Les Comores indépendantes célébreront dans trois ans le cinquantenaire de leur existence. Si elles peuvent, aujourd’hui, prétendre célébrer leur jubilé d’or, c’est parce qu’il y a eu des femmes et des hommes qui, parfois au péril de leur vie, individuellement ou au sein de divers mouvements militants, associatifs et scolaires, ont combattu pour que leur pays retrouve sa dignité.Qui sont ces femmes, ces hommes et ces organisations? Comment sont-ils parvenus à tenir tête à la plus grande puissance coloniale en arrachant, au nez et à la barbe des autorités françaises, la liberté de leur pays et de son peuple?
Ces Dames, ces Messieurs, ces mouvements...
Sur cette route du 6 juillet 1975, nos journalistes ont rencontré, entre autres, le fondateur et leader emblématique du très historique Mouvement de la libération nationale (Molinaco), Abdoubacar Boina, Saïd Ahmada Mbaé le «propagandiste en chef» de la campagne contre le Mkolo. Sur cette même route, ils ont vu, Anbida Ali Chebane, cette dame qui – malgré certaines pesanteurs de la société traditionnelle comorienne de l’époque et la répression du pouvoir colonial français – a rejoint l’élan indépendantiste dans les rangs du Pasoco. Ils se sont rappelés au souvenir de Saïd Hachim Sidi Abdérémane, celui-là même à qui le pays doit Udzima wa masiwa, son hymne national, mais aussi de ce «simple» soldat de son Etat, Miradji Mavouna Hamadi, qui fut la toute première personne à avoir hissé le drapeau comorien et chanté cette oeuvre patriotique à la place de l’indépendance un matin pas comme les autres de juillet 1976. La liste est loin d’être exhaustive et vous pouvez le mesurer en parcourant ces vingt pages qu’Al-watwan consacre à la célébration du 47è anniversaire de l’indépendance du pays.
Dans cette édition spéciale, nous avons bénéficié des précieuses contributions des enseignants-chercheurs, Oulédi Ahmed et Aboubacar Boina. Nous découvrirons, sous leur plume, les mouvements et personnalités qui, aussi bien à partir du pays que de l’étranger, ont combattu pour notre émancipation, ainsi que les divers étapes de ce combat. Nous apprendrons, par exemple, que la Tanzanie voisine a, durant un moment, été la rampe de lancement de l’élan de contestation de l’empire colonial, et dans quelles circonstances le crash d’un vol de la compagnie Air Comores en janvier 1968 a été l’élément déclencheur de la célèbre révolte lycéenne de la même année dont on sait l’influence formidable qu’elle a eu sur l’émergence d’une conscience nationale au service de la dignité du peuple comorien et du combat général pour l’émancipation.
En effet, la période coloniale n’a pas toujours été un long fleuve tranquille pour l’occupant. Le colonisateur a eu à faire, en outre, au Sultan Hachim, à Mfaume wa Madjuani, à Saïd Athoumane ben Sultan ou encore au Sultan Mahamoud dont certains ont péri sur le champ de bataille ou ont été envoyés en exil. Dans l’interview qu’il nous a accordée, l’anthropologue et historien Damir ben Ali, qu’on ne présente plus, revient, largement, sur ces évènements qui nous rappellent, par ailleurs, que l’affirmation selon laquelle le pays a recouvert son indépendance «sans effusion du sang» n’est pas tout à fait vrai.
«Nul ne se connait mieux que soi-même»
A ce niveau, il convient, cependant, de préciser que notre démarche est loin d’être anthropologique. Elle vise simplement à susciter le débat sur un pan de notre histoire que nous estimons peu connu. Conscients du rôle important de la narration dans la transmission des valeurs, et des mythes dans la construction des sociétés, votre quotidien et ces collaborateurs considèrent qu’il est temps que chacun apporte sa pierre à l’édifice dans la construction d’un narratif dégagé des stéréotypes. Comme nous le rappelle une certaine sagesse : «Nul ne se connait mieux que soi-même».Dans ces circonstances, l’édition spéciale de votre quotidien intitulée «Les pas inexorables d’une marche historique», cherche, tout juste, à apporter sa petite prière à la construction de ce bel édifice.
Nous vous souhaitons «bonne lecture!»
Maoulida Mbaé,
directeur de la publication (Al-watwan)