Le notable Mze Ali wa Azir a retrouvé sa dernière demeure, samedi 19 août, au terme de funérailles très encadrées dans sa ville natale de Mitsudje. Il est décédé à l’âge de 81 ans. La mauvaise nouvelle sur son décès est intervenue vendredi en début d’après-midi. Le président Azali Assoumani a dû suspendre la suite de sa tournée dans les îles pour regagner Moroni pour assister à l’enterrement de l’un des « doyens » de la ville et l’un des grands notables du pays. Ministres, députés, cadres, notables et chefs religieux avaient pris part à ses obsèques.
Un notable de la haute classe
Le chef de l’Etat a dirigé la prière mortuaire à la grande mosquée de la ville en présence du président de l’Assemblée, Moustadroine Abdou, du mufti de la République Aboubacar Said Abdillah Djamalilaili, du grand cadi Said Mohamed Athoumane. La foule immense était à la hauteur de la personnalité du défunt. Mze Ali wa Azir faisait partie de ce club des notables guidés par le code de l’honneur et le sens de l’humilité, du courage et de la perfection personnelle.
À Mitsudje, les membres de sa génération sont, entre autres, Abderemane Mohamed, Abdallah Mdoihoma, Illiassa Mohamed. La nouvelle s’est vite répandue sur les réseaux sociaux où des internautes racontaient leurs propres récits sur l’histoire et le statut du défunt. «C’est une perte immense pour la ville de Mitsudje et le pays en général», a souligné Badoro Ismail dans son éloge funèbre. Mze Ali wa Azir a été l’une des personnalités vivantes de la notabilité du pays.
Son nom est gravé dans la mémoire de nombreuses générations. Notable de la haute classe, l’homme avait une grande voix et s’est fait connaitre surtout par son ouverture d’esprit et son génie à jouer le rôle de moralisateur de la vie locale à Mitsudje où il devient chef du village au début des années 1980, quelques années plus tard après l’accomplissement de son grand-mariage en 1971.
«Il était l’ami de tout le monde, il avait le sens de l’humour, il savait comment blaguer avec les gens, toutes catégories sociales confondues», a déclaré hier le notable Mohamed Assoumani, originaire de Mitsudje. «Il avait de l’empathie même envers ses adversaire idéologiques, il sympathisait avec eux sans haine ni réserve», ajoute le doyen des notaires comoriens qui garde la mémoire «d’un pacificateur», «d’un bon père de famille» et «d’un homme ouvert au débat et à la discussion».
« Mes enfants sont mes diplômes »
Sans formation ni diplôme, et formé par « l’école de la vie », « Mze chef », comme on l’appelait dans le chef-lieu de Hambuu, a, à son actif, 12 enfants et 24 petits-enfants et reste un modèle et une source d’inspiration à Mitsudje. «Mes enfants sont mes diplômes», aimait-il dire avec une très grande fierté, selon son entourage qui lui reconnait un sens élevé de la responsabilité. «Je me rappelle quand j’avais 7 ans, il réunissait tous ses membres proches pour une réunion familiale pour nous faire des cours d’éducation morale», se rappelle Abdoulwahab Ali Azir. «Il nous apprenait le savoir-vivre et le savoir-être. Il avait le contrôle sur nous et nous apprenait comment se comporter devant les aînés et à la place publique », ajoute son enfant qui a l’air d’incarner son héritage.
L’incarnation du notable parfait
Mze Ali wa Azir a gravi tous les échelons et doit surtout son ascension à sa modestie, sa dignité et sa capacité d’écoute, d’après ceux qui l’ont côtoyé. « Il jouait toujours les équilibristes. Il fut un temps où il y avait deux clans dans la ville. Mze Ali wa Azir était le seul à pouvoir parler avec tout le monde sans exception. Et la jeunesse pourrait toujours compter sur lui, même sur des sujets sensibles rejetés par son propre clan», rappelle Mohamed Assoumani.
Faisant partie de la génération née après celle de Souef Ali Amani, le père de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Souef Mohamed El-Amine, le défunt, a construit sa personnalité et son aura au milieu des années 1980 sous le régime d’Ahmed Abdallah Abderemane jusqu’à devenir, au fil des années, un notable incontournable dans la vie coutumière du pays. L’homme a été côtoyé par tous les chefs d’Etat qui voyaient en lui, en coulisse, une ressource sûre pour peser sur la vie politique et socio-communautaire.
Fervent défenseur du Milanantsi (Us et coutumes), Mze Ali wa Azir s’est imposé dans la classe des notables grâce à son verbe soigné et l’immense capital de confiance dont il a accumulé durant ses années fastes de représentant, porte-parole et sage de la notabilité. L’homme avait incarné l’image du notable parfait. Ouvert aux réformes du Anda na Mila (mariage coutumier), il a été un rempart contre le dévoiement de l’institution coutumière dont elle a toujours considérée comme « le moteur et le ciment » de la cohésion dans la société comorienne.