Financé à hauteur de 2,7 milliards de francs comoriens par l’Agence française de développement (Afd), 202 millions de francs par la diaspora et la fondation Sadev, le Geceau est un projet d’accès à l’eau potable sur l’île qui devait s’achever en 2016, donc une durée de cinq ans pour son exécution. Mais si tel n’est pas le cas c’est aussi parce que la campagne de forage a été lancée en avril dernier au nord.
Il faut sans doute revenir au projet dans sa globalité qui ne concerne pas que la commune de Mitsamihuli ya Mbwani. En effet, il s’articule autour de plusieurs composantes dans les communes de Mitsamihuli ya Mbwani, Nyumamro Kiblani et celui de Hambu.
Au nord, les travaux de construction des infrastructures prévoient la pose de 15,5 kilomètres de canalisation, la réhabilitation d’un réservoir et la construction de deux réservoirs de 500 m3 et 300 m3 sur les communes de Nyumandro-Kiblani et Mitsamiouli.
Une augmentation des capacités de production du puits de Shamlé de 70 m3/H à 115m3/H par l’approfondissement du puits et l’installation d’une nouvelle pompe. Ce réseau est alimenté par le puits à Chamlé, utilisé depuis de nombreuses années.
Malgré cette somme de près de trois milliards de francs comoriens avec une durée d’exécution de cinq ans, les bénéficiaires n’ont toujours pas bu la moindre goutte d’eau issue d’une (nouvelle) borne-fontaine. Ni à Mitsamihuli ni ailleurs.
Attendre jusqu’à quand ?
Dans la capitale du Nord ouest, justement, les élus s’interrogent. Ils se questionnent déjà sur la manne d’argent (2 milliards) déversée sans résultat visible. Ils s’interrogent aussi sur le délai d’exécution qui a été largement dépassée sans que cela ne semble inquiéter personne. Au niveau de la mairie, de même qu’au niveau du conseil communautaire de Mitsamihuli, le projet Geceau est d’actualité.
Aujourd’hui, des conseillers communaux, à l’exemple de Mohamed Moumine, trouvent que “seules les entreprises engagées au sein du projet sont les gagnantes. Parce que l’ancien réseau est presque celui qui est utilisé. Il s’est demandé pourquoi il leur était impossible de voir le cahier de charges”.
D’ailleurs, une rencontre au nord a dernièrement réuni la vice-présidence en charge de l’Eau, l’Afd, des notables et élus de la commune de Mitsamihuli ya Mbwani. “C’est de la poudre aux yeux”, ont lancé des conseillers communaux à la sortie de la réunion. Une situation qui laisse les nordistes perplexes au point qu’un comité de contrôle a été créé pour dresser l’état d’avancement des travaux.
A zéro mètre d’altitude
Interrogé sur ce sujet, Aboubacar Mohamed, un des membres dudit comité et actuellement chef de département de l’eau au sein de la société comorienne de l’eau et de l’électricité (Ma-mwe), pointe du doigt le “réseau à zéro mètre d’altitude”. Selon lui, le projet Geceau est en cours d’être exécuté “en forçant” dans la mesure où la pression dynamique – pression de l’eau – sera faible à cause de la basse altitude, ce qui ne facilite pas du tout l’apparition et l’écoulement de l’eau dans les bornes fontaines.
D’abord, la société chinoise Cgc chargée de la tuyauterie a évoqué une perte d’eau à hauteur de 17 m3 par heure à travers l’ancien réseau. D’autres parlent de branchements fantômes au niveau du tuyau principal. Mais, avec un réseau à haute altitude, nous aurions bu l’eau bien qu’il y aurait eu cette perte. Sinon, il sera question de se servir des pompes de refoulement, chose qui augmentera la consommation du courant, a précisé Aboubacar Mohamed.
De son côté, la directrice nationale de l’eau et de l’assainissement à la vice-présidence en charge de l’Eau, Chadhuiliati Abdou Chakour, montre que si aujourd’hui le gouvernement comorien a demandé un avenant en prolongeant le projet jusqu’à décembre 2017, c’est tout simplement parce que la société indienne Sumadhura, chargée d’approfondir le puits de Shamlé, a enregistré une année de retard pour la réception des outils nécessaires aux forages.
Demande d’un avenant
“Sumadhura fabriquait ces derniers en Angleterre. Maintenant, l’approfondissement du puits a été effectué. La société Cgc est en train d’installer des pompes”, a-t-elle confié. On notera que durant cinq ans, la société Cgc s’est contentée d’implanter les bornes fontaines pendant que le tuyau principal est endommagé. Comment l’eau pourrait alors parvenir aux bornes fontaines ?
A part ce retard, Chadhuiliati Abdou Chakour ajoute les conflits sociaux dont a été victime l’entreprise chinoise lors de ses interventions. “Certains propriétaires des champs interdisaient les agents de la Cgc de creuser ou vérifier les tuyaux. Ils ont rencontré pas mal de problèmes.
Tout ça a été restitué par un expert lors de la dernière rencontre à Mitsamihuli”, a témoigné la directrice. Toutefois, la directrice nationale de l’eau et de l’assainissement à la vice-présidence en charge de l’Eau reste persuadée que d’ici décembre prochain tout sera effectif.