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Fundi Mma Anissa, une vie dédiée à l’apprentissage du Coran

Fundi Mma Anissa, une vie dédiée à l’apprentissage du Coran

Société | -   Nassila Ben Ali

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Qui peut parler de payalashio (école coranique) à Moroni sans parler de Fundi Mma Anissa ? Cette septuagénaire qui s’est installée à la capitale au début des années soixante et qui a commencé à enseigner le Coran et les sciences arabo-islamiques un peu avant 1969, année pendant laquelle elle construira sa première madrassat, baptisée, Madrassat Rasulul-A’adhwam. Avec son payalashio, Fundi Mma Anissa a perpétué la culture comorienne des femmes qui enseignent le livre saint. Une culture qui rappelle des grands noms féminins dans le domaine, comme Madjamu wa Mdombozi à Ntsudjini, Fundi Hadidja à Ntsaweni, Fundi Baraka à Mvuni ou Fundi Mma Housseini à Ikoni. Fundi Mma Anissa a enseigné plusieurs personnes, aujourd’hui grandes personnalités dans plusieurs domaines du pays.

 

Maman Anissa Mohamed Djouneid est née à Mdjwaezi ya Hambu, elle a grandi là-bas, avant de se marier à Mohamed Djouneid, infirmier au lycée de Moroni, avec qui elle s’installera à Moroni et élira domicile au sud de la capitale, au quartier Mhumre, communément appelé Caltex. A Mdjwaezi, elle apprendra les bases du Saint Coran avec Fundi Mhaza Msa, et le fiqh al-islam avec Fundi Abdou Ali. Après son installation à Moroni, fundi Mma Anissa a commencé à enseigner les bases du Coran, dans la cour de sa maison, à ciel ouvert. Parmi ses premiers élèves, on peut citer, Ahmed Saïd Abdallah, sa sœur Badria, Marie Mayobo, Halisoi Mohamed Djouneid, Sounda Mohamed, entre autres. «Ils n’étaient pas nombreux car à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de monde dans ces quartiers sud de la capitale, ainsi j’avais des élèves originaires de Shuani, de Mitsudje, de Nyumadzaha qui habitaient Moroni Djomani, Mbueni, Kurani Zawiyani, entre autres», a-t-elle raconté. C’est ainsi qu’elle aura l’idée de construire la madrassat Rasulul-A’adhwam en 1969, avec au début une maison en paille.

Plusieurs formations

Maman Anissa enseignait le Coran à l’époque, mais avec sa soif du savoir, elle continuait toujours à apprendre pour renforcer ses connaissances et ses capacités en sciences islamiques. «J’apprenais le Siratou-nabawi (la vie du prophète), la langue, la grammaire arabe et le tadjwid (science de la lecture du coran) avec fundi Ibrahim Mmadi Bin Ali. J’apprenais et étudiais en enseignant mes cours à mes élèves», a-t-elle souligné,ajoutant avoir suivi une formation de langue et la grammaire à la faculté Imam Chafiou.
Fundi Mma Anissa a, pendant le régime d’Ali Soilihi, enseigné quatre mois à Itsandra Mdjini après l’examen de recrutement d’enseignants de l’école coranique. «Pendant le régime révolutionnaire, tout le monde devait travailler. Moi, j’ai choisi d’enseigner et j’ai fait l’examen et on m’a recruté. Quatre mois plus tard, le régime a été renversé et je suis retournée à Moroni et depuis je suis restée chez moi avec mon Payalashio», se souvient-elle.


La madrassat compte actuellement 187 élèves. Mais l’effectif peut aller jusqu’à 200. Les classes commencent de la maternelle à la 5ème. Les élèves passent des examens-tests pour mesurer leurs niveaux avant leur inscription. «Nous acceptions les élèves à partir de quatre ans. Pour les garçons, nous n’acceptons pas les enfants qui ont dépassé 10 ans, histoire de maîtriser le comportement de mes élèves», a-t-elle précisé, insistant qu’elle n’a jamais rencontré des difficultés concernant la cohabitation entre filles et garçons, leur comportement, contrairement à ce qu’on dit ici et là pour les écoles coranique et les enseignants.
Fundi Mma Anissa a indiqué que l’année scolaire débute dans sa madrassat au mois de Muharram (premier mois du calendrier musulman), et les examens de premier semestre se font au mois de Radjab (septième mois du calendrier musulman). Fundi Mma Anissa assure les cours de la Cp au Ce1. Elle est accompagnée dans les autres classes par plusieurs jeunes, notamment Chamsoudine (un de ses anciens élèves) dans l’enseignement de la Siratou-nabawi et le tawuhid, Anfane Youssouf avec la Tarbiyatoul-islam et Kawayid, Halidi avec la langue et la grammaire arabes, Abdoulatuf Zoubeir avec Tawuhid, fiqh et Hadith (récit du prophète), et Abdou Rakib Saïd Abdou avec la mémorisation intégrale du Coran.


L’idée de solliciter l’accompagnement de ses anciens élèves jaillit en 1999. Elle raconte que 4 mois plus tard, elle tombera malade et sera évacuée en France et passera un an et demi là-bas. «En cette période, ce sont mes élèves qui ont assuré la relève, et j’étais très contente de revenir et constater que tout a été bien assuré», se remémore-t-elle.  Pour inscrire un enfant, on doit présenter un extrait d’acte de naissance, deux photos d’identité et un droit d’inscription de 5.000 francs. L’écolage d’un élève est de 2000 francs toute classe confondue. Cet argent assure le fonctionnement de la madrassat, notamment en accompagnant les autres enseignants. «Ce ne sont pas des salaires, je dirais des encouragements ou bien des frais de déplacements, car ça varient entre 30.000, 25.000 et 2.000 francs», a insisté la fundi, précisant qu’elle ne vit pas de cela. Parmi les difficultés rencontrées, il y a les arriérés de paiement d’écolage. Il arrive, selon elle, que certains élèves aient des arriérés de plus de huit mois. L’enseignante nous a montré des élèves qui ont des arriérés de 2018. «Si l’élève est très bon, je le laisse, parfois j’oublie qu’il n’a pas payé son écolage», a-t-elle relativisé.

Mourir dans ce métier

La Madrassat Rasulul-A’adhwam participe à presque toutes les musabakat (concours de lecture et mémorisation du Coran) et compétition inter-madrassat. En 2003, Salim Youssouf remporte le concours national du Coran. En 1996, ce payalashio remporte la coupe d’une compétition de football contre la madrassat de Fundi Toiwilou Abdou. Fundi Mma Anissa pourrait bien déplacer la madrassat vers Sahani, à Mde ya Bambao. Un projet de construction d’une maison en dur est en réflexion. Interrogée sur l’avenir de sa madrassat, elle répondra tout d’abord qu’elle compte enseigner le Coran et les autres sciences arabo-islamiques jusqu’à la fin de sa vie, tout en gardant les mêmes principes. C’est ainsi qu’elle évoquera le projet de la maison en dur. «Je prie Allah de me garder en bonne santé pour enseigner encore plus son livre et mourir dans ce métier», a-t-elle espéré.

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