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Girofle à Ndzuani : un secteur qui mérite plus d’attention

Girofle à Ndzuani : un secteur qui mérite plus d’attention

Société | -   Sardou Moussa

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Cela fait déjà plus de deux mois que le secteur du girofle s’est de nouveau réveillé à Ndzuani. Et avec lui, toute une économie en marche, obéissant à un schéma qui ne varie pas. Au départ, il faut déjà que les girofliers, plantes assez capricieuses qui ne donnent de bonnes récoltes qu’une fois tous les deux ans, acceptent de donner des clous. Ensuite c’est la cueillette, activité on ne peut plus périlleuse : plusieurs chutes, parfois mortelles, de ces arbres pouvant parfois atteindre 20 mètres de hauteur, des crampes aux pieds… Mais l’activité rapporte : il est en effet très rare qu’un propriétaire de girofliers puisse lui-même grimper aux arbres pour cueillir son produit, car cela demande beaucoup d’endurance et d’agilité. Ce sont donc des jeunes gens, qui arrivent parfois de localités lointaines, qui le font, et qui se font payer en nature avec la moitié ou le tiers de la récolte, que le propriétaire peut aussi racheter aussitôt.

 

L’étape suivante consiste à séparer les clous de leurs tiges (hu pvaruwa, en shi Ndzuani). Contrairement à Mwali, c’est une opération rarement payante : si les cueilleurs eux-mêmes ne vous aident pas à le faire, ce sont alors des amis qui vous offrent ce coup de main gracieux, moyennant quelques chopes de sodas. Et puis vient le séchage au soleil pendant trois ou quatre jours, avant la mise en sac du produit, son transport (généralement autour de 150 francs le sac de 25 kilos) puis sa vente.

Concurrence oblige

Cette année, le kilogramme sec se négocie autour de 2.500 francs. Le girofle frais se vend à 750 francs le kilo. Comme il en faut 3 kilos pour avoir un kilo sec, il constitue alors pour beaucoup un bon business : 250 francs de marge bénéficiaire pour chaque lot de 3 kilos frais achetés, asséchés puis revendus. Les tiges asséchées se vendent également, à raison de 100 francs le kilo. Les acheteurs de girofle, nombreux, s’autorisent des petits écarts de prix, concurrence oblige. L’anecdote de Labi, un jeune arrivé de la région de Shissiwani un matin avec son sac de girofle, et qui cherche un «bon acheteur», illustre bien le fait.


Il a arrêté son taxi-brousse à l’entrée de Mutsamudu, au quartier dit «Fourtaleza», pour demander le prix à un premier acheteur. « 2.575 francs », lui a-t-on répondu. Ces 75 francs de plus lui font penser que peut-être ailleurs, il trouvera mieux. Il se rend donc à un autre acheteur, situé à 500 mètres plus loin. Mais ici, c’est… 25 francs en moins !Quoi qu’il en soit, le prix de cette année est meilleur que celui des deux dernières années, où il oscillait autour de 2.000 francs. Le gouvernement n’est pas intervenu pour arrêter un prix officiel, et c’est peut-être mieux ainsi, car de 2017 à 2019, les «prix planchers» qu’il avait fixés n’avaient pas été tout à fait respectés.

Entre 2.000 et 3.000 tonnes par an

La filière semble en fait livrée à elle-même : aujourd’hui il ne subsiste aucune trace du fameux «Office du girofle» mis en place en 2017 par le gouvernement, et qui était censé suivre de près l’évolution du secteur, notamment l’offre et la demande mondiale, ainsi que la variation des cours au niveau planétaire. Néanmoins, la production n’est pas négligeable, au vu des nombreux camions chargés du produitet qui entrent quotidiennement au port de Mutsamudu. Le girofle est un secteur particulièrement à Ndzuani, qui mérite beaucoup plus d’attention.

 

En effet, le girofle de l’île représente autour de 70 % de la production totale du pays (25 % pour Mwali et 5 % pour Ngazidja), qui est comprise entre 2.000 et 3.000 tonnes par an. Au milieu de la décennie 2000, les exportations avaient occupé 70 % des recettes de l’ensemble des exportations des cultures de rente du pays. 
En 2017, conscient que «les déterminants du prix, à savoir l’offre et la demande, nous échappent totalement», le président Azali Assoumani avait évoqué l’idée d’«initier une approche qui permette à la fois de tirer un meilleur parti des remontées du cours du produit, voire de l’ensemble des produits à l’export, et leur stabilisation».Autrement dit, «donner localement de la valeur ajoutée au produit», c’est-à-dire «extraire l’essence du girofle à partir du clou et des feuilles». Un vœu resté pieux.

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