En ma qualité de vice-président en charge de l’économie, mais plus encore, en ma qualité d’ancien magistrat et d’ancien président de la Commission Nationale OHADA des Comores, j’ai été heurté par le réquisitoire fait à l’endroit de l’OHADA par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Moroni, Maître Ibrahim Ali MZIMBA.
Lire aussi : Rentrée judiciaire : Le bâtonnier de l’Ordre donne ses appréciations sur le droit Ohada
Aussi, la probité intellectuelle et ma conscience politique m’obligent à lui répondre. L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) a pour trois objectifs fondamentaux repris dans le préambule de son traité à savoir celui de renforcer la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (i), garantir un climat de confiance concourant à faire de l’Afrique un pôle de développement (ii) et faire de l’harmonisation du droit des affaires un outil d’affermissement continu de l’Etat de droit et de l’intégration juridique et économique (iii);
Dans son intervention au quotidien Alwatwan du vendredi 13 octobre dernier, le Bâtonnier feint d’ignorer les avancées significatives pour notre pays grâce à cette organisation, et en particulier eu égard aux objectifs précités : (i) D’abord en ce qui concerne la sécurité juridique. Est-il utile de rappeler qu’en fondant l’OHADA au côté des autres pays membres fondateurs, notre pays a depuis 1993 contribué significativement à la sécurisation juridique des affaires en adoptant des lois (acte uniforme) empruntes de modernité et adaptées à l’évolution des affaires.
Si Monsieur le Bâtonnier suggère dans son intervention que nous aurions pu en faire autant sans l’association des autres pays membres, la modestie et le réalisme devraient facilement le contredire car sans notre adhésion à l’OHADA, nous en serions probablement toujours à appliquer le code de commerce de 1984, vétuste et inadapté, à l’instar de nos autres textes de droit hérités de l’ère coloniale et toujours en vigueur. (ii)
Ensuite, par rapport à l’objectif de mise en place d’un climat de confiance. N’ayons aucune crainte à l’affirmer non plus, notre adhésion à l’OHADA rassure. Elle rassure d’abord nos concitoyens hommes et femmes d’affaires comoriens, quant à l’impartialité et la compé- tence des juges suprêmes de l’OHADA, juridiction de cassation des affaires commerciales.
Elle rassure ensuite et surtout nos investisseurs étrangers, qui habitués au risque juridique des Etats africains qui changent leurs lois, et donc la règle du jeu des affaires, à chaque remaniement gouvernemental, voient en notre adhé- sion à l’OHADA un gage sans conteste de la stabilité juridique des Affaires dans notre pays. (iii)
Enfin, concernant l’objectif de faire de l’harmonisation du droit des affaires un outil d’affermissement continu de l’Etat de droit et de l’intégration juridique et économique. Monsieur le bâtonnier de l’ordre des Avocats de Moroni serait sans doute étonné d’apprendre que notre appartenance à l’OHADA est la principale raison de l’accroissement de notre classement aux indicateurs « doing business » fixés par la Banque Mondiale. Nous rassurons alors les investisseurs étrangers.
Nous les rassurons d’autant plus que ces investisseurs déjà présents dans l’espace OHADA, sont aujourd’hui tout autant que l’homme et la femme d’affaires comoriens, aux fins de la règle de droit qui s’applique à leurs affaires aux Comores. L’intégration juridique n’est-elle donc pas atteinte ? Alors quid des reproches du bâtonnier sur la prétendue impossibilité matérielle pour les comoriens de pouvoir aller à Abidjan pour soumettre leurs dossiers en cassation ?
Ce qu’il faut rappeler, c’est qu’en réalité contrairement à ce qu’affirme Maître Ibrahim Ali MZIMBA, « la procé- dure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est essentiellement écrite » comme en dispose l’article 34 de son règlement de procédure, et « tout avocat pouvant se présenter en qualité d’avocat devant une juridiction de l’un des Etats Parties au traité� » peut représenter son client dans la procédure comme en atteste l’article 23 du même règlement. Concrètement, cela signifie que la majeure partie des cas, tout avocat du Barreau de Moroni peut soumettre ses mémoires écrites dans une procédure en cassation devant la CCJA, et ce depuis Moroni par envoi postal recommandé� (article 24) sans jamais avoir à se déplacer.
Alors l’excuse de l’éloignement géographique tient-il encore dans ces conditions ? La vérité c’est que si un seul dossier comorien n’a été traité par la CCJA depuis son existence c’est parce que les parties – et donc leurs avocats – n’ont jamais cru opportun de saisir la CCJA par simple envoi postal, et non parce qu’elle est située à Abidjan.
En tout état de cause, je partage la satisfaction de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Moroni à ce que la Cour suprême va enfin cette année publier ses décisions. Cela contribuera sans conteste à raffermir l’Etat de droit. Mais à n’en pas douter, notre adhésion à l’OHADA en cette ère de mondialisation économique est une chance immense pour notre pays, notre climat des affaires et l’attractivité des investissements pour le bien être de l’ensemble des Comoriens.
Djaffar Ahmed SAID HASSANI Vice-président de l’Union des Comores Chargé du Ministère de l’Economie, du Plan, de l’Energie, de l’Industrie, de l’Artisanat, du Tourisme, des Investissements, duSecteur Privé et des Affaires Foncières.