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Faux diplômes : A quand le grand ménage ?

Faux diplômes : A quand le grand ménage ?

Société | -   Abdou Moustoifa

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Médecin, enseignant, ingénieur …aucun corps ne peut se vanter d’être épargné par le fléau de la falsification de diplômes. Si ce n’est pas le baccalauréat, la tricherie concerne les diplômes le plus souvent obtenus à l’extérieur après des études supérieures. Aux Comores, une omerta règne sur ce phénomène, qui continue de faire florès en douce. La récente suspension de nombreux agents chez Comores Télécom pour faux diplômes va-t-elle susciter une levée de boucliers ?

 

La semaine dernière, le directeur général de la société nationale des télécommunications a décidé de suspendre des agents dont les diplômes sur la base desquels ils ont été recrutés seraient «faux». Au total, 60 employés dont certains comptaient plusieurs années d’expérience se retrouvent dehors et sans emplois.

Une boite de pandore

Leurs contrats ont tous été résiliés. En prenant une telle décision pour réduire les charges de Comores Télécom, tombée dans une crise financière, M’sa Mladjao, nommé à ce poste il y a tout juste un mois, n’a pas seulement fait épargner la société de la faillite comme il l’a dit lui-même, il a aussi sauvé des millions versés à des faux agents. L’ex secrétaire général du ministère des Finances vient en effet d’ouvrir une boite de pandore et en même temps relancer un sujet sensible parfois tabou : celui de la falsification de diplômes dans le monde du travail.

Un fléau latent

Jusque-là, la décision a suscité un espoir pour ceux qui défendent la méritocratie dans le choix des agents dans les administrations publiques, notamment. La question que tout le monde se pose est celle-ci : Y’aura-t-il une autre société d’Etat qui emboitera le pas ? Entre 2016 à 2018, il ne se passait pas un mois sans que l’office national des examens et concours (Onec) mette la main sur au moins un diplôme falsifié dont l’auteur tentait de certifier. En 2019, ils n’ont enregistré qu’un seul cas. Un constat qui ne signifie pas que la falsification avait pris fin estime le patron de l’Onec, Abdou Ali. « Désormais il existe des réseaux qui imitent toutes nos signatures et nos cachets. Voilà pourquoi, ils ne passent plus chez nous. Sinon comment expliquer que trente pseudos bacheliers qui voulaient partir au Maroc ont pu ramasser des diplômes de baccalauréat dont l’apparence ne laissait penser à aucune falsification», s’interroge-t-il, dans un entretien accordé à Al-watwan hier, sur ce sujet.

L’impunité limite les marges d’action de l’Onec

Actuellement, les dossiers et les passeports de ces «tricheurs» se trouvent à l’Onec. Mais combien ont pu passer entre les mailles du filet que ça soit avant ou après ces trois dernières années où on a multiplié les contrôles ? Aujourd’hui, ils sont tous devenus des fonctionnaires, des enseignants, des directeurs, et travaillent depuis des décennies pour certains avec de faux diplômes. Mais la plupart d’entre eux ne sont jamais inquiétés en raison de la culture d’impunité qui a toujours régné dans ce système. Est-ce la raison de ce laisser-aller qui perdure et continue à faire tache d’huile ? Et si les autorités prenaient ce problème à bras-le-corps pour y mettre un terme ? Du côté de l’Onec, le directeur général a exprimé sa disponibilité de travailler en collaboration avec toutes les institutions, sociétés d’Etat ou ministères qui voudraient lancer la guerre contre les employés détenteurs de faux diplômes.

Deux enquêtes lancées

«Cette chasse doit être un combat national. Les places doivent être réservées aux compétents pas le contraire. On ne peut pas espérer devenir un pays émergeant si nous ne stoppons pas cette hémorragie. Surtout si notre administration est dirigée par des personnes qui n’ont pas les connaissances. La falsification de diplômes est danger pour le pays», a martelé, Abdou Ali qui se sert comme repère, la célèbre citation d’un professeur sud-africain selon qui « pour détruire un pays, on n’a pas besoin de larguer une bombe mais il suffit de favoriser l’enracinement des faux diplômes dans le système.
En 2017, plus de 10 000 fonctionnaires avaient été licenciés en Tanzanie pour faux diplômes par le président, Magufuli. Aux Comores, même les personnes interpellées par l’Onec, une fois remis à la gendarmerie, l’histoire passe aux oubliettes. Il n’y a jamais eu de suite, a déploré le patron de l’Onec. L’impunité limite les marges d’action de l’Onec. « J’avais même porté plainte contre dix personnes devant l’ex procureur. En vain», a-t-il poursuivi. A l’heure actuelle, il y aurait selon le numéro 1 de l’office des examens, une direction et un ministère qui auraient ont demandé l’appui de l’institution, pour mener une enquête afin de démasquer les personnes utilisant de faux diplômes.


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