Aux Comores, de nombreux métiers comme bijoutier, mécanicien, couturier, coiffeur ou réparateur de téléphone sont omniprésents dans les villes. Pour beaucoup, ils constituent une véritable bouée de sauvetage économique. Dans les marchés, les rues ou les ruelles populaires, ces artisans proposent leurs services à bas prix. Mais derrière cette accessibilité, se cachent aussi des risques réels pour les clients, souvent démunis face à des pratiques douteuses.
Ces professionnels exercent en général sans enregistrement officiel ni formation certifiée, ce qui rend tout recours difficile en cas de litige. « Ce qui m’énerve le plus, c’est que l’argent est souvent encaissé à l’avance », déplore Ali Mhadjou, professeur de mathématiques. «Une fois payé, on perd tout contrôle. Certains refusent de répondre ou disparaissent pendant des mois », poursuit-il. Il dénonce une insécurité préoccupante : « Ce sont nos biens, nos bijoux, nos téléphones, parfois même nos outils de travail. Ce n’est pas un jeu.»
Les bijoutiers nombreux dans les marchés
Un constat partagé par Djalim Mze Saïd, vendeur au marché de Volo-volo. « Dans l’informel, tout repose sur la confiance. Il faut toujours demander un reçu, se renseigner sur la réputation du réparateur ou du menuisier, et éviter les avances trop importantes», préconise-t-il. Il rappelle que certaines responsabilités incombent aussi aux clients. « Pourquoi confier un objet précieux à un inconnu, juste pour payer moins cher ? Il faut savoir faire des choix responsables», conseille-t-il.
Les bijoutiers, nombreux dans les marchés et les ruelles, sont au cœur de litiges récurrents. Tarifs attractifs, mais promesses non tenues : plusieurs clients dénoncent la disparition de bijoux, des substitutions de matériaux ou l’absence de tout reçu. Pour Hamidou Ali, les conséquences peuvent être douloureuses. « J’avais mon propre bijoutier en qui j’avais confiance. Mais une fois, j’ai commandé un collier en or pour ma nièce et c’est là que les problèmes ont commencé. J’ai bien sûr payé l’avance, mais ensuite, il a commencé à me mener en bourrique, jusqu’à ce qu’il ordonne à ses apprentis bijoutiers de me frapper. J’ai dû les affronter et me justifier devant eux. Leur expliquer la vraie histoire dont j’avais été victime », raconte ce dernier, en précisant que dans un tel environnement, la confiance sans garantie, qui est d’ailleurs la seule assurance du client, peut rapidement se transformer en piège.
Les menuisiers de quartier n’échappent pas non plus aux critiques. Meubles livrés en retard, matériaux de mauvaise qualité ou commandes incomplètes : les plaintes sont fréquentes. « Il faut attendre deux semaines, la machine est en panne… les excuses ne manquent pas», ironise Abdillah Mouhsine. Il reconnaît toutefois que ces métiers restent indispensables, tout en soulignant l’urgence d’un encadrement adapté.Certains professionnels défendent pourtant leur secteur. À Moroni, le bijoutier Mbaraka Said plaide. « Nos tarifs sont abordables et la majorité d’entre nous respecte ses engagements.
Les cas problématiques restent isolés », affirme-t-il. Même son de chose pour Khaled Mmadi, menuisier à Câble de Lion depuis 15 ans. «Les clients veulent tout à bas prix. Mais sans moyens, difficile d’acheter du bon bois. Les retards ou défauts viennent parfois de là », explique-t-il.Malgré leur rôle essentiel dans l’économie locale, ces métiers gagneraient à être structurés. La mise en place d’un registre des artisans, de certificats de compétence ou d’associations professionnelles pourrait contribuer à réguler le secteur et à renforcer la confiance entre artisans et clients.