C’est la première affaire de détournement de fonds qui est jugée devant la cour d’assises depuis l’ouverture de cette session de juin-juillet. En ce deuxième jour des audiences, la justice se penchait sur le détournement survenu en novembre 2023 au sanduk de Ntsorale Ya Dimani. La principale suspecte est la gérante de cette institution financière communautaire. Chamsia Ahamada, âgée de 31 ans, par ailleurs connue sous le surnom d’Arafata, a comparu avec un certain Radjabou Abdou, considéré comme complice. Elle était poursuivie pour «détournement de fonds, fabrication de faux billets, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent ».
Pendant les débats, Chamsia, originaire de Nstorale et mère d’une petite fille, qui avait 2 ans quand elle allait en prison, a reconnu avoir pioché sur les comptes du sanduk qui l’employait. A la fois caissière et gérante, elle a été reconnue coupable des faits qui lui étaient reprochés et a écopé une peine de 9 ans de prison ferme. La cour a également exigé le paiement du préjudice, estimé à 141 millions de francs ainsi qu’une amende de 10 millions de francs. La même peine a été prononcée contre les six autres mis en cause.
Parmi eux, seul Radjabou était présent. Lui était visé par les charges «d’association de malfaiteurs, fabrication de faux billets, blanchiment et complicité dans le détournement de l’or du sanduk ». Au procès, Chamsia a avoué avoir pris de l’argent dans les caisses du sanduk mais n’a pas corroboré les montants avancés par la partie civile. A l’origine de cet acte, un prêt accordé à Assoumani Youssouf, son beau-frère. « Le mari de sa grande sœur voulait contracter un prêt de 2 millions, mais l’or qu’il a présenté n’était pas aussi valeureux pour obtenir les sommes sollicitées. Je l’ai quand même prêté l’argent. Arrivé au troisième jour, date du remboursement, je n’ai pas eu de ses nouvelles. Sa sœur est venue m’expliquer qu’en réalité l’argent devait servir à produire des faux billets mais que tout ne se serait pas passé comme prévu. Donc il voulait que je lui remette encore des fonds pour l’achat d’un produit qui rendrait les billets utilisables», a expliqué, à la barre Chamsia, couverte d’un châle vert, la voix tremblante.
Des faux billets
L’ex-gérante du Sanduk de Ntsorale, a confirmé la remise de 7 millions de francs à Assoumani Youssouf. Elle a expliqué s’être retrouvée dans un cercle vicieux. «Je ne savais pas comment rembourser l’argent. Et à chaque fois qu’ils me demandaient, j’en donnais encore toujours dans l’espoir de m’en sortir», a détaillé, Arfata sans avancer les montants donnés au groupe, dans lequel se trouvait un certain Tony, le boss qui était censé fabriquer les faux billets. Le problème, une fois les caisses internes épuisées, Chamsia recrutée en 2018, s’est retrouvée obliger de se tourner vers l’or mis en gage pour pouvoir servir les clients du Sanduk, dans leurs opérations habituelles. Cet or a ainsi servi à contracter des prêts ailleurs, notamment à la Meck. Mais elle confiait ces tâches à des personnes tierces, notamment Radjabou Abdou, un chauffeur de taxi, présent à la barre, hier.
Ce dernier, un voisin, qui servait de coursier entre Chamsia et Tony, a reconnu en avoir contracté deux prêts. Au mois de novembre 2023, l’Union régionale des sanduk de Ngazidja (Urgc) signale au président du sanduk de Ntsorale «des mouvements financiers suspects». Les deux comptes touchés sont domiciliés à la Meck et à l’Afg Bank Comores.
Dans sa plaidoirie, l’avocat de la partie civile, Me Mohamed Rafiou, a longuement démontré à quel point ce détournement a impacté les clients. La preuve depuis juin 2024, date de la reprise des activités de la caisse communautaire, les membres ne sont pas autorisés à retirer les fonds déposés avant le détournement.
La défense, elle, a présenté Mme Chamsia comme une victime qui s’est fait embarquer malgré elle. «On ne lui jamais montré un billet de banque. Qu’est ce qui dit que ce groupe n’a pas utilisé cet argent à d’autres fins. Nous aurions voulu que notre cliente puisse contester cette somme de 141 millions en vain via un audit qui n’a jamais été autorisé », a regretté Me Djamal-edine Bacar. Il a déploré le maintien des charges d’association de malfaiteurs et de blanchiment, qui, selon lui, «n’ont rien à voir avec les faits ».