L’Angd a été créée il y a cinq ans. Quels sont, selon vous, les résultats les plus marquants obtenus en matière de gestion des déchets à l’échelle nationale ?
Le premier acquis reste la promulgation d’un cadre juridique encadrant la gestion des déchets aux Comores, une avancée essentielle puisqu’aucune réglementation n’existait auparavant. Néanmoins, face aux défis rencontrés dans nos missions, il a été nécessaire d’améliorer les textes existants pour les rendre plus efficaces et adaptés aux réalités du terrain. Nous nous réjouissons également de la validation imminente de la stratégie nationale de gestion des déchets, le 24 avril.
Cette stratégie vient renforcer la loi-cadre en instaurant des mesures concrètes telles que le développement des capacités institutionnelles, la création de mécanismes financiers durables, l’amélioration du traitement des déchets ménagers, la sécurisation des déchets chimiques, la mise en place de décharges aux normes et la promotion de comportements écocitoyens à travers des actions de sensibilisation et d’éducation.
Quelles actions l’Andg met-elle en place pour garantir une gestion durable des déchets et préserver l’environnement à long terme ?
Nos actions s’articulent autour du renforcement de la réglementation, de l’appui technique et financier aux collectivités, ainsi que de l’élaboration d’une stratégie nationale ambitieuse. Plusieurs projets sont actuellement en cours pour soutenir ces efforts. À titre d’exemple, nous travaillons avec le Pnud à travers le projet Islands pour traiter les déchets chimiques et dangereux, tandis que d’autres initiatives, comme Tunex, porté par la Commission de l’océan indien avec l’appui de l’Union européenne, s’attachent à valoriser les déchets en énergie. Dans le domaine du plastique, le projet Islands-Plast, financé par Coca-Cola, vient compléter nos actions. De nouveaux projets, tels que Bgi et Exploi, permettront de poursuivre la recherche, la sensibilisation et la valorisation des déchets marins. Nous attendons d’ailleurs un bateau, prévu pour juillet, pour réaliser les premiers prélèvements en mer.
Quels sont les principaux obstacles ou freins rencontrés aujourd’hui par l’Angd dans l’accomplissement de sa mission ?
L’absence initiale de cadre juridique a longtemps entravé nos efforts, tout comme le retard pris dans l’adoption d’une politique nationale cohérente sur la gestion des déchets. Le manque de financements dédiés, la difficulté à obtenir l’implication active des communes dans la gestion des ordures, ainsi que le faible niveau de civisme au sein de la population, ont également freiné la progression de nos actions. Si des avancées ont été réalisées pour surmonter certains de ces obstacles, beaucoup reste à faire pour consolider durablement les acquis.
En octobre dernier, un rapport a été publié sur les systèmes de gestion des déchets aux Comores. Quelles principales problématiques a-t-il mises en évidence ?
Le rapport de la mission conjointe Pnue/Pnud sur la gestion intégrée des déchets, du plastique et de l’économie circulaire en Union des Comores a mis en évidence plusieurs problématiques majeures. Parmi celles-ci figurent : le manque de données fiables sur la gestion des déchets, les difficultés de tri et de gestion des déchets au niveau des ménages, l’inefficacité de la collecte, du transport et de l’élimination des déchets municipaux, ainsi que l’absence d’instruments juridiques et économiques suffisants pour soutenir les efforts de réduction, de réutilisation et de recyclage.
Le rapport note également le déficit de structures et de capacités institutionnelles, le faible engagement des récupérateurs informels, des femmes et des jeunes, ainsi qu’un manque d’implication des parties prenantes et d’actions de sensibilisation. Par ailleurs, il pointe l’absence d’une véritable économie circulaire pour les déchets et le plastique, une mauvaise gestion des flux de déchets spécifiques comme les déchets hospitaliers et électroniques, la responsabilité insuffisamment assumée des producteurs et importateurs, l’absence de systèmes de dépôt-remboursement (Drs) et, enfin, des limites dans les mécanismes financiers et de soutien au développement.
L’assistance technique aux communes figure parmi vos domaines d’intervention. Quels projets avez-vous concrètement mis en œuvre dans ce cadre, et avec quelles municipalités ?
Cette assistance s’est traduite par l’élaboration de la Stratégie nationale de gestion des déchets et la mise en place d’un plan de gestion des ordures dans 12 communes. Ce travail a été précédé d’une enquête sur la gestion locale des ordures. Un atelier de validation a ensuite été organisé avec les communes concernées, qui sont au nombre de 12 : Nguwengwe, Nyuma Ngama, Itsahidi, les trois communes de Bambao, Nyuma Msiru, Mbangani, Hamanvu, Djoumwa Panga, Ntsinimwapanga et Mitsamihuli ya Mbwani.
Une visite du site d’Itsundzu a été organisée en 2022. Quelles recommandations en ont découlé, et où en est leur mise en œuvre aujourd’hui ?
Un consultant a été récemment dépêché sur le site, le mardi 15 avril, pour traiter plusieurs questions relatives à cette décharge. Nous communiquerons plus de détails ultérieurement.
On constate un renforcement des mesures de gestion des déchets dans la capitale Moroni, contrairement à d’autres régions. Comment expliquez-vous ce déséquilibre territorial ?
La priorité était de répondre d’abord à l’urgence dans les trois principales villes du pays. Toutefois, les constats effectués durant les premières opérations ont montré la nécessité de suspendre les actions pour mieux encadrer la gestion par une réglementation adaptée. Par la suite, nous avons prévu d’étendre et de renforcer les mesures d’accompagnement à toutes les communes de l’Union des Comores à travers de nouveaux projets menés en partenariat avec des pays comme le Japon, la Corée du Sud, ainsi qu’avec le Pnud et l’Union européenne.
La loi-cadre sur la gestion des déchets n’a été adoptée qu’en 2024, alors que l’Angd existe depuis 2020. Qu’est-ce qui explique ce décalage législatif ?
L’Agence nationale de gestion des déchets a vu le jour fin 2020, il y a presque quatre ans. Toutefois, face aux nombreuses contraintes rencontrées, notamment dans les capitales nationales lors des opérations de terrain, il est apparu nécessaire de réviser en profondeur la législation relative aux différents types de déchets aux Comores. Ce travail a conduit à un décalage inévitable, marqué par l’adoption en décembre 2024 de la loi-cadre pour la prévention et la gestion durable des déchets, et bientôt, par la validation de la Stratégie nationale de gestion et de valorisation des déchets.
En 2023, vous avez organisé un atelier sur la valorisation énergétique des déchets. Quelles suites ont été données à cette initiative ? Où en est le projet aujourd’hui ?
Le projet est actuellement en phase de finalisation. Toutefois, il a déjà permis de développer deux prototypes de transformation des déchets en énergie de biogaz. Le premier prototype a été conçu par des étudiants de l’Université des Comores ; le second, par le groupe Biocom basé à Ndzuani, qui a installé un biodigesteur dans la région de Nyumakele. Ce dispositif produit de l’énergie électrique pour alimenter une chambre froide de conservation des produits halieutiques, au bénéfice des pêcheurs locaux. Quant au premier prototype, il sera bientôt installé dans des ménages, afin de leur fournir de l’énergie issue des déchets dans le cadre du projet Twenex.
Moudjib Mohamed Saïd