Quel bilan tirez-vous des actions que vous avez menées ces trois années passées aux Comores ?
Pendant cette période de trois ans et demi, nous avons eu un moment très mouvementé. Je ne suis arrivée que la même semaine du cyclone Kenneth. Du coup, mon travail a démarré vraiment par la réponse au cyclone. Et comme dans d’autres pays, nous sommes affectés par la Covid. Mon premier résultat demeure sur la gestion de ces deux crises. Dans le contexte du cyclone Kenneth, nous avons aidé le gouvernement à développer le plan de relèvement, ce qui a joué un rôle influent sur le développement du plan Comores émergent.
Une action pratique visant à appuyer le gouvernement dans la gestion de la crise, un grand projet au profit de la direction générale de la sécurité civile qui se place en première ligne des réponse après le cyclone qui a ravagé le pays à quelques temps du mois de Ramadhwani. Ce qui ne facilitait pas une réponses à cette première catastrophe du fait que le niveau d’intensité de travail se réduit pendant ce mois. Mais, des agents bossaient jusqu’à 11h du soir pour évaluer les résultats des enquêtes des ménages sur l’impact du cyclone. Ce qui prouvait l’engagement du Pnud et des collègues des Nations-Unies. Cette institution a contribué à la préparation de la réponse face à la Covid, surtout le besoin de tout accélérer au niveau national.
Le Pnud a su mobiliser des fonds auprès de notre siège pour s’assurer qu’au niveau des communes et gouvernorats les capacités de réduire les risques existaient. Bien que nous ne soyons pas un acteur dans le secteur de la santé, nous avons pu jouer ce rôle dans la phase de préparation. Nous avons appuyé le gouvernement dans le développement d’une analyse sur l’impact socio-économique de la Covid. Nous avons contribué à l’organisation de la conférence des partenaires à Paris. Par rapport aux aires protégées, nous avons accompagné le travail pour s’assurer que les Comores puissent avoir une biosphère de l’Unesco.
En matière d’actions, certains estiment que le Pnud s’investit beaucoup plus dans les questions environnementales qu’aux pures questions de développement. Les agences des Nations-unies ont, chacune, leurs rôles et missions propres. Mais beaucoup de gens jugent que les actions du Pnud demeurent limitées aux Comores avec des résultats faibles notamment dans le secteur agricole. Qu’en dites-vous ?
D’abord le Pnud n’est pas un bailleur de fonds. Nous sommes une agence d’exécution des Nations-unies. Nous arrivons à concrétiser des programmes dans le secteur où nous avons pu mobiliser des fonds. C’est vrai que nous avons certains fonds qu’on reçoit du siège. Jusqu’à présent, ça était facile pour nous de mobiliser des fonds pour les Comores dans le domaine de l’environnement et de l’agriculture, plutôt que dans d’autres domaines. Mais, nous venons de lancer notre programme-pays. Il est composé de trois piliers : La planète qui évidemment est liée à l’environnement, la prospérité qui est surtout dans le domaine de la croissance et l’inclusion économiques, et le troisième pilier est tout ce qui est autour de la gouvernance. Nous faisons déjà beaucoup plus sur l’environnement, mais nous allons bientôt recommencer largement un nouveau programme dans le secteur agricole. Malgré ce constat, le Pnud a été le premier partenaire à appuyer le gouvernement dans la création des Crde.
Ces derniers sont très actifs en matière de renforcement dudit secteur. Nous n’avons pas été peut-être vaniteux dans ce secteur pendant cette période, mais je suis très fière du travail du Pnud dans ce domaine. Nous y sommes très actifs. Là où je regrette que nous aurions pu faire encore plus, c’est dans le domaine de la gouvernance. Nous avons beaucoup à offrir au gouvernement, même si nous y contribuons, entre autres la Cpad, le Pce et nous travaillons beaucoup avec le commissariat général au plan. Peut-être des choses qui sont moins intéressantes pour un journaliste, mais qui sont quand même des questions fondamentales pour aider le gouvernement à mieux définir la priorité et mieux exécuter les projets pour aboutir à des résultats au profit de la population. C’est une grande priorité pour le chef de l’Etat. Il y a des domaines que j’aimerai faire plus comme l’autonomisation des femmes, l’inclusion des jeunes. Nous essayons de mieux faire avec les ressources que nous avons. Mon successeur va essayer de mobiliser des fonds pour des grandes priorités, surtout dans les domaines orphelins.
Vous êtes arrivés juste après le cyclone Kenneth. Un rapport avait fait l’état des lieux des dégâts. Trois ans après, quel bilan tirez-vous du plan de reconstruction post-Kenneth ?
Un bilan assez positif. C’est vrai que le fait que le cyclone, qui a été assez rapidement suivi de la Covid et avec l’impact de la crise en Ukraine, semble très lointain. Mais, nous avons vu une reprise dans le domaine agricole, les plus touchés. Nous avons pu, par exemple, appuyer rapidement les maraichages pour s’assurer qu’il y’avait une possibilité, pour ceux qui produisaient de l’alimentation, de reprendre leurs activités. Nous avons vu qu’il y a eu des efforts importants en vue d’appuyer les communautés affectées. Le Pnud est un des partenaires. Certains projets d’autres partenaires viennent de commencer. Je pense que des travaux sont toujours en cours.
La grande priorité est actuellement l’impact du Covid et de la crise en Ukraine. Même avant le premier cas, les Comores étaient touchées étant un pays insulaire par les problèmes survenus dans le commerce mondial. Même sans un cas, le pays aurait pu être touché par ses séquelles. Je regrette infiniment pour tous les Comoriens qui ont perdu leurs vies ou membres de la famille. Beaucoup de membres de mon équipe sont aussi tombés malades, ce qui prouve que nous avons essayé de répondre présents pour continuer le programme au profit de la population comorienne. Effectivement, le défi de mener à bien le Plan Comores Emergent dans le contexte actuel est d’actualité pour nous tous. Et c’est la raison pour laquelle le gouvernement nous a demandé de l’accompagner à la fois d’une analyse sur l’impact sur le Pce, nous a solliciter de l‘appuyer dans un plan de relance qui couvrirait à la fois l’impact du Covid et de la guerre en Ukraine. Nous n’y travaillons pas seul, bien sûr nous travaillons avec l’Union européenne.
Beaucoup de gens et cadres du pays ont l’impression que le Pnud est un bailleur. Pourtant, il joue le rôle d’agence d’exécution. Face à un tel constat, est-ce que les Comoriens n’attendent pas beaucoup plus de vous par rapport à vos missions premières ?
Nous sommes un partenaire technique. Nous avons deux rôles. L’un est l’appui conseil. Nous avons de l’expertise dans plusieurs domaines tels que l’environnement, la gouvernance, la réduction de la pauvreté, l’inclusion économique. Notre premier mandat est d’être un partenaire technique qui puisse vraiment appuyer le Gouvernement et la population pour mettre en œuvre des projets qui sont techniquement fiables et appuyer la coopération sud-sud. L’autre rôle est d’accompagner le gouvernement à exécuter certains projets. Et l’une des priorités est le renforcement des capacités.
Si le Pnud est là durant toutes ces années après l’indépendance, cela ne veut pas dire que le Pnud est là pour toujours. Notre ambition éventuellement est d’aider le pays à avoir la capacité de mener à bien tous les projets de développement du pays. Le gouvernement fait appel à nous et nous sommes là pour servir. Cette perception que nous sommes bailleur de fonds, c’est peut-être parce que nous menons beaucoup de ressources auprès de la population grâce aux projets et que nous avons pu, avec le Gouvernement, mobiliser beaucoup de ressources. Quelques fois, les gens ont cette impression. Mais, ce n’est pas notre mandat principal. Et nous n’avons pas de grosses ressources comme d’autres bailleurs.
Le Pnud travaille, cela fait des années, sur le renforcement des capacités des cadres et simples agents. Pourtant, nos institutions ne se montrent pas encore prêtes la relève d’agence d’exécution. Peut-on parler d’échec dans ce domaine ?
Ecoutez, la réalité c’est qu’un partenaire qui est là depuis si longtemps, on peut tout dire qu’on est tous redevables pour la situation. On doit donc être vigilant et se questionner sur comment on peut faire mieux de notre travail. Je suis aussi très fière de notre collaboration avec les institutions comoriennes. Il y a eu des progrès énormes. Nous avons aidé le Gouvernement à s’assurer qu’il y avait des infrastructures nécessaires. Nous avons construit des bâtiments par exemple. Depuis la période que je suis là, j’ai pu inaugurer le commissariat de police à Ndzuani, un bâtiment essentiel pour le fonctionnement de la police.
Nous sommes en cours de finaliser, à Ngazidja, le bâtiment de la direction nationale de la sécurité civile. La première chose que nous pouvons faire est d’accompagner le Gouvernement dans la construction d’infrastructures essentielles pour le faire fonctionner. Nous avons aussi un rôle très important de tout ce qui est le soft. Une chose que j’ai vraiment priorisée au début de la Covid, c’est de s’assurer que les partenaires du Gouvernement puissent travailler à distance. Nous avons vu que le monde allait devenir de plus en plus informatisé.
Nous devions accompagner le Gouvernement pour la capacité de fonctionner même à distance en respectant le protocole sanitaire. Nous avons aidé à équiper certains ministères des équipements nécessaires, pendant la crise, pour fonctionner à distance. Et l’autre domaine est le renforcement des capacités. Par exemple, nous sommes actuellement en train de faire un gros processus en vue d’appuyer les institutions avec lesquelles nous avons travaillé, comme la direction générale de l’environnement, l’agence nationale de gestion des déchets et d’autres à renforcer leurs capacités de gestion. De fonds et de gestion administrative. Vous pouvez voir les résultats. Le parc national de Mwali n’existait pas avant le premier projet du Pnud.
Actuellement il est une institution pleinement indépendante. Bien sûr que ce n’est pas grâce à nous seulement. En premier lieu grâce au Gouvernement comorien, à la population et à d’autres partenaires. Mais, nous sommes fiers d’avoir joué notre rôle. Oui, il y a beaucoup à construire. Oui nous ne sommes pas l’Etat. Chaque jour que je viens au bureau, je demande aux collègues comment nous pouvons faire mieux. Il y a toujours plus à faire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement comorien nous demande de rester pour l’accompagner dans le développement actuel.
Plusieurs cadres qui travaillent dans plusieurs projets, s’engagent souvent directement avec le Pnud et dépendent financièrement de votre institution. Cela n’affaiblit pas les institutions locales ?
Chaque projet dépend des règles du bailleur en question et de la demande du ministère en question. Généralement, le Pnud essaie de plus en plus d’appuyer des projets qui sont mis en œuvre par le gouvernement. On fait toujours le plaidoyer, avec le Gouvernement, pour qu’il y ait les financements adéquats pour avoir des cadres qui sont recrutés sur la base des compétences dans les ministères. Quelques fois, il y a le besoin de cadres supplémentaires. Et c’est là où le Pnud recrute. Quand le pays sentira qu’il y a assez de cadres compétents au sein du pays, je pense que le Pnud va réduire de plus en plus le niveau de service. Mais, en réalité, c’est qu’on est un petit pays, on a peut-être pas nécessairement tous les domaines d’expertise. C’est très important que les agences internationales prennent les meilleurs cerveaux de l’Etat. Le Pnud peut être considéré comme un passage, une partie de la fabrication des cadres. Et ceux qui y sont recrutés sont au service de la Nation.
Les comptes financiers des Comores seraient directement supervisés à partir du bureau de la Malaisie. Est-ce qu’il s’agit d’une procédure normale ou plutôt temporaire ?
Je n’ai jamais entendu ça. Ce que je peux dire, Il y a certains processus que le Pnud gère de façon centralisée pour deux raisons. Nous sommes quand même une organisation internationale, On cherche à réduire les frais de gestion. Quelques fois c’est efficace d’avoir certains de nos procédures centralisées dans une zone de concentration. Malaisie ou pas, je ne sais pas. Et puis l’autre raison, le Pnud est la deuxième agence mondiale.