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Gaba, kanga et les autres : où sont passés nos objets d’hier ?

Gaba, kanga et les autres : où sont passés nos objets d’hier ?

Société | -

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Les objets artisanaux comoriens disparaissent à petits pas, emportant avec eux un pan de l’identité locale. Heureusement, quelques passionnés tiennent bon.

 

Les Comores ! Ses plages, ses parfums d’ylang-ylang, et… ses artisans. Mais ces derniers deviennent aussi rares qu’un parapluie en plein cyclone. Et les objets artisanaux traditionnels, ces témoins du savoir-faire comorien, se font la malle. Exit les gora (chapeaux en feuilles de coco), nkabwa zaminazi (sandales nature 100 % cocotier), ou encore sembeya à wala (couteaux bien affûtés aujourd’hui disparus). Même la calebasse (mtsundji) a disparu. Dans les marchés, entre deux étals de produits venus d’ailleurs (souvent en plastique et made in “pas très local”), quelques courageux tentent encore de faire survivre ces trésors.

Et parmi eux : Fatima Said, fièrement campée à Volo-volo, vend ses petites calebasses comme on vend des souvenirs d’une époque révolue. «Certaines personnes les achètent juste pour décorer leur maison», confie-t-elle. Mieux vaut ça que rien. Président de la Fondation Hazi Haki et directeur de la Radio Haiba FM, Mohamed Saïd Abdallah Mchangama a plus d’un objet traditionnel dans son sac. Chapeaux, chaussures en feuilles de coco, uliyo (petite table traditionnelle)… il garde tout, comme d’autres garderaient des reliques sacrées.
Pour lui, chaque objet a une âme. Le gora, par exemple, ce n’est pas juste un couvre-chef pour ne pas finir rôti au soleil. Non ! C’est un emblème. Celui du «pêcheur courageux», de «l’agriculteur vaillant », voire du «père bâtisseur qui construit un toit pour marier sa fille ».

Pas de résignation !

Et que dire du uliyo (sorte de table) ? Autrefois réservé aux moins fortunés, aujourd’hui il est réhabilité, mais souvent dans une version “moderne revisitée”, sans trop de respect pour les plantes utilisées ni leur symbolique. Il existe encore quelques poches de résistance. À Domba et dans certains endroits à Ndzuani, de rares artisans perpétuent les gestes ancestraux, d’après Mchangama. Mais le constat est là : beaucoup d’objets ont disparu, faute de transmission.

«Même les enfants se désintéressent des activités traditionnelles. Il faut les reconnecter à la nature, leur redonner envie de créer avec leurs mains, pas seulement scroller avec leurs pouces», suggère cet ancien ministre et député aujourd’hui engagé dans la société civile. Et il n’a pas tort. Car au fond, ces objets racontent les réalités, les besoins, les rêves des Comoriens. Leur disparition, c’est un peu comme si une bibliothèque entière brûlait, en silence.

Moralité ?

Les Comores ont du talent, une histoire et des mains en or. Il serait dommage que tout cela finisse dans un musée, ou pire : oublié. Alors, si vous croisez un gora sur un marché, n’attendez pas ! Offrez-lui une deuxième vie… sur votre tête !

Touma Saïd avec Sardou Moussa

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