logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Giovanni Di Girolamo I «Le portefeuille en cours des projets financés dépasse les 40 millions d’euros»

Giovanni Di Girolamo I «Le portefeuille en cours des projets financés dépasse les 40 millions d’euros»

Société | -   Housni Hassani

image article une
L’ambassadeur de l’Union européenne aux Comores avec résidence à Antananarivo à Madagascar revient sur les festivités organisées dans le pays à l’occasion de la Journée de l’Europe. Le diplomate européen d’origine italienne se félicite de la redynamisation de la coopération Ue-Comores avec la validation du nouveau programme indicatif (2021-2024) tourné essentiellement sur trois piliers essentiels à savoir : le pacte vert et bleu, la croissance et les emplois et la gouvernance économique.

 

La journée de l’Europe est célébrée le 9 mai de chaque année. Qu’est-ce que cette journée symbolise pour le Vieux continent ?

C’est aujourd’hui le 9 mai, journée de l’Europe. Anniversaire de la déclaration de Robert Schuman en 1950, qui a jeté les bases de la construction européenne. L’Europe sortait de plusieurs années de guerre sur son territoire, et Robert Schuman a révélé le projet de création d’une communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), pour mettre en commun les ressources et ainsi empêcher une nouvelle guerre. Son but est de rendre la guerre « non seulement impensable mais aussi matériellement impossible». Initialement 6 pays faisaient partie de la Ceca. Que du chemin parcouru ! Aujourd’hui, l’Ue est composée de 27 pays, et est devenue un acteur majeur dans le monde sur le plan politique, économique et commercial.

Quel est le message principal à livrer cette année 2022 à l’occasion de cette journée du 9 mai ?

La Journée de l’Europe c’est tout d’abord une journée de célébration, et d’un message de paix et d’unité. Malgré les dures épreuves que nous connaissons, notamment la crise en Ukraine à nos frontières, l’Union européenne fait front et s’attache à relever de façon globale et solidaire les défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux. Cette célébration, c’est également celle de la solidarité et des partenariats au développement avec les pays du monde, notamment en Afrique, dans l’Océan Indien, et bien sûr aux Comores. C’est une journée très spéciale pour moi, en tant qu’Ambassadeur de l’Union européenne auprès des Comores, avec résidence à Madagascar. Je me suis rendu en mission à Moroni en février dernier et j’ai pu mesurer à quel point nos liens sont forts, et combien l’Ue est un acteur apprécié et reconnu dans le pays.

Quels seront les moments forts de la semaine ?

Au cours de cette semaine de l’Europe, nous irons particulièrement à la rencontre des jeunes comoriens. Nous organiserons différentes actions incluant une présentation du programme Erasmus+ et des opportunités offertes aux jeunes comoriens de poursuivre les études supérieures en Europe et dans d’autres pays de la région, ou encore d’approfondir leurs compétences en matière de formation professionnelle.
Nous lancerons deux projets mis en œuvre par la société civile. Nous organiserons une journée porte ouverte au Bue pour présenter aux élèves les projets financés par l’Ue aux Comores, et nous organiserons une conférence sur le thème de la gestion des océans aux élèves du lycée français de Moroni.

L’Union européenne a brillé par son absence ces trois et quatre dernières années aux Comores. De nombreux projets ont été mis en veilleuse. Comment comptez-vous redynamiser la coopération entre les Comores et l’Union européenne ?

Bien au contraire, nous assistons au renouveau de la coopération de l’Ue aux Comores.En 2019, alors que plusieurs projets n’avaient pas été mis en œuvre parce que les conditions ne le permettaient pas, nous avons pu lors de notre dialogue politique Ue-Comores redéfinir ensemble les priorités en matière de développement. Sur cette base, la mise en œuvre de la coopération s’est accélérée, et l’on peut maintenant parler d’un renouveau ! Actuellement, l’Ue met en œuvre plusieurs projets dans le domaine de la gouvernance économique et financière, de la formation professionnelle ou encore de l’appui au commerce.

L’Ue finance la construction d’une centrale photovoltaïque permettant l’électrification de 20 000 personnes à Mwali, ou encore un projet d’adduction d’eau potable à Ndzuani. D’autres actions sont en cours dans le domaine de l’environnement ou encore de la protection des enfants.La Banque européenne d‘investissement (Bei) contribue également à la construction d’une nouvelle centrale photovoltaïque à la Grande-Comores. Le portefeuille en cours des projets financés par l’Ue aux Comores dépasse les 40 millions d’euros.


Quels sont les grands projets que l’Europe souhaite mener aux Comores dans les prochaines années ?

Depuis le 1er janvier 2022, le Ndici – Europe dans le monde - est le nouvel instrument du partenariat politique entre l’Ue avec les Etats Afrique Caraïbe Pacifique, en remplacement du Fonds européen de développement (Fed). Cet instrument plus lisible et plus flexible que le Fed soutient désormais les actions extérieures de l’Ue.
Aux Comores, le Nidici permet de financer le programme indicatif pluriannuel 2021-2027, en appui au Plan Comores Emergent. Ce programme a été adopté à l’issue d’un processus piloté par le gouvernement, et des consultations avec l’ensemble des acteurs de la société comorienne, notamment les jeunes, les femmes, le secteur privé ou encore la société civile.

Ce programme indicatif pluriannuel prévoit une première tranche (2021-2024) d’un montant de 46 millions d’euros. Fin 2024, une revue à mi-parcours permettra d’évaluer les progrès et servira à déterminer le montant de la tranche 2025-2027 en fonction des résultats atteints. 
Outre les dons, les outils financiers que nous mobilisons permettent de garantir des prêts concessionnels de plusieurs dizaines de millions d’euros pour des projets structurants en soutien à la croissance économique du pays. Nos équipes sont déjà à pied d’œuvre pour formuler de nouveaux programmes et nous prévoyons d’engager 30 millions d’euros supplémentaire dès 2022.Comme je l’ai dit, on peut vraiment parler du renouveau de la coopération de l’Ue aux Comores.


Quel devrait être vraiment le secteur de concentration des projets ?

En réponse aux besoins des Comores exprimés dans le Plan Comores Emergent, les domaines prioritaires du Programme indicatif pluriannuel sont les suivants : Pacte vert et bleu : pour soutenir la gestion durable des ressources agricoles et halieutiques, et appuyer le développement de chaines de valeur afin de renforcer la sécurité alimentaire et réduire la dépendance du pays aux importations.Croissance et emplois : pour soutenir les entreprises, le commerce et ainsi favoriser la croissance économique et l’emploi. Gouvernance économique : appuyer la mise en œuvre et le financement de politiques publiques pour partager les fruits de la croissance

L’Europe partage des valeurs avec les Comores notamment en matière de démocratie et des droits de l’Homme. Quel regard portez-vous sur l’Etat de droit aux Comores ?
L’Ue et les Comores ont développé un fort partenariat depuis plusieurs décennies. Ce partenariat prévoit un cadre de dialogue politique entre l’Ue et l’Union des Comores, qui permet d’aborder tous les sujets d’intérêts communs, notamment la situation des droits de l’Homme, la bonne gouvernance ou encore le commerce.
Nous avons développé un grand rapport de confiance avec les autorités. Les discussions sont franches et permettent de renforcer la compréhension commune et les actions à mener dans le pays. L’Ue appuie aussi les Comores à travers des fonds de coopération (instrument Droits humains) notamment la protection des enfants et des femmes.

Où en est-on sur les accords de pêche ? Certaines voix aux Comores laissent penser qu’ils sont déséquilibrés, est-ce votre avis ?

Depuis 2022, l’Ue a repris formellement le dialogue avec les Comores, afin de lever le carton rouge reçu par le pays en 2017 pour non coopération en matière de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Inn). Les Comores ont réalisé des progrès significatifs en la matière avec l’adoption d’une nouvelle loi et de différents instruments juridiques pertinents. Nos équipes d’experts sont en contact avec les autorités comoriennes afin de définir les prochaines étapes qui permettront de lever ce carton rouge. Ce n’est qu’après la levée du carton rouge, que nous pourrons discuter d’un nouvel accord de pêche qui bénéficiera à tous de manière équitable.

La guerre en Ukraine impacte déjà les économies africaines. Que compte faire l'Europe pour accompagner l'Afrique en général et les Comores en particulier à faire face aux conséquences de ce conflit surtout au niveau de l'approvisionnement en denrées alimentaires ?

La situation en Ukraine est dramatique. L’Ue est très préoccupée par l’invasion russe, portant atteinte à la souveraineté territoriale de l’Etat voisin, aux portes de l’Europe. L’Ue a adopté une double approche qui associe un soutien sans faille à l’Ukraine à des sanctions contre la Russie. Les Comores ont adopté une position similaire à celle de l’Ue sur la condamnation de la Russie aux Nations-Unies, montrant notre analyse commune de la situation. L’Ukraine et la Russie sont des exportateurs majeurs de céréales au niveau mondial, et la Russie est aussi un des principaux exportateurs de pétrole. Ainsi, les conséquences de cette guerre frappent directement les Comores à travers l’augmentation des prix de produits de première nécessité. Augmentations qui se cumulent à celles liées au dérèglement du commerce international suite à la crise du Covid, et qui frappent d’abord les ménages les plus modestes. L’Ue est aux côtés des Comores et des autres pays africains pour tenter d’atténuer les effets de cette crise à travers le développement d’instruments à court, moyen et long terme. Cela inclut par exemple un soutien renforcé à l’économie rurale pour réduire la dépendance aux importations. Il parait important aussi de réduire à terme la dépendance du pays en fuel. L’Ue finance d’ailleurs plusieurs projets d’énergie solaire dans le pays.

L'Union européenne a promis lors du dernier sommet Ue-Afrique d'accompagner l'Afrique dans sa transformation économique et sa transition énergétique. Quels sont les projets spécifiques envisagés aux Comores ?

Lors du dernier sommet Ue-Afrique, la Présidente de la Commission européenne, Ursula Van der Leyen a en effet annoncé que l’Ue investira plus de 150 milliards d’euros à travers le programme "Afrique-Europe". Ce programme appelé « Global Gateway » est la nouvelle stratégie européenne au niveau mondial visant à développer des liens intelligents, propres et sûrs dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports et à renforcer les systèmes de santé, d’éducation et de recherches dans le monde entier, en Afrique et aux Comores. Plusieurs projets sont déjà en cours aux Comores, notamment la construction de la centrale photovoltaïque de Mwali ou encore d’une nouvelle centrale à Ngazidja. Des réflexions sont aussi en cours avec les autorités pour développer le numérique, ou encore concernant la construction d’infrastructures en vue de favoriser le commerce. Ces projets seront financés à travers des mélanges de prêts concessionnels et subventions. Un volet d’assistance technique est également disponible pour appuyer le pays à élaborer des projets garantissant le meilleur rapport coût-efficacité.

 

 

 

Commentaires