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Débat autour du maintien ou pas des Comores au sein de l’Ohada : L’Union des Comores a intérêt à se maintenir au sein de l’Ohada

Débat autour du maintien ou pas des Comores au sein de l’Ohada : L’Union des Comores a intérêt à se maintenir au sein de l’Ohada

Société | -

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Qu’il nous échoit le privilège de participer au débat relatif à l’Ohada aux Comores. Effectivement Me Ibrahim Mzimba a tout à fait raison de poser la problématique de l’appartenance des Comores à l’Ohada et tout l’argumentaire qu’il l’accompagne. En effet, dans son approche, Me Mzimba lance des évidences à trois dimensions, d’une part avance le bilan judiciaire de 23 ans d’appartenance, mitigé, la problématique de se maintenir ou se retirer, et d’autre part, en cas de retrait, pose une alternative, à savoir, façonner un système régional Coi accessible, pratique et de proximité géographique (“une bonne justice se définit par sa proximité avec les justiciables et sa facilité d’accès”, dixit le bâtonnier).

 


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Avant toute contribution, nous estimons nécessaire de préciser certaines terminologies juridiques usées dans le texte, qui peuvent semer confusion chez plusieurs profanes du système du droit. Parler de l’Ohada en tant que système judiciaire est inapproprié. En effet l’Ohada est une organisation internationale composée de 16 Etats-parties africains à l’origine, puis une nouvelle adhésion en 2012, a mis en commun l’ensemble des principales disciplines de droit qui concourent dans le domaine des affaires.

L’Organisation s’articule autour d’un système juridique (production des textes législatifs) et judiciaire (sans création d’un système nouveau parallèle, mais les juridictions des Etats-Parties appliquent les textes législatifs de l’Ohada et pour l’unicité de la jurisprudence, une Cour extraterritoriale, composée de magistrats de très haut niveau, au dessus de tout soupçon, provenant des Etats-Parties).

Par la ratification du Traité de Saint-Louis par l’Assemblée nationale, les Comores ont transféré la compétence de légiférer dans les domaines du droit des affaires, et plus spécifiquement dans les matières énumérées dans le Traité. Cela dit, les Etats-parties restent souverains pour légiférer sur l’ensemble de leur système juridique et judicaire. Dès leur adoption par le Conseil des Ministres des Etats-parties, les Actes uniformes qui contiennent les matières législatives du droit des affaires intègrent automatiquement le corpus legi du droit interne comorien.

Lors de la procédure de préparation et d’adoption des Actes uniformes, les Etats-parties y participent activement. Donc, il s’agit bien d’un droit auquel chaque Etat-partie s’investit activement et l’adoption se fait à l’unanimité. Pour le débat, notre exposé s’articulera en suivant les trois préoccupations du Bâtonnier de Moroni, Me Mzimba, à savoir le bilan de l’Ohada, la nécessité d’un maintien ou pas et la solution alternative proposée.

Le bilan

L’Ohada est une organisation internationale africaine censée mutualiser les intelligences législatives et judiciaires du droit des affaires dans un monde moderne et globalisé. La mise en œuvre de la législation des affaires est assurée par le système judiciaire des Etats-parties. Seule l’unicité de la jurisprudence est confiée à la Cour extraterritoriale qu’est la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Sa composition est assurée par des magistrats de très haut niveau, au dessus de tout soupçon, provenant des Etats-parties.

Quant à l’absence des décisions en provenance des Comores, la Ccja ne peut pas créer des affaires sans l’intervention des auxiliaires de justice, au premier plan les avocats qui l’ignorent,  et n’ont pas fait leur job.
La procédure n’est pas aussi chère qu’on peut le penser par rapport à la procédure en cassation à la Cour suprême de Comores. En plus, elle est essentiellement par écrit. Il n’y a pas nécessité absolue que les parties et les Conseils, se déplacent physiquement jusqu’à Abidjan. Et d’ailleurs, en matière de droit des affaires, une excellente requête, suivie des échanges des mémoires de répliques et de contre-répliques ne nécessitent pas de grands débats d’explication orale, parce que tous les types de moyens de preuve peuvent être soumis par un acte valable. Ainsi on peut faire l’économie de la présence.

Cependant, des séances foraines sont parfois organisées, notamment l’année dernière en République démocratique du Congo, et aussi si le nombre d’affaires le mérite. En ce temps des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il est même envisageable de procéder dans l’avenir des plaidoiries, si nécessaire, en vidéoconférence !

L’Ohada fait de l’arbitrage l’essentiel du règlement des différends entre opérateurs économiques et précise le contour dans le Traité, Livre IV, articles 21 et suivants. D’ailleurs la Cour d’arbitrage des Comores  a puisé sa démarche et une émanation dans sa formulation de l’Acte uniforme relatif à l’Arbitrage de l’Ohada.
En matière de jurisprudence des affaires, la situation comorienne est plus proche des économies africaines que française (même niveau de l’informel) et qu’il serait plus judicieux d’en référer à celle-là.

Quant au système comptable (Syscohada), la présentation des états financiers et l’adoption de la norme Ifrs constitue la modernité en matière d’information financière. Une expérience portée principalement par les intelligences africaines, elle fait l’objet de curiosité et d’études dans d’autres systèmes. C’est ainsi que des rapprochements et des échanges sont en cours, notamment avec le droit caribéen.

Droit moderne et spécifique, il suscite de la curiosité de la part d’éminents juristes internationaux : des séminaires, des  colloques au niveau international s’organisent notamment en France, Belgique, Suisse, Canada, Allemagne… des Masters et des Doctorats sont ouverts… On entend même des chuchotements pour une législation européenne en droit des affaires. Toutes ces informations peuvent être consultées et obtenues gratuitement à travers les sites et la newsletter de l’Ohada.

Maintien ou pas ?

La dénonciation (retrait) est prévue en son article  62, sous double condition : d’une part, après 10 ans depuis  son entrée en vigueur, d’autre part, ne prendra effet qu’une année après la date de la notification. Il serait intéressant avant que les politiques aient décidé ou pas de s’en défaire, que l’on soit suffisamment éclairé sur les enjeux actuels, avec un monde en ébullition économique. La tendance vers l’émergence nécessite des financements et des investissements étrangers.

Or ces groupes cherchent généralement à être sécurisés juridiquement. La pratique d’un droit reconnu mondialement, constitue un gage de sécurité. Des assises, des colloques seraient utiles pour confronter les points forts pour le maintien et ou pour un retrait pur et simple. En cas de retrait, une des solutions préconisées parait aussi vraisemblable. Mais serait-elle efficace, viable ?

Le Bâtonnier, Me Mzimba, a eu l’honneur de ne pas laisser un vide, après le retrait éventuel des Comores de l’Ohada. En observant rapidement la composante juridique de la Coi, nous constatons qu’il y a 3 Etats ayant une approche juridique romano-germanique (Madagascar, La Réunion et l’Union des Comores) et 2 Etats fortement imprégnés de Common law (Seychelles et Ile Maurice). Alors, faudrait-il créer une troisième voie ? En tout état de cause, la Réunion s’exclut d’office pour des raisons évidentes.

Et pour les quatre autres, il leur faut des financements, des ressources humaines et du temps pour produire de nouvelles législations de droits des affaires. Et en attendant l’aboutissement de cette procédure, on fait quoi ? Le débat reste ouvert…

En guise de conclusion, à travers notre développement, nous estimons avoir démontré l’intérêt positif du maintien de l’Union des Comores dans l’Ohada. Outre l’expertise qu’apportent les institutions de l’Ohada en matière de droit des affaires, il est indéniable de dire que nous profitons des économies d’échelle quant à la production législative.

Vivant dans un monde globalisé, avec une participation, modeste soit-elle, à l’économie mondiale, et aspirant à l’émergence, laquelle sollicite la participation des groupes économiques internationaux, l’appartenance de l’Union des Comores à une communauté juridique et judicaire, plus sécurisante pour les financiers et investisseurs, demeure utile.


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