La décision du gouvernement d’unifier l’heure de la prière du vendredi à 13h00, entrée en vigueur le 3 octobre dernier, continue de susciter un vif débat au sein de la société. Entre arguments religieux, considérations pratiques et craintes de division, la question a mobilisé le mouftorat, les prédicateurs et les professeurs de jurisprudence de la faculté Imam Chafiou de l’Université des Comores.
Ce mercredi 15 octobre, une réunion élargie s’est tenue à Moroni, à l’initiative du Mouftorat. Y ont pris part Abdillah Yahya Toyb, conseiller du président de la République pour les affaires religieuses, l’ancien ministre Mohamed Housseini Djamal al-Laïli, ainsi qu’un large panel de prédicateurs, d’orateurs, de juristes et d’enseignants en sciences islamiques. Objectif : examiner la question du moment opportun pour accomplir la prière du vendredi, à la lumière de la décision gouvernementale d’unifier son horaire à 13h00. Cette mesure, prise dans le sillage de la résolution ministérielle n°(25-075) du 20 septembre, signée par le ministre de la Fonction publique, fixe également les nouveaux horaires de travail : du lundi au jeudi, de 8h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00, et le vendredi, de 8h00 à 12h00. Pour concilier vie professionnelle et pratique religieuse, le ministre de la justice a jugé nécessaire d’harmoniser l’heure du sermon et de la prière du vendredi sur tout le territoire, à partir de 13h00.
Mais la décision n’a pas fait l’unanimité. Dès son annonce, de nombreux citoyens et religieux ont exprimé leur désaccord, certains villages ayant même choisi de maintenir la prière à midi, selon l’usage traditionnel. Un groupe de prédicateurs et d’orateurs a publié une déclaration, le 29 septembre, rappelant que la prière du vendredi a toujours été accomplie dès l’appel du muezzin, conformément à la pratique des générations précédentes. Ils affirment que le report à 13h00 s’écarte de cette tradition et risque d’introduire des divisions au sein de la communauté. Face à cette controverse, le mouftorat a rappelé dans un communiqué, daté du 30 septembre, que la prière du vendredi demeure valide selon la loi islamique de midi jusqu’à l’après-midi. Elle a insisté sur le fait que fixer le sermon à 13h00 n’est pas contraire aux textes, mais constitue une adaptation aux conditions modernes de travail, permettant aux employés de se rendre à la mosquée sans contrainte.
Consensus jurisprudentiel
Lors de la réunion du 15 octobre, deux études universitaires ont été présentées : la première par le Dr Abdoulhakim Mohamad Chakir, la seconde par un groupe de prédicateurs comoriens. Après une analyse approfondie, les participants se sont accordés sur quatre points essentiels. D’abord, ils ont confirmé le consensus jurisprudentiel sur la supériorité d’accomplir la prière du vendredi, comme les autres obligations, dès les premières heures, conformément à la tradition prophétique. Ensuite, ils ont rappelé que, selon l’école chaféite, il est permis à l’imam de la communauté musulmane de fixer l’heure de la prière d’une manière qui serve l’intérêt public.
Troisièmement, ils ont reconnu que la prière du vendredi accomplie à 13h00 reste conforme à la charia. Enfin, ils ont recommandé au président de la République de reconsidérer la décision d’unifier les horaires, afin d’éviter toute discorde et de préserver l’unité des fidèles, notamment dans les localités où la prière a été avancée à midi. Pour les participants, l’essentiel n’est pas seulement de déterminer l’heure exacte, mais de garantir la cohésion et la sérénité de la communauté.
L’ancien ministre des Affaires islamiques, Mohamed Housseini Djamal al-Laïli, a déclaré à la presse locale que cette question doit être traitée « avec sagesse et concertation, car la religion a toujours été un facteur d’unité aux Comores, non de division».À l’heure où les débats se poursuivent, le mouftorat appelle les fidèles à la retenue et à la compréhension mutuelle, rappelant que la diversité des opinions fait partie intégrante de la richesse du fiqh islamique.
Il est à noter que le Chef de l’état Azali assoumani soucieux d’une approche inclusive avait recommandé «une étude rapide» sur l’horaire de la prière du vendredi.