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Enterrement d’Ali Bazi Selim / Des funérailles d’Etat pour un homme d’Etat

Enterrement d’Ali Bazi Selim / Des funérailles d’Etat pour un homme d’Etat

Société | -

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Un hommage national. L’ancien ministre d’Etat repose en paix au cimetière royal de Ntsudjini Ngome aux côtés des siens de la lignée M’a Fumu. Ali Bazi Selim a eu tous les honneurs de la République au cours d’une cérémonie empreintes de solennités particulières organisée vendredi 11 janvier à la grande mosquée de la cité conservatrice, en présence de presque tous les dignitaires et hautes personnalités politiques et religieuses que compte le pays.

 

L’ancien ministre d’Etat, Ali Bazi Selim, a retrouvé sa dernière demeure à la suite de funérailles officielles organisées vendredi à Ntsudjini en présence du chef de l’Etat, Azali Assoumani, qui a dirigé la prière mortuaire. «Nous venons de perdre, à Ntsudjini, un chef de famille, Ngazidja a perdu un véritable rempart, le dernier carré, le pays vient de perdre un dur-à-cuire». Le grand mufti, Saïd Toihir Ahmed Maoulana, a ouvert la cérémonie funéraire en présence des centaines de personnalités qui tourbillonnent pour se frayer un chemin sur la longue ruelle qui mène de la maison funèbre à la mosquée de vendredi de la cité royale.

La personnalité d’Ali Bazi Selim

La place programmée pour les funérailles officielles était si petite que les personnes venues des quatre coins du pays  avaient des difficultés pour suivre de visu les solennités prévues pour la circonstance. La grande mosquée était déjà pleine. Des notables, des cadres et des jeunes étaient amassés à l’intérieure et attendaient le cercueil pour la prière mortuaire précédée des cérémonies d’hommage national. Nouveaux et anciens ministres, députés, fonctionnaires, les obsèques ont redonné le sens de la communion d’un peuple. La personnalité d’Ali Bazi Selim a résonné sans arrêt au milieu des petites foules rencontrées à Ntsudjini. Chacun voulait être le témoin de l’évènement malgré les difficultés pratiques.
Certains y suivaient ainsi le déroulé de la cérémonie via leurs smartphones à l’exemple de Mohamed Soulé de Dzahani, coincé à l’autre bout de la mosquée. «Je ne souhaite pas perdre ma place ici pendant la prière mortuaire, je reste là et suivre ce qui se passe à 10 mètres de moi», dit-il. Les issues de sortie minutieusement surveillées par la garde présidentielle étaient bouchées par les quelques fidèles chassés par les gouttes de pluie qui s’abattaient dehors. Un pourtour d’hommes en boubou conversait à vive voix sur l’histoire du défunt alors qu’un long morceau de tissu blanc bloquait les journalistes de l’accès au lieu réservé au cérémonial.

Le cercueil funèbre

Les officiels ont déjà pris place. L’ancien gouverneur Said Hassane Said Hachim et le Prince Said Ali Kemal, sont là, à l’extrême sud de la première rangée de la tribune officielle où on y voit également des membres du gouvernement, des responsables politiques de toutes les tendances mais aussi une poignée d’ambassadeurs accrédités à Moroni. Le chef de l’Etat prend place, entouré du grand mufti et du président de la Cour suprême, Cheikh Salim.
Il était 15h 18. Les six militaires qui portent religieusement le cercueil funèbre, recouvert du drapeau national, se dirigent au milieu de la grande cour de la mosquée où un piquet d’honneur de la compagnie territoriale de la gendarmerie l’attendait pour la traditionnelle sonnerie aux morts qui durera 20 secondes. Chacun retient son silence. Les yeux du public tournés vers le cercueil. C’est parti pour les funérailles d’Etat.
Elles commenceront d’abord par l’oraison funèbre faite par l’historien et anthropologue, Damir Ben Ali, ancien président de l’Université des Comores qui rappellera quelques singularités du défunt.

Le Mouvement du 11 août

«Un homme attaché à la culture, aux traditions et à l’honneur de son pays», soulignera-t-il avant de laisser place aux instants officiels des funérailles.
A 16h 40, le chef de l’Etat rejoint les fils de l’ancien ministre d’Etat, tête baisées, en face du cercueil et alignés au même rang que le Maître des Ordres nationaux, Salim Adbourazakou.
Après avoir présenté les condoléances de l’Etat à la famille Bazi, le président de la République remet ensuite le drapeau à l’aîné, Ahmed Ali Bazi, en signe de reconnaissance de la Nation à l’endroit d’Ali Bazi Selim pour ses œuvres, son engagement, sa bravoure et la défense de l’honneur du pays. Car, s’il y a un point commun qui fait l’unanimité chez le défunt, c’est sans doute son attachement à la dignité de son peuple, comme l’a rappelé Damir Ben Ali. Dignité qu’il défendra haut et fort ce vendredi 11 août 2017 à la Place de l’indépendance où son appel à réconcilier les Comores avec leur passé pour un nouveau départ des îles a été repris en chœur dans les quatre coins du pays et obtenu l’adhésion de toute la classe politique nationale. Verra par la suite la naissance du Mouvement du 11 août.
Après la prière mortuaire, le corps d’Ali Bazi Selim quitte enfin la mosquée à 16h 58. La dépouille sera transportée selon les usages jusqu’à sa dernière demeure au rythme des invocations mortuaires. Le grand mufti reprend à nouveau la parole, peu après la mise en terre du corps, à 17h 20, au cimetière royal de Ntsudjini aux côtés des grands noms de la lignée de M’sa Fumu, et sa mère, Soibira Abdoulatuf Abdou Salim. «Il était une personnalité douée de sagesse, un homme qui place l’honneur au-dessus de toute autre chose, il a appris le Coran, s’adonnait à toujours vivre en harmonie même avec ceux qui ont toujours véhiculé des torts sur sa personne», a conclu le grand mufti.


"Un défenseur de la dignité des Comoriens"


 

Conseiller général, élu plusieurs fois deputé, ministre d’Etat, Ali Bazi Selim a une carrière bien pleine depuis son entrée en politique à partir de 1957 (lire notre édition N°3392 du vendredi 11 janvier 2018). S’inspirant des idéaux de Said Mohamed Cheikh et du Prince Said Ibrahim, il incarnera cette génération d’hommes politiques comoriens qui ne se laissent pas impressionner par les injonctions fortuites des puissants ou encore par les ors du pouvoir dont il connait bien les vanités et les pièges.
Issu de la lignée M’sa Fumu, l’homme ne misait pas sur ce statut d’enfant bien né pour tirer son ascension. Il s’est fait lui-même. Un gentleman politique. Simple, droit comme son bonnet, «il cultivait autour de lui l’humilité», comme l’ont rappelé ses compagnons de lutte à l’exemple de l’ancien gouverneur Said Hassane Said Hachim avec qui ils ont fondé le parti Rachad à la fin des années 1970. «Un homme de paix», selon Mouzaoir Abdallah qui fut un adversaire politique au milieu des années 1970. «Il était un homme ouvert au débat, il appelait toujours à l’unité», se souvient Said Hamidou, originaire de Nvunambadani qui se rappelle aussi du grand appel lancé au début des années 1970 pour l’unité Blanc-Vert. «Il était parmi les premiers à avoir embrassé l’idée et continuait toujours à défendre l’honneur de ses aînés», ajoute le notable rencontré à la grande mosquée de Ntsudjini.  
Ministre d’Etat sous Ahmed Abdallah, il tourne le dos à ce dernier pour sauver son honneur au péril de sa vie. Il s’oppose «au plan d’élimination» monté par le régime contre les auteurs du complot du 8 mars 1985 qui s’élevaient contre les humiliations faites à la Nation comorienne par les mercenaires de Bob Denard. Son limogeage et son remplacement par Mikidache Abdourahim a été autant une insulte qu’une leçon politique. Sa résistance féroce lui permet de gagner l’admiration et la sympathie de son Itsandra natal.  
Guerrier politique hors norme, il ne lâchera pas. Il remobilise ses troupes, élu deputé, fait face à Ahmed Abdallah, rejeté, bousculé au Palais du peuple par le fils aîné du président, Nassuf Ahmed Abdallah, qui le chasse de l’hémicycle, jusqu’à l’expulser. Il restera seul ce jour-là dehors du bâtiment pour faire valoir la seule voix discordante de l’époque, il refuse de cautionner un système qui humilia les Comores. Il restera un éternel défenseur de la dignité et de l’honneur du peuple comorien.


 

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