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Evacuations sanitaires vers Madagascar : Une opération "de plus en plus lourde"

Evacuations sanitaires vers Madagascar : Une opération "de plus en plus lourde"

Société | -   Abouhariat Said Abdallah

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Dans le vol d’Air Madagascar qui transporte les passagers de l’aéroport international Moroni prince Saïd Ibrahim vers Ivato ce dimanche 16 septembre 2018, le Dr Mhoudine Ahmed Djae, chirurgien orthopédiste exerçant au Centre hospitalier national El Maarouf, accompagne une patiente vers Madagascar. Allongée sur une civière, la femme, la soixantaine, est accompagnée, également, de sa fille. Elle soufre d’une «fracture de la cotyle due à une pénétration de la tête fémorale au niveau de la cotyle», précise le praticien, suite à un accident domestique. Dans l’entretien qui suit, le médecin parle de sa patiente, des démarches à faire à Moroni et à Madagascar, mais aussi des coûts «de plus en plus onéreux».

 

«Ma patiente souffre d’une fracture de la cotyle due à une pénétration de la tête fémorale au niveau de la cotyle. Il s’agit d’une fracture sérieuse. Nous avons choisi de la faire traiter ailleurs», explique, d’emblée, Dr Djae. Pour le chirurgien orthopédiste, c’est un cas plutôt difficile à traiter aux Comores et la famille a décidé de recourir à un traitement spécialisé qui demande une technique approfondie qui ne peut être menée aux Comores «du fait de l’absence d’un service de traumatologie équipé en conséquence». Cela fait quelques jours que la sexagénaire a fait l’accident domestique qui lui a valu ce préjudice. Pour le praticien, notre système, surtout en matière d’interventions chirurgicales, est plutôt complexe. On peut venir à l’hôpital et être opéré une ou deux semaines après. Mais durant cette période, les familles se débrouillent et trouvent les moyens d’envoyer leur patient ailleurs».


«Il faut d’abord faire les analyses, faire le bilan post opératoire, voir l’anesthésiste et être programmé une semaine après, or le comorien n’est pas patient». Dr Djae estime, toutefois, qu’aux Comores on fait des interventions chirurgicales qui se rapprochent plus ou moins de ce qu’on fait à Madagascar. Mais d’autres raisons interviennent et poussent le Comorien à aller à l’étranger. Entre autres raisons, précise-t-il, «une certaine méfiance envers les médecins. C’est un secret de polichinelle, les Comoriens ne sont pas convaincus de notre capacité, ils sont persuadés qu’ailleurs ils seront toujours mieux traités, alors qu’ailleurs il y a beaucoup d’échec». Ce qu’il faut intégrer, indique le praticien, c’est qu’en médecine il n’y a pas de risque zéro.

Trop cher, non ?

Concernant les démarches, la famille prend tout en charge. Le médecin, lui, doit tout juste fournir un certificat attestant que le patient peut prendre le vol et sous quelles conditions. Ce certificat qui doit expliquer de quoi souffre le patient pour faciliter la prise en charge une fois sur place, doit être transmis à l’hôpital de destination et «il revient à la famille  de le transmettre à l’hôpital qui va accueillir le malade», devait préciser le médecin. La patiente rencontrée dans ce vol M9qoyp d’air Madagascar, est allongée sur une civière qui occupe l’équivalent de trois sièges de l’avion. Soit un coût de 1,500 million de francs comoriens. L’Etat comorien ne contribue en rien aux démarches et, encore moins, financièrement. Concernant les risques lors du déplacement, le docteur Djae laisse entendre que, dans ce genre de cas, ils sont imprévisibles. «Il n’y a pas de risques zéro, mais si les nécessités l’exigent, on n’a pas le choix, et tout cela on l’explique à la famille. Le médecin est là justement pour intervenir en cas de besoin. Mais on n’a pas toujours les moyens de prendre en charge des malades dans l’avion, donc les risques existent», prévient-t-il.

Mettre fin à ce «fléau»

Le médecin va passer juste une nuit à Antananarivo et retourner aux Comores le lendemain. Ses frais de déplacement sont pris en charge par la famille de la patiente.
Il considère que les frais sont plus «lourds». Rien que pour le transport, il a fallu à la famille de débourser 1,5 million de francs comorien pour une patiente en position couchée. Sans compter le médecin et le membre de la famille. Par ailleurs, l’intervention coûtera cher sur la Grande île «où les coûts ont doublé», rappelle  le praticien. Il citera, à titre d’exemple, deux patients qu’il a accompagnés à Madagascar une semaine au paravent. L’un devait traiter une fracture du fémur et il devait payer 1.500 euros pour l’intervention, soit 750 000fc, l’autre, une fracture du fémur et du tibia. Il devait débourser 2.500 euros pour l’intervention, soit 1,250 million de francs. «C’est vraiment cher, non ?», s’interroge-t-il.

 

Zamanta Saïd Hamza, a, elle aussi, pris le même vol à destination de Madagascar. Elle y amène sa fille de 14 mois qui souffre d’une paralysie de la main gauche, depuis sa naissance. Après maintes tentatives de soins aux Comores dont des séances de massage qui ont duré six mois chez le kiné, sans succès, elle a décidé de partir ailleurs. Le billet lui a couté 250.000 francs comoriens. «Selon les informations que j’ai recueillies, à Madagascar on est mieux soigné en matière d’orthopédie, de neurologie et de kinésithérapie». La jeune mère projette de rester  trois mois à Madagascar pour faire soigner sa fille, le temps, croit-elle savoir, «nécessaire» pour une bonne rééducation». Elle espère trouver «là-bas» le «bon médecin pour sa fille». Face aux difficultés grandissantes auxquelles sont confrontées les Comoriens en quête de santé, le Dr Mhoudine Ahmed Djae aligne les interrogations : «Que faire?» Qu’est ce qui fait que nos compatriotes choisissent d’aller ailleurs pour être traités?». Ne revient-il pas à l’Etat comorien, en l’occurrence, au ministère de la Santé, d’identifier  les causes et de chercher les moyens d’arrêter ce fléau?



Abouhariat Said Abdallah
Depuis Madagascar

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