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Du poulet grillé au petit dej ! I Le mode culinaire qui tue à petit feu la santé des consommateurs

Du poulet grillé au petit dej ! I Le mode culinaire qui tue à petit feu la santé des consommateurs

Société | -   Nourina Abdoul-Djabar

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Les ailes de poulet, appelées communément « Mabawa » dans nos îles, deviennent le plat favori de beaucoup de gens. Mode culinaire en vogue, elles sont consommées dès les premières heures de la journée. Les professionnels de santé alertent sur les conséquences fatales qui risquent de subvenir plus tard. Pour comprendre d’où vient le phénomène, nous allons à la rencontre des vendeurs.

 

Les habitudes gastronomiques changent dans le pays. Particulièrement le menu au petit matin. Jadis, au petit déjeuner, les Comoriens prenaient du thé au gingembre ou avec du lait concentré. Ils accompagnaient généralement la boisson chaude, de pain ou croissant ou des gâteaux du terroir faits à base de céréales dans la demeure familiale par la main de la mamie ou achetés dans les épiceries et autres petits coins de café du quartier. Des spécialités qui ont cédé, aujourd’hui, le marché à la consommation des ailes de poulet. Faites le tour de la capitale, Moroni, du sud de la ville en partant de Zilimadju jusqu’au grand marché Volovolo, au nord, en passant par les petites gargotes ouvertes çà et là, l’odeur du poulet grillé vous envahit les narines tôt, dès 8 heures du matin.


A partir de 5 heures, Alisoa Andrianina*, femme d’origine malgache, est débout pour entamer les préparatifs de son commerce. Vers les coups de 8 heures, le charbon chargé au fourneau, elle allume le brasier car aussi tôt sa clientèle commencera à venir. «Au début quand je suis arrivée aux Comores, on commençait à 11 heures pour recevoir la clientèle à 12 heures, heure de pause. Cependant, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le contexte a changé, la clientèle arrive très tôt, dès fois j’entends des clients qui disent avoir faim », explique-t-elle tout en exposant ses brochettes de viande de bœuf à la chaleur du fourneau.


Vêtue d’un boubou et un foulard noué autour de la tête pour retenir ses cheveux, elle s’active autour d’un feu sur lequel manque du poulet. «La pénurie ne nous permet pas de proposer des ailes de poulets actuellement, nous espérons reprendre prochainement s’il y a une livraison dans les prochains jours», espère-t-elle.
Dans le coin, il n’y a qu’Alisoa. Les vendeurs de brochettes sont nombreux, il y a ceux du matin jusqu’à l’après-midi, puis un autre groupe du soir connu pour son ancienneté, à l’exemple de Clarisse et Tchebana.


Par contre à Volovolo, au tour du grand marché de la capitale, le rythme de travail est différent. Ce sont des femmes et des hommes à héler les passants et les travailleurs du bazar pour écouler leur grillade. Ici, la tendance du poulet est remplacée par les saucisses de volaille, ces boyaux en forme de tubes fermés aux extrémités vendus dans les supermarchés de la capitale. À en croire Nemati Soilihi, «les saucisses ont le gout du poulet, c’est un bon remplacement moins coûteux. On a eu du mal à l’intégrer mais il est accepté, maintenant les Comoriens s’adaptent».


En effet, les clients font la queue dès 7 h du matin jusqu’à tard le soir pour se procurer cette nourriture, au marché. Dès qu’ils se lèvent, leurs clients prennent habituellement la direction du marché avant de se rendre à leurs lieux de travail respectifs.Cependant, sur ces habitudes culinaires les spécialistes de la santé ne sont pas du même avis. Interrogé à ce propos, le nutritionniste Hamid Papa parle d’un désastre dévastateur sur le plan de la santé.

Le nutritionniste tire la sonnette d’alarme

«La grillade de la viande, des ailes de poulet, du poisson et des saucisses, comme mode de cuisson est un désastre sur le plan de la santé et sur le plan qualité nutritionnelle», soutient-il. Il indique, en outre, que «sur le plan de la santé, la forte recrudescence des maladies dégénératives comme les maladies cardiovasculaires, les Avc, les cancers et le diabète, communément appelées maladies dites civilisationnelles, touchent un nombre important de la population comorienne, il y a environ deux décennies».

Les saucisses, un produit cancérogène

Toujours selon le nutritionniste, la grillade (au barbecue) a comme conséquence directe l’altération et la destruction des vitamines, ainsi que la production de substances toxiques et cancérigènes liée aux cuissons longues et aux fortes températures. Les mêmes conséquences qu’avec les modes de cuissons comme la friture et les sauces grasses.«Des solutions existent pour remplacer ces modes de cuissons néfastes. C’est le cas des cuissons comme la grillade verticale et d’autres aspects importants à prendre en considération tels que la marinade, le feu doux, l’utilisation du charbon de bois, la cuisson courte et la consommation modérée des viandes grillées (1x/mois)», recommande le nutritionniste.Ces substances cancérogènes sont fréquentes surtout sur la saucisse. Dr Said Hassane, chimiste, précise : «la pellicule utilisée pour l’emballage de la viande de saucisse peut être cancérigène selon le mode de conservation appliqué ; il faudrait que l’État contrôle les produits importés et veille à ce que la conservation et l’hygiène soient respectées », souligne-t-il.


Hamid papa est du même avis. «La viande de saucisse est une catastrophe et un désastre pour la santé humaine. Sur le plan de la qualité diététique et nutritionnelle, ce sont des protéines vides, et sur le plan de la qualité organoleptique et sanitaire (comme leur conservation). Le problème est que dans la restauration des rues il n’y a aucune hygiène et normes de qualité sanitaire», alerte le médecin.L’élément déclencheur de ce changement alimentaire brusque peut être justifié par différentes formes à proportion nutritionniste et en aspect. La grillade est savoureuse-graisseuse, repas rapide avec une sensation de satiété rapide, et une longue digestion pouvant aller jusqu’au repas du soir. Un autre aspect économique, le prix de revient, la rareté des denrées de base et les effets qui découlent de l’augmentation du prix du riz et des produits locaux.
Toutefois, le nutritionniste Hamid Papa Abdallah rappelle que «notre santé est dans ce que nous mangeons et tout près de nous !».

* Nom d’emprunt

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