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Dr Bruno Marc Zafilahy, président de la diaspora malgache aux Comores I «Nous sommes condamnés à vivre ensemble dans la diversité»

Dr Bruno Marc Zafilahy, président de la diaspora malgache aux Comores I «Nous sommes condamnés à vivre ensemble dans la diversité»

Société | -

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Madagascar et les Comores ont des relations qui ne datent pas d’aujourd’hui. C’est ainsi qu’on retrouve une grande communauté comorienne à Madagascar et une grande communauté malgache aux Comores. Il y a quelques jours et pour la première fois, la communauté malgache, installée aux Comores depuis plusieurs décennies a décidé de créer son association : la Diaspora malagasy aux Comores. Son tout premier président, Dr Bruno Marc Zafilahy nous a accordé une interview exclusive où il revient sur plusieurs sujets dont les difficultés que rencontrent les Malgaches aux Comores et inversement.

 

Quel est votre sentiment après votre élection à la tête de la Diaspora malgache aux Comores ?

Un sentiment de réjouissance. Je crois qu’un terme peut en résumer tout cela : la délivrance. 
Car nous n’avons pas une autre association qui nous unit au sein de la communauté malagasy aux Comores. Comme toute diaspora dans un pays étranger, les Comoriens, les malagasy ont tout à fait le droit de créer cette diaspora sous l’appelation de Dmc, la diaspora malagasy aux Comores.

C’est un accouchement. C’est une coalition qu’on a voulu monter pour que cette diaspora puisse être créée et mise en place. Nous sommes ravis en général. J’espère que je ne suis pas le seul, en qualité de président, à l’être, mais que tous les Malagasy le sont également après la création de cette association. C’est à partir de cette dernière qu’on arrivera à voir ensemble les perspectives d’avenir pour une solution pérenne à nos problèmes, à court, à moyen et à long terme. On est ravi.

Est-ce que vous avez des chiffres, des statistiques sur le nombre de Malgaches résidant aux Comores, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas…

À ma connaissance, il n’y a pas de chiffres exacts, mais des chiffres approximatifs. On parle de 3 000 à 3 500. C’est d’ailleurs l’une de nos principales missions : le recensement de tous les Malgaches aux Comores. Cela nécessite une collaboration au sein même de la communauté et l’approbation entre la Dmc et les autorités comoriennes. Car tous ces gens doivent passer par les frontières établies. Or, il y beaucoup de personnes qui passent outre. Mais, à partir de là, on va travailler avec le ministère de l’Intérieur pour savoir les chiffres exacts.


Quelles sont vos priorités ? Qu’est-ce qui vous tient à cœur en tant que président de la Diaspora malgache aux Comores ?

La Diaspora malagasy aux Comores a pour but d’accompagner et surtout de soutenir les membres de la communauté malagasy. Il y a la devise en  malagasy : le firhavanana, la fraternité et le fifanam-piana, l’entraide mutuelle. C’est notre arme, car pour faire de bonnes choses, il faut se soutenir. C’est la devise que nos ancêtres nous ont léguée.

 Et c’est une sagesse au sein de la diaspora malagasy aux Comores. Il n’y pas encore une représentation diplomatique aux Comores. Et seule la diaspora peut faire quelque chose et veut faire quelque chose. Pas tout régler à 100 % les problèmes, mais se soutenir entre les membres en cas de difficulté, promouvoir l’entraide mutuelle.

Cette entraide passe par quoi exactement concrètement ?

En cas de difficultés, en cas de maladie, de décès, il y a le Tsy pai-paika, une forme de cotisation. C’est-à-dire un soutien, ce que chacun peut offrir, on collecte et on remet à la personne en difficulté.

De nombreux citoyens malgaches et comoriens rencontrent des difficultés aux Comores et à Madagascar, notamment des tracasseries administratives. Comment faire pour y remédier ?

Je crois que, de ce côté, il y a les autorités compétentes, de part et d’autre, aux Comores et à Madagascar. Elles sont mieux placées pour régler ces problèmes. Les deux pays ont leurs législations qu’ils ont mis en place. Notre rôle est de travailler ensemble, par le biais de la diaspora.

Et celle-ci peut et veut apporter sa contribution pour régler les problèmes en collaboration avec le service de l’immigration de Mada et des Comores. Mais tout passe d’abord par le recensement. Il y a des gens qui viennent sans que l’on ne soit au courant. Si on arrive à recenser les gens, cela sera beaucoup plus facile pour régler tous les problèmes en collaboration avec les services compétents comoriens. Je l’ai toujours dit, il faut une collaboration étroite et pérenne avec les autorités comoriennes.

Des Malgaches aux Comores sont victimes de maltraitance, surtout des femmes avec des qualificatifs peu louables. Est-ce qu’il y a des moyens ou une politique pour mettre un terme à ces maltraitances pour que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité, qu’il soit Malgache ou Comorien ?

Tout doit commencer à partir de Madagascar d’abord pour voir comment ces gens-là arrivent aux Comores et pour quelles raisons. Cela nous permettra d’avoir une connaissance véritable pour qu’on puisse prendre des prédispositions en cas de problèmes.

Et cela passera toujours par le service de l’immigration, car on ne connaît pas ces gens-là quand ils viennent ici avec des contrats. Et on n’arrive pas à savoir le fond de leurs contrats. C’est le cœur du problème. On peut anticiper. Mais tout doit être réglé depuis Madagascar. Et ces gens viennent avec un visa de l’ambassade des Comores à Madagascar.

C’est cette porte qu’il faut savoir contrôler. On connaît tout cela (…). Donc, il faut qu’on travaille ensemble, je crois qu’on peut trouver de solutions. Nous allons très prochainement travailler sur ces cas et soumettre nos propositions aux autorités compétentes. Car la diaspora ne fait qu’assister et soutenir la communauté malagasy aux Comores.

Comment avez-vous accueilli l’annonce de l’ouverture d’une ambassade malgache aux Comores ? Que faut-il faire pour renforcer la cohésion et les relations fraternelles entre les peuples comorien et malgache ?


Vous avez raison. Le peuple comorien et le peuple malagasy sont deux peuples frères. Vu l’histoire, même depuis l’époque coloniale jusqu’à la période de la première République deMadagascar. Philibert Tsiranana quand il venait ici portait même le kofia. Tout cela pour prouver ses affinités avec les Comores. 

D’autant plus que la monnaie qui circulait à Madagascar, au début de l’indépendance, était la même qui circulait aux Comores. Les Comores faisaient partie de Madagascar, on ne peut pas dissocier cela, les Comores, c’était la 7e province de Madagascar, la 19e tribu de Madagascar, il y a des liens de sang, des liens culturels indissociables. 

Cette annonce est une bonne surprise. Nous avons attendu cela, car cela fait cinq ou six ans sans une représentation diplomatique. Avec cette relation et la présence d’une ambassade des Comores à Mada, on pense qu’on a été oublié. On pensait qu’il n’y avait pas un équilibre diplomatique. Mais mieux vaut tard que jamais. Espérons que d’ici quelques temps cette ambassade sera ouverte et inaugurée.

Est-ce que vous avez un message particulier à livrer à la communauté comorienne et à la diaspora malagasy aux Comores ?

Nous sommes obligés de nous rassembler, nous sommes condamnés à vivre ensemble dans la diversité. Notre association est en train de travailler pour renforcer ce vivre-ensemble. Il faut que chaque membre de la communauté malgache soit représenté dans notre association ainsi que chaque faritany. Nous avons 23 régions à Mada, on n’est plus maintenant à 22 régions.

La 23e région a été officialisée tout récemment par le président, la région Vatvafy, à côté de Mananazara. Il y a donc une représentation massive de la communauté malagasy. Notre devise, c’est , l’unité dans la diversité. Certes, nous ne venons pas de la même région, nous n’avons pas la même physionomie, nous n’avons pas la même conviction confessionnelle.

Vous le savez, il y a même des animistes. Mais tous les malagasy doivent être traités sur le même pied d’égalité. C’est l’unité que nous cherchons pour que nous nous assistions nous-mêmes, pour nous projeter avec les autres communautés en l’occurrence la communauté comorienne pour que nous puissions oeuvrer dans la paix, car, sans la paix, il n’y a pas de développement.

Nous sommes ravis de vivre dans ce pays. Les Comores, c’est notre deuxième pays, comme les Comoriens qui sont là-bas et qui considèrent Madagascar comme leur deuxième pays. La Diaspora malagasy aux Comores veut bien vivre en harmonie avec ses frères et sœurs comoriens. Récemment, il y avait le sommet France-Afrique, pourquoi pas ne pas créer le sommet Comores-Madagascar pour réchauffer les relations entre les deux peuples ?

 A.S Kemba

 

Bio-Express

Père de trois enfants, Bruno Marc Zafilahy, 65 ans, a suivi des études de médecine à l’Université d’Ankatsou de Tananarive. Il est arrivé aux Comores en 1991 et détient l’une des cliniques les plus fréquentées à Moroni.

Elu président de la Diaspora malagasy aux Comores au mois de mai 2021, il a été officiellement investi, fin octobre, à l’occasion d’une cérémonie solennelle organisée à l’hôtel Le Retaj et à laquelle avaient pris part diverses personnalités comoriennes dont le ministre des Affaires étrangères, Dhoihir Dhoulkamal.

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