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Gouvernorats des îles I Délais et défis pour la formation des exécutifs insulaires

Gouvernorats des îles I Délais et défis pour la formation des exécutifs insulaires

Société | -   Abdallah Mzembaba

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Deux mois après l’investiture des gouverneurs, la mise en place des exécutifs insulaires tarde à se concrétiser. Seule la gouverneure de Mwali a pu nommer ses collaborateurs.

 

Élus en janvier et investis en mai, les trois gouverneurs entament leurs mandats de cinq ans. Tandis que Chamina Ben Mohamed a déjà formé son exécutif pour Mwali, les gouverneurs de Ngazidja et Ndzuani n’ont toujours pas nommé leurs équipes, deux mois après leur prise de fonction.


Selon les deux gouverneurs, leurs équipes seront officialisées prochainement. Zaidou Youssouf, locataire de Dar Nadjah, a fait savoir que son «équipe est actée. Maintenant, au niveau de l’officialisation, ça sera dans les prochains jours». Son collègue de Ngazidja, actuellement à Paris dans le cadre de l’ouverture des Jeux olympiques, a lui aussi déclaré : «C’est fait. Ça doit être diffusé soit aujourd’hui soit demain.

Il y a un nouveau secrétaire général, Dr Moundhir Fathi Saïd, qui assure d’ailleurs mon intérim. Il me reste les conseillers et le directeur de cabinet, et je le ferai dès mon retour. L’ancien secrétaire général est quant à lui nommé conseiller spécial du gouverneur».

Retards et raisons invoquées

Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps pour mettre en place ces équipes ? Une source proche du pouvoir a fait savoir qu’il était difficile de satisfaire tout le monde. Surtout «une consigne a été donnée de ne pas nommer de délégué issu d’une région où il y a déjà un ministre». Et «si la logique est actée et semble simple sur le papier, c’est le choix des personnes qui pose problème. Certains noms ont même été avancés, mais ne plaisent pas forcément aux gouverneurs ou plutôt, ne les arrangent pas. Mais selon toute vraisemblance, tout sera réglé lundi au plus tard», assure notre source.


Zaidou Youssouf, lui, affirme de son côté qu’il a fallu «inclure tout le monde, toutes les régions, pour qu’il y ait une dynamique autour du pouvoir». Mze Mohamed Ibrahim assure ne pas être au courant d’une telle directive. Quant à la question de savoir où se situe l’autonomie des gouverneurs si, pour nommer leurs collaborateurs, ils doivent se soumettre à pareilles directives, Me Abdou El Wahab M’sa Bacar explique que «ne pas nommer des délégués dans les régions d’où sont issus les nouveaux ministres répondrait beaucoup plus à des préoccupations politiques que juridiques».

Le juriste ajoute que «contrairement au gouvernement central qui doit répondre à des exigences d’équité entre les îles et entre les hommes et les femmes, pour les îles, la constitution, dans son article 101, dit qu’il faut un cabinet composé de sept membres dont un directeur de cabinet et un secrétaire général». Selon lui, c’est là la seule obligation imposée par la loi aux gouverneurs.

Conséquences politiques et pratiques

Me Maliza Saïd Soilihi, avocate aux barreaux de Marseille et Moroni, a une toute autre lecture de la situation. «Juridiquement, il est évident que cela ne repose sur aucun fondement. Il n’y a aucune loi, aucun texte, ni réglementaire ni législatif qui oblige à ce que les nominations se fassent par région. C’est une pratique qui commence à fortement porter préjudice au bon fonctionnement de l’État, qui existe depuis des lustres et qui n’a pas pour autant montrer son efficacité», dit-elle d’abord.

Et de poursuivre : «Politiquement, il est évident que c’est afin de pouvoir mobiliser l’ensemble des électorats dans toutes les régions en vue des prochaines élections. Je ne perds pas de vue le fait qu’il y a des législatives et des municipales dans moins de six mois. Donc forcément on a besoin de mobiliser les électeurs dans toutes les régions et on est tous conscients que les nominations et recrutements se font uniquement dans le sens de la mobilisation électorale».

Critiques et perspectives

Me Maliza Saïd Soilihi souligne que ces consignes n’ont pas d’autre signification et déplore fortement cette situation. Selon elle, les nominations «ne se font pas sur la base de la méritocratie, mais uniquement en fonction de la région d’origine des candidats, ce qui entraîne des conséquences négatives bien connues». Elle ajoute que l’autonomie des gouvernorats «est réduite à une simple façade. En théorie, les gouverneurs disposent d’une certaine autonomie, mais en pratique, ils ne l’utilisent pas par crainte de représailles. Ils se sentent obligés de demander l’approbation et le soutien des autorités centrales».


La lenteur de la mise en place des équipes gouvernementales insulaires souligne, si besoin était, les difficultés politiques et les défis de gouvernance auxquels le parti au pouvoir est confronté. Rappelons que la Convention pour le renouveau des Comores ne cesse d’enregistrer de nouveaux membres, notamment avec la disparition actée de la mouvance présidentielle au profit des fusions avec des partis proches du pouvoir. L’équilibre entre les exigences régionales et les impératifs nationaux reste donc délicat à maintenir.

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