Le Foyer de femmes de Moroni, situé au Kobeya (ex Shadju) a été légué aux femmes de Mtsangani et de Badjanani par l’Association musicale de Moroni (Asmumo) en novembre 1997. Pour un projet d’association féminine, œuvrant en faveur du développement socioculturel de la capitale. Un acte signé le 11 mai 1999 par une dizaine de personnes, dont mesdames Zahara Ibrahim (présidente), Rahimat Saïd Abdelfatah (secrétaire générale), Hissani Abdoulhalik (trésorière), Zalhata Adam, Charifa Said Ahmed (conseillères), le signifie, ainsi que les statuts régissant cette association.
L’acte de donation, signé de la main même des notables de la ville, est sans équivoque. Le foyer a été attribué aux femmes de Badjanani et de Mtsangani. Mais un procès verbal de l’association féminine pour le développement socioculturel de Moroni (Afpdscm), datant du 15 novembre 1997, stipule que le foyer «aura pour vocation d’abriter les manifestations culturelles et traditionnelles des hommes et celles des femmes». Comme un appel au dialogue des genres.
Des ambitions qui débordent de loin les seules cérémonies coutumières, actuellement célébrées en ce lieu. La construction du foyer, selon Naimou Ahamada et Zaourata Mze Mmadi, deux des pionnières du projet, s’est ensuite faite à partir de cotisations individuelles et associatives.
Financé à travers les cotisations individuelles et associatives
Le financement du chantier, assuré par l’entreprise générale de terrassement (Egt), s’a été rendu possible grâce «aux porte-à-porte. Chaque famille impliquée dans le développement de la ville s’y est pliée. Une dynamique portée en partie par feue Zahara Ibrahim, présidente de l’Afpdscm, avec le soutien d’une amie proche, Hissani Abdoulhalik, membre de la dite association, et dont le mari, Mahmoud Mradabi, était le patron d’Egt.
Aucune autre entreprise n’aurait accepté d’assumer ce chantier de plus de 100 millions de francs, avec un cahier de dons à pourvoir pour seule garantie, même en ayant un représentant du fonds d’appui pour le développement communautaire– Mohamed Maarouf - pour maître d’œuvre à sa tête. En réalité, le projet n’a pu se faire que sur un vote de confiance entre ses différents promoteurs.
Les procès-verbaux des réunions de l’Afpdscm parlent d’un espace «d’épanouissement des femmes de Moroni». Ce que confirme Naimou Ahamada. Ce projet devait leur permettre d’avoir le lieu «pour leurs manifestions culturelles, organisées auparavant devant leurs maisons et dans les petites enceintes de leurs quartiers et domiciles respectifs». Naimou ajoute qu’au début, les femmes avaient pensé au foyer d’Awuladil’Komori, mais que le site leur semblait trop exigu.
D’où l’idée de solliciter l’appui de l’Asmumo, qui disposait d’un espace nettement plus vaste. Aujourd’hui, certaines des responsables du foyer ignorent cette histoire, harassées comme elles le sont par la gestion d’un quotidien de plus en plus complexe, où les ambitions premières, bien que rappelant celles des origines, sont foncièrement différentes.
Les femmes aspirent de nos jours à entrer en politique et à peser économiquement de façon plus forte. Contrôler le foyer des femmes, c’est se réclamer d’un certain poids dans cette perspective nouvelle à construire.
Espace d’épanouissement des femmes
Mais il est permis de rappeler les débuts de toute cette histoire. Le foyer a donc vu le jour, comme le confirment nos deux interlocutrices, grâce à l’apport de toutes les femmes de Moroni, rassemblées au sein de l’ Afpdscm, dirigée à l’époque par feue Zahara Ibrahim, aux côtés de qui œuvrait Hissani Abdoulhalik, dont le rôle déterminant a permis d’entraîner une entreprise familiale dans l’aventure.
Son mari, feu Mahamoud Mradabi, a accepté l’idée de réaliser un chantier de travaux, en attendant que l’ensemble des fonds soit débloqué, et sans la moindre garantie bancaire. «Nous étions là, nous avons soutenu les efforts consentis, mais je sais que Zahara Ibrahim, Hissani Abdoulhalik et Zalhata Adam se sont beaucoup données pour que ces travaux arrivent à leur terme. Sans elles, nous n’aurions pas pu aller au bout de notre projet», a précisé Zaourata Mze Mmadi. C’était une époque, où il fallait se dresser contre les lobbys manipulant l’économie des associations féminines traditionnelles.
Zaourata Mze Mmadi évoque quelques-unes des oppositions exprimées à l’époque contre le projet.
Les polémiques passées font ainsi écho aux batailles actuelles pour le contrôle du foyer, qui a plus que contribué à «démocratiser l’espace public en faveur de la femme», selon Naimou Ahamada. Une des principales batailles concerne l’économie des transactions féminines lors des célébrations du grand-mariage.
Entre les femmes qui jouent à la tontine, celles qui empruntent, celles qui orchestrent et celles qui assurent le service, il est sans cesse question d’argent, de beaucoup d’argent.
Un fait que ne renient pas les premiers statuts à but lucratif du foyer, mais qui engendre de conflits, en rapport avec une série de malversations financières dûment établies. Une des missions que s’octroie la nouvelle équipe dirigeante, selon le porte-parole de la commission, Naila Abbas, concerne justement la sécurisation des recettes propres.
Dans la perspective de soutenir de nouveaux projets de développement. Zahara Saïd Ali, présidente de la commission : «nous travaillons sur l’organisation d’une assemblée générale à l’issue de laquelle un bureau exécutif sera mis en place. Après, nous pourrons réfléchir sur la mise en place d’un volet de projet de développement avec les fonds du foyer en faveur des femmes, dans le cadre de l’insertion sociale, l’éducation de nos enfants, de la santé, etc…»n