Chaque année, le département d’Etat américain publie un rapport revenant sur l’évolution des droits humains dans le monde. Les Comores font partie des pays sondés. Et pour 2023, les conclusions relèvent plusieurs « violations des droits de l’homme » et surtout une impunité qui s’est généralisée, selon le rapport. Le document, accessible en ligne, rapporte de nombreux faits enregistrés à travers le monde dont «des exécutions arbitraires ou illégales », y compris des exécutions extrajudiciaires, des conditions de détention difficiles dans plusieurs pays et qui mettent la vie des personnes en danger.Au niveau de l’armée comorienne plus spécifiquement, les Etats-Unis ont noté « une impunité qui constitue un problème important au sein des forces de sécurité, en particulier au sein de l’armée et de la gendarmerie».
Le cas de Fahad Moindze, jeune de 21 ans tué d’une balle dans la tête fin novembre aux alentours du stade de Maluzini, a été énuméré comme la parfaite illustration. «Aucune disparition n’a été signalée par ou au nom des autorités gouvernementales», lit-on dans le rapport d’une vingtaine de pages, accessible en anglais et en français.
Globalement, la situation des droits humains en 2023 n’a pas connu d’améliorations, soulignent les enquêteurs, ayant contribué dans la rédaction de ce rapport, très critique dans son ensemble. Sur le volet des procédures d’arrestations, le système judicaire comorien est pointé du doigt. «La loi exigeait des mandats d’arrêt judiciaires et l’approbation du parquet pour détenir des personnes pendant plus de 24 heures sans inculpation. La loi prévoit aussi une détermination judiciaire rapide de la légalité de la détention et l’information rapide des détenus des charges retenues contre eux. Ces droits n’ont pas été systématiquement respectés», déplore le département d’Etat américain, qui rapporte des cas d’interpellations temporaires de personnes pour avoir organisé des manifestations politiques, exprimé leurs opinions politiques ou critiqué le gouvernement.
Longue détention provisoire
Autre tableau moins reluisant : la durée des mandats de dépôt. «La longue détention provisoire est un problème aux Comores. Les détenus attendent régulièrement leur procès pendant de longues périodes pour des raisons telles que les retards administratifs, l’arriéré des affaires et la lenteur de la collecte des preuves. Certaines prolongations se sont poursuivies pendant plusieurs années et, pour de nombreuses personnes, elles dépassaient les peines maximales prévues pour les crimes présumés», énumère le rapport de l’équivalent américain de notre ministère des Affaires étrangères, qui reconnait que « les condamnations de l’ancien président Sambi et de l’ancien gouverneur Salami en 2022 étaient motivées par des raisons politiques », selon des observateurs interrogés au cours de l’enquête.
Puisque les investigations se sont penchées sur les libertés civiles, un chapitre consacré à la liberté d’expression figure dans le rapport, publié le 20 avril 2024. «Des individus ne pouvaient pas critiquer le gouvernement ou soulever des questions d’intérêt public sans contrainte. Les autorités auraient arrêté des individus pour avoir fait des déclarations publiques, notamment en ligne, critiquant le président. Certains journalistes ont été victimes de harcèlement de la part des autorités gouvernementales en raison de leurs reportages», dénonce le rapport. Les entorses à la liberté de se rassembler pacifiquement n’ont pas été oubliées.
L’exigence de permis et autres approbations sous peine de faire l’objet d’une arrestation sont citées parmi les subterfuges utilisés par le gouvernement pour empêcher toute manifestation.Il est toutefois à noter que les auteurs des faits graves au sein de l’armée comorienne sont systématiquement et généralement mis «en arrêt cellule», traduits en commission de discipline pour les sanctions administratives et statutaires prévues par la loi militaire. Ils sont souvent punis ou rétrogradés voire même radiés, selon le degré de la faute avant d’être mis à la disposition de la justice pour toute poursuite pénale éventuelle.