Le président célèbre ce mercredi 26 mai, les deux années de son nouveau mandat. Dans quel état d’esprit vivez-vous cet évènement ?
C’est un moment fort pour le chef de l’Etat mais aussi pour ses collaborateurs. Personnellement j’éprouve un sentiment de joie et de grande satisfaction pour avoir eu l’opportunité de vivre ce moment avec plus de sérénité.
Quelles sont, d’après vous, les grandes nouveautés impulsées en matière de gouvernance et d’affirmation de l’autorité de l’Etat ?
Il y a les réformes profondes qu’il a engagées au niveau de notre système judiciaire et de nos administrations publiques. Celles-ci ont pour vocation de conforter l’Etat de droit, de lutter contre la corruption et d’améliorer les rendements des administrations. Ces réformes sont nombreuses et vont être encore poursuivies mais je citerai à titre d’illustration, s’agissant de la justice: la mise en place du conseil supérieur de la magistrature, de la commission nationale des droits de l’Homme, des chambres des notaires et des huissiers, la réforme de la loi sur l’organisation judiciaire et du code pénal, la mise en place du tribunal de commerce, la préparation de nombreux projets de lois notamment sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux cadiaux, d’un pôle judiciaire, économique et financier, le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent et j’en passe. Ce sont des réformes pertinentes et indispensables jamais abordées par les prédécesseurs du président Azali, ceux-là même qui réclament l’Etat de droit. Concernant les réformes des administrations, je citerai en particulier le nouveau statut des fonctionnaires de l’Etat voté par les députés ainsi que le processus de modernisation des administrations à travers le numérique.
Quels ont, concrètement, les projets physiques prioritaires pour 2021 et 2022 ?
Le programme phare du chef de l’Etat à savoir le développement des grandes infrastructures sera poursuivi durant la période et concernera en particulier : les infrastructures routières, l’énergie et l’eau, les infrastructures hôtelières et le Centre hospitalier national.
Sur le plan économique, le pays a subi une double crise en deux ans. Certains indicateurs ne sont pas au vert. Quels leviers s’appuyer aujourd’hui pour impulser une nouvelle dynamique de croissance ?
La stratégie de relance est déjà tracée par le chef de l’Etat et elle est même en cours d’exécution. Elle est déclinée en six axes stratégiques majeurs que sont : d’abord la mise en place des infrastructures d’appui au développement, la réforme du système financier, l’amélioration de l’environnement des affaires, le développement du numérique, les investissements directs étrangers (surtout dans le cadre du Cpad), le renforcement du partenariat avec le privé local et enfin le recours au mécanisme de financement international mis à la disposition des pays en développement tel que le mécanisme des Droits de tirage spéciaux proposés lors du sommet sur les économies africaines présidé par le président Français le 18 mai 2021 et auquel le chef de l’Etat, Azali Assoumani a pris part.
Il était question de la création d’un Fonds d’investissement pour soutenir des grands projets. Où en est-on ? L’échéance de 2022 pour créer une compagnie aérienne nationale est-elle réaliste ?
Le fonds est opérationnel depuis 2017, créé par le ministre des Finances. Je l’avais une fois relaté, et il a fortement contribué à de nombreux projets, en particulier la construction des voiries urbaines telles que les voiries de Domoni ya Ndzuani et Moroni, ainsi que les routes secondaires. Un plan de renforcement des mécanismes de son renflouement pour rendre conséquentes ses contributions aux projets est déjà disponible. Par rapport à la compagnie nationale, 2022 est une échéance indicative mais raisonnable car en effet le gros est déjà fait à savoir la réalisation de l’étude de faisabilité.
Le Fmi propose des Droits de tirages spéciaux (Dts) pour soutenir les économies africaines. Comment les Comores se projettent-elles ? Le pays manque-t-il de moyens ou des capacités d’absorption ? Comment y remédier pour accélérer les chantiers de développement ?
Les modalités d’accès au mécanisme des Dts du Fmi ne sont pas encore déclinées mais toujours est-il que l’éligibilité de notre pays à ces financements est effective. Nous nous apprêtons à être à jour le moment opportun. Par rapport aux moyens et capacités d’absorption, il n’est un secret pour personne que nos moyens sont limités tandis que la question de la capacité d’absorption est un faux problème. Dans la plupart des cas cette capacité se trouve limitée par les procédures imposées par les partenaires et non par notre planification interne, même si faut-il aussi le reconnaître on n’a pas la perfection absolue.
Vous avez rencontré le nouveau président de l’Union des chambres de commerce. Il y a un dialogue public-privé amorcé à Ndzuani. Mais le secteur privé note une lenteur dans la mise en œuvre des termes convenus ? Que leur répondez-vous ?
Il n’y a pas de lenteur mais un homme sage disait que l’art de toute action réside dans la méthode. N’oublions pas que le dialogue dont vous faites allusion est régi par un texte législatif qu’il va falloir préparer soigneusement la mise en œuvre, ce dont nous nous sommes déjà attelés. Lors de mon entrevue avec le nouveau président de l’Union des Chambres de commerce on a convenu de travailler sur la base d’une feuille de route qui fera objet d’échanges très prochainement.
Le Plan de développement intérimaire (Pdi) court jusqu’en 2024. Qu’en est-il de sa mise en œuvre ? Y a-t-il des objectifs chiffrés en matière de création d’emplois en 2024 ?
Les éléments de bilan esquissés ci-haut font partie du Pdi, autrement dit, le Pdi est bel et bien en cours d’exécution. Un draft du rapport d’état d’avancement est disponible, en cours d’examen au secrétariat général du gouvernement pour une soumission prochaine à l’appréciation du gouvernement. Ceux qui l’ont lu ont certainement constaté qu’il comporte des indicateurs bien chiffrés entre autres ceux liés à la création d’emplois pour la période.
L’école publique est dans un état piteux. Beaucoup d’enfants dans l’arrière-pays manquent de salles de classes et du mobilier scolaire adéquats. Que compte faire l’Etat pour améliorer les infrastructures scolaires ?
L’Etat a déjà mobilisé plus de 15 milliards de francs pour un programme ambitieux de construction, rénovation et modernisation des établissements scolaires et universitaires.
Une grande partie de ces financements provient du programme de développement France-Comores (Pdfc) signé en 2019 avec la partie française, un de nos partenaires clés pour la mise en œuvre du Pdi. Les écoles primaires, les collèges, les lycées et l’Université sont tous concernés. Dans ce programmes quatre lycées pilotes seront rénovés et modernisés à savoir : le lycée de Fomboni à Mwali, le lycée de Mtsamdu ya Ndzuani, le lycée de Domoni ya Ndzuani et le lycée Said Mohamed Cheikh à Ngazidja.
Plus de 60% du budget de la Santé est assuré par des financements externes. Comment faire pour inverser cette tendance ?Le fonctionnement de notre système de santé est assuré à 90% par l’Etat comorien, lequel l’Etat est en train de réaliser sur fonds propres le plus grand projet d’infrastructure hospitalière jamais réalisé dans le pays depuis notre indépendance, à savoir le Centre national hospitalier El Maarouf, d’où proviennent alors les 60% des financements externes ? Je pense qu’il s’agit là d’une illusion et non d’une réalité.
Quelle leçon tirer de la Covid-19 par rapport à notre système de santé ? Les Comoriens vont ailleurs. Ici, ceux qui ont les moyens font recours à des cliniques privées. Et pourtant, ce sont les mêmes personnes, les mêmes médecins. Quelle politique pour réguler les pratiques d’exercice Public/Privé pour assurer des soins de qualité pour tous ?
Le chef de l’Etat n’a pas attendu la Covid pour réformer le système sanitaire national. Pour votre information, il a promulgué la loi sur l’assurance maladie généralisée dont le processus de mise en place est déclenché, il a promulgué le nouveau code de la santé qui va métamorphoser complètement le secteur sanitaire surtout en termes de code de conduite et de qualité des prestations. Présentement, un centre de diagnostic ultramoderne est en cours d’achèvement dans l’enceinte d’El-Maarouf, il abritera les appareils modernes et récents de diagnostic tels que, le scanner, l’échographie, l’endoscopie, la mammographie et autres. Un processus de mise à niveau du laboratoire national d’analyses médicales est en cours d’achèvement. Le Chef de l’Etat a donné son accord pour le financement du centre national de transfusion sanguine, du centre national de gestion des crises sanitaires et la construction du bâtiment de la caisse nationale de prévoyance sociale qui abritera l’assurance maladie généralisée (Amg). Par ailleurs, un plan global de mise à niveau des centres et postes de santé au plan national est en cours d’exécution pour un budget d’environ un milliard de francs Kmf (Rénovation et équipements). Je pense qu’une fois ces ambitions réalisées, partir à l’extérieur serait plutôt un luxe.
Le centre hospitalier universitaire El-Maarouf devrait être prêt en octobre 2023. Où en est-on de la formation des spécialistes ? Et qu’en est-il de la mise en service effectif de l’hôpital de Bambao-Mtsanga ?
Les financements pour la formation des spécialistes sont déjà acquis sur contribution à la fois de l’Etat et de la Banque mondiale. Le chef de l’Etat a ordonné la mise en place d’une commission chargée de proposer le plan de formation et cette commission est déjà à pied d’œuvre pour une proposition exécutable au titre de la rentrée 2021-2022. S’agissant de l’hôpital de Bambao, je rappelle qu’à la demande du chef de l’Etat, un plan de relance de l’établissement est en cours d’exécution, et cela voudrait dire que l’établissement est déjà en service, mais pour une montée en puissance, des négociations avec des partenaires sont déjà initiées.
En 2012, l’Etat comorien projetait l’accès à l’eau potable à 67% de la population en 2017. Bientôt dix ans, les mêmes difficultés sont toujours là. Quels sont les projets en cours qui permettront, en amont, d’assurer l’accès à l’eau à tous sur le long terme ?
Comme je l’avais insinué ci-haut, l’accès à l’eau potable figure parmi les priorités du chef de l’Etat pour les deux prochaines années; le projet «Fonds vert pour le Climat» exécuté par le ministère de l’Environnement, d’un budget de 20 milliards de francs est déjà lancé depuis 2019. Son objectif est effectivement l’accès à l’eau potable à 67% de la population. Ce projet est destiné surtout à résoudre les problèmes d’accès à l’eau des populations des zones de haut surtout à Ngazidja. Présentement, toutes les études d’adduction sont presque réalisées et les campagnes de forage débuteront très prochainement. Sachez aussi que le projet mettra en place des dispositifs spécifiques pour améliorer la qualité de l’eau et pour le suivi de la ressource.
Il y a une forte opinion négative des Comores vis-à-vis de l’institution judiciaire. Quelle est aujourd’hui la politique de l’Etat pour y remédier et améliorer le service public de la justice ?
Les réformes déjà engagées par le chef de l’Etat contribueront à redonner l’image de la justice comorienne.
Les Comores sont impatientent d’en savoir plus sur l’affaire Bapele. Où en est-on du dossier et l’enquête dite ouverte est à quel niveau ?
Tout le monde sait qu’une enquête est ouverte mais par respect de l’indépendance de la justice dont on a l’habitude de fustiger abusivement parfois, laissons-la faire son travail. De toutes les façons, ce n’est pas la seule affaire du genre, donc il ne faut surtout pas personnaliser les affaires car il n’y a pas de «petite» et «grande» victime.
Vous avez gelé tout recrutement à la Fonction publique pour de contrôles physiques. Où en est-on des travaux et qu’elle en est la finalité ?
Les travaux vont bon train, réalisés par une commission mise en place par décret du chef de l’Etat. Le gel est justifié par le fait qu’on ne peut pas à la fois construire et détruire. Mais l’objectif du processus est de parvenir à un nettoyage complet du fichier des agents de l’Etat, indispensable pour une bonne maîtrise de notre masse salariale et une bonne gestion des carrières des agents de l’Etat, c’est donc de l’intérêt de tout le monde.
Les gouvernorats sont devenus des boites à lettres. Le gouverneur de Ndzuani se plaint souvent de manque de prérogatives propres. Il n’y a pas, à notre connaissance, un texte d’application des articles 101, 102 et 103 de la constitution. Y a-t-il un projet de texte qui clarifiera les compétences propres des îles ?
Aucun gouverneur ne s’est plaint de quoi que ce soit, bien au contraire, tous ont fait et continuent encore de faire preuve de grande responsabilité car eux mêmes savent que le nouveau cadre institutionnel mis en place d’un commun accord, exige plus de patience et de compréhension. Ceci étant, je reconnais que cette situation ne peut plus perdurer et c’est pourquoi le chef de l’Etat lui-même en a fait une affaire personnelle en ordonnant la soumission prochaine au vote des députés, le texte législatif définissant et clarifiant les compétences des différentes entités de l’Etat, c’est à dire l’Union et les îles.
L’opposition et des Comoriens de France agitent la toile au sujet de ce 26 mai 2021. Comprenez-vous leur appel ? Que leur répondez-vous ?
Un homme sage disait que l’une des pires stupidités, c’est de se mentir.
AS Kemba