pacifique. Le grand mufti était auparavant avec les opposants, avec Molinaco. Il a évolué avec plusieurs partis de l’opposition. Vers la fin de sa vie, il était avec le pouvoir. C’était sa stratégie d’envoyer son message, sa prédication. Il était tolérant, il a travaillé avec des personnes de religions différentes. Il respectait la diversité culturelle. C’était un homme qui aimait les travaux de recherches. Il se documentait trop, même avec les ouvrages qui n’étaient pas religieux, comme les ouvrages de Lénine et Marx ou des ouvrages traitant sur les autres religions. Le mufti a beaucoup travaillé sur les droits de l’Homme et les droits de la femme dans l’islam par rapport à ses pairs prédicateurs.

L’enseignement des sciences islamiques se fait dans le pays mais pas à un niveau avancé. Quelle politique à mettre en place concrètement pour vulgariser cet enseignement dans le pays ?

C’est vrai, plusieurs érudits comoriens ont brillé dans la région. Ils ont enseigné, ils ont écrit. Alors, il faut faire pareil. Il faudra poursuivre leur chantier. Il faudra continuer avec la politique menée à la faculté Imam Chafioun, à savoir enseigner la langue arabe et la religion musulmane dans le pays. Enseigner les sciences islamiques, la vie du prophète comme ils l’ont fait avec brio dans le pays. Je tiens à féliciter des personnes comme Fundi Soidiki Mbapandza avec son initiative de l’école Madaris Al Iman, pour leurs travaux à perpétuer le travail réalisé par leurs prédécesseurs. Ainsi, il faut renforcer les madaris dans toutes les localités. Il faut que l’Etat change de méthode en faisant en sorte que l’enseignement en Arabe soit sur le même pied d’égalité que l’enseignement en Français, avec les mêmes avantages et le même encadrement pour permettre à l’élève de maîtriser les deux langues et la religion bien sûr avant de suivre quoi que ce soit.

Notre pays a connu des éminents érudits comme Habib Omar Bin Soumeit, Omar Abdallah dit Mwinyi Baraka, et autres. Comment faire pour perpétuer leurs mémoires et apprendre leurs pensées aux nouvelles générations ?

Nous avons déjà mis en place à la faculté Imam Chafioun, une politique de recherche sur ces grandes figures comoriennes de l’enseignement arabo-islamique avec nos étudiants est engagée.L’année dernière, l’ancien ministre des Affaires islamiques, Mohamed Ousseine, a convoqué les oulémas pour une réflexion sur ce sujet. Ainsi, le travail est lancé. Plus de six grandes figures, comme Saïd Mohamed Abdurahman, Al Habib Omar Bin Soumeit, Mohamed Charif, ou encore Fundi Kamaroudine, font déjà l’objet de recherches actuellement avec des étudiants comoriens. Nous nous sommes mis d’accord de permettre aux étudiants qui le souhaitent de travailler sur des thèses de recherches sur les érudits comoriens de l’enseignement arabo-islamiques. Nous les encourageons d’ailleurs à le faire. C’est le travail qu’on peut faire au niveau de l’Université des Comores.

N’est-il pas grand temps d’introduire la vie et la pensée de ces érudits dans manuels scolaires ?

Si. Il est temps pour les élèves et les étudiants comoriens de connaitre et d’apprendre la vie et la pensée de ces grands hommes qui ont contribué à une connaissance de la religion musulmane dans ce pays, mais il va falloir d’abord lancer les recherches sur eux d’abord afin de concevoir leurs mémoire et de rassembler tout ce qui est nécessaires pour le faire. D’où, la mise en place de la bibliothèque Imam Chafioun pour tout d’abord concevoir, conserver et protéger leurs mémoires.

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