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Hayatti Soulé, directrice de la Banque populaire des Comores I  «Il est impératif que la banque et la clientèle se comprennent»

Hayatti Soulé, directrice de la Banque populaire des Comores I  «Il est impératif que la banque et la clientèle se comprennent»

Société | -   Nazir Nazi

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Après des années de gestation, la Banque Postale des Comores (Bpc) voit enfin le jour. Elle se veut une institution financière « moderne et inclusive ». Sa directrice, Hayatti Soulé, revient sur les défis de la scission de l’ancienne Snpsf, la restructuration des actifs, les nouveaux services et l’adaptation des clients aux normes bancaires.

 

Quels défis avez-vous rencontrés lors de la scission de la Snpsf et la création de la Banque postale des Comores ?

Comme vous le savez, le projet de scission de la Snpsf visant à créer la Banque postale des Comores [Bpc] et la Poste Comores est un projet de longue date. Il a été amorcé il y a plusieurs années. En 2017-2018, une mission d’évaluation de la Snpsf a été menée afin d’identifier les mesures à prendre pour sauver l’établissement. En 2020, un décret présidentiel a officialisé cette scission et annoncé la création des deux nouvelles entités. Par la suite, les travaux ont progressé jusqu’à la nomination de la future directrice générale par décret en 2023. En janvier 2025, la Poste Comores a pris son autonomie, tandis que la Bpc a obtenu son agrément auprès de la Banque centrale. Nous sommes actuellement en phase de migration des activités financières de la Snpsf vers la Bpc, avant de traiter ce que l’on appelle le portefeuille résiduel, qui relèvera du processus de liquidation de la Snpsf. Ce projet, en gestation depuis plusieurs années, aboutira au lancement des opérations de la Bpc.

Comment s’est organisée la répartition des actifs et services entre la Banque postale et la Poste Comores ?

Sur ce point, la transition a été relativement simple, dans la mesure où la Snpsf regroupait déjà deux types d’activités : une activité postale et une activité financière. La scission s’est opérée de manière à ce que l’activité postale reste au sein de la poste, tandis que l’activité financière soulève plusieurs questions. En principe, cette dernière aurait dû être transférée à la Bpc. Toutefois, certaines spécificités compliquent ce processus. En effet, l’activité financière de la Snpsf comprenait un portefeuille résiduel, incluant des créances douteuses, ce qui a creusé un déficit qu’il fallait combler pour garantir une banque saine, conforme aux ratios prudentiels imposés par la Banque centrale, et capable d’assurer sa viabilité et sa solvabilité. Étant donné l’importance du portefeuille de la Snpsf, il a fallu déterminer quelles créances seraient transférées à la Bpc et lesquelles resteraient dans la structure résiduelle. Pour combler le manque à gagner et permettre la création de la Bpc avec un portefeuille sain, l’État actionnaire a émis un bon du Trésor. Ainsi, la Bpc ne récupère que les clients et crédits sains. Il est important de comprendre qu’un crédit peut être sain ou douteux, tout comme un client. Toute la partie saine de la Snpsf a été transférée à la Bpc, tandis que la partie moins saine a été prise en charge par l’État, sans être intégrée à la Bpc. Par conséquent, lorsque la banque débutera officiellement ses opérations, certains clients et certains dossiers de crédits ne seront pas pris en charge par la Bpc. L’État ayant déjà comblé ce déficit, ces créances seront sous recouvrement du Trésor public ou d’une autre structure que l’État désignera. Ces clients pourront éventuellement réintégrer le système bancaire une fois leur situation régularisée.

Quels sont aujourd’hui vos principaux produits et services ?

La Bpc, à l’instar de l’État, affiche l’ambition de devenir un leader de l’inclusion financière. Une banque comorienne pour les Comoriens, sans exclusion. Elle se veut ainsi une banque de proximité, axée sur la microfinance, mais aussi une banque nomade, capable de fédérer tous les Comoriens où qu’ils soient.
Parmi les produits que la Bpc entend développer comme offres phares, le crédit communautaire constitue une nouveauté sur la place bancaire comorienne. Un autre produit d’accompagnement, le crédit étudiant, sera lancé progressivement. La banque prévoit également des solutions destinées aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux porteurs de projets de création de sociétés. Il s’agit notamment de facilités de caisse pour le financement du fonds de roulement des entreprises. Ces offres prendront la forme de packages regroupant plusieurs avantages afin de soutenir les investisseurs souhaitant s’implanter aux Comores.

Quels sont les frais, commissions et taxes appliqués sur les opérations ? Par exemple, certains clients découvrent une «commission» de 1 000 francs non expliquée lors des retraits…

Vous savez, cela fait aussi partie de l’accompagnement du management que la Bpc devra amorcer auprès de sa clientèle. La Snpsf regroupait deux services, postal et financier. Aujourd’hui, elle évolue vers une activité bancaire, ce qui implique des changements nécessaires. Par exemple, les clients avaient l’habitude de signer un chèque à leur propre nom pour effectuer un retrait au guichet. C’était une pratique courante à la Snpsf en tant que service financier. Mais, en dehors de la Snpsf, quelle autre banque aux Comores fonctionne ainsi ? Aucune. Parce que ce n’est pas une pratique bancaire. On ne retire pas de l’argent au guichet en s’endossant un chèque à soi-même. Désormais, avec cette nouvelle structure, l’objectif est d’amener l’ex-Snpsf à se conformer aux normes bancaires, ce qui est bénéfique pour les clients. Votre chéquier reste valable, mais pour un paiement, notamment si vous manquez d’espèces pour vos achats. Pour toute opération au guichet, vous devrez présenter votre carte d’identité et votre numéro de compte. Nous comprenons que certains clients aient du mal à s’adapter à ces changements, surtout après des années d’habitude. Toutefois, il est important de noter que dans certaines banques, l’endossement d’un chèque à soi-même peut entraîner des frais de commission parfois élevés.

La concentration des opérations à Moroni inquiète vos clients. Quand prévoyez-vous de rouvrir les autres agences ?

Comme je vous l’ai dit au début de cet entretien, la Snpsf a été scindée en deux sociétés distinctes. Son réseau, qui comptait environ trente agences, a donc été réparti entre elles. Il est évident qu’aucune des deux entités, ni la poste ni la banque, ne peut exploiter le même nombre d’agences qu’auparavant. En ce qui concerne la banque, nous avons hérité d’un réseau de treize agences issues de la Snpsf, soit douze agences plus le siège. À cela s’ajoute l’immeuble RP, actuellement en travaux de réhabilitation et de mise aux normes. Pour faire fonctionner une agence bancaire, il est impératif de respecter certaines exigences en matière de sécurité, de réglementation et de confidentialité. L’espace doit être adapté à l’accueil d’une activité bancaire, ce qui nécessite des investissements. Nous avons mis en place un système d’information bancaire de dernière génération, alors que la Snpsf n’en disposait pas. Toutefois, pour en tirer pleinement parti, nous avons besoin d’une alimentation électrique et d’une connexion internet stables. C’est pourquoi nous ne pouvons pas exploiter immédiatement l’ensemble des treize agences. Leur ouverture se fera progressivement : dès qu’une agence sera aménagée et équipée, nous l’ouvrirons avant d’entamer les travaux sur une autre, jusqu’à couvrir tout le réseau et, à terme, l’étendre. Si nous voulons être une véritable banque de proximité, nous devons être accessibles à tous les Comoriens. Nous passons d’un système financier couplé à un système postal à une véritable banque. Ce processus doit suivre des étapes précises afin d’être bénéfique à l’ensemble de la population, et non à une seule partie.

L’absence d’accès en ligne aux comptes (comme d’autres désagréments) est attribuée au «changement de logiciel». Un tel changement peut-il justifier autant de dysfonctionnements ?

Il n’y a pas de dysfonctionnement sur le compte en soi. Au contraire, nous disposons aujourd’hui d’un système d’information qui permet de traiter le compte client de manière rapide et transparente. En ce qui concerne la consultation en ligne, nous ne l’avons pas encore ouverte à tous les clients. Nous avons choisi de faire un test avec un groupe de clients sélectionnés, à qui nous donnons le lien pour la consultation en ligne. L’objectif est qu’ils nous signalent les problèmes éventuels afin que nous puissions les corriger. Ouvrir la consultation en ligne à tous les clients dès le premier jour comporte un risque : un simple problème de paramétrage pourrait laisser penser que le système est défaillant, alors qu’il ne l’est pas et qu’il y a simplement des ajustements en cours.
Il y a une phase de test et une phase de déploiement dans tout système. Aujourd’hui, le système bancaire est opérationnel. Toutes les opérations bancaires se font automatiquement via Cartago, un système paramétré pour respecter strictement la réglementation prudentielle et bancaire, ainsi que les normes bancaires internationales. Dans les semaines à venir, même le site de la Snpsf sera modifié.
Actuellement, nous sommes dans une phase de transition, passant du point A au point B, entre la Snpsf et la Bpc. Il est tout à fait normal qu’il y ait un déséquilibre à ce stade, notamment pour les paiements des salaires. Nous enregistrons un afflux important dans nos agences, ce qui est compréhensible. Auparavant, chaque fonctionnaire avait l’habitude de retirer son salaire dans sa région.
Aujourd’hui, nos agents sont soit à la banque, soit à la poste. Nous devons cependant mettre en place des normes avant de procéder aux opérations dans les différentes régions. Tous les clients doivent se rendre dans les agences fonctionnelles : deux à Ngazidja, une à Mwali et deux à Ndzuani. Progressivement, nous retrouverons un rythme normal, mais il était nécessaire de passer par cette étape.
Quelle est la situation financière actuelle de la Banque postale des Comores ?
L’ambition de l’État, en tant qu’actionnaire de la Bpc, est de faire de la banque une institution viable et respectueuse des normes. Il est essentiel qu’une relation gagnant-gagnant soit instaurée avec la population. La banque ne doit pas hériter de situations difficiles qui pourraient compromettre sa viabilité.
Le portefeuille douteux a été retiré de la banque afin que la Bpc soit désormais dans une situation saine. Ainsi, elle devient une banque propre, solide et viable, capable d’accompagner sa clientèle en offrant des crédits conformes, solvables et remboursables. C’est une nouvelle banque aux yeux de sa clientèle.

Vous auriez perdu une partie de votre clientèle ces trois dernières années. Pourquoi et comment comptez-vous la reconquérir ?

En ce qui concerne la situation de la clientèle ces trois dernières années, je ne suis pas la personne appropriée pour expliquer cette fuite de la clientèle. En revanche, la volonté de l’État dans ce projet de création de la Bpc est de démarrer un nouveau chapitre, tourné vers l’avenir et non vers le passé. Il s’agit de bâtir une nouvelle relation avec la population. C’est aujourd’hui au cœur de notre réflexion stratégique à la Bpc. Cela commence par l’éducation bancaire. Il est essentiel que la banque et sa clientèle se comprennent mutuellement, que chacun saisisse les limites de l’autre, afin de trouver un terrain d’entente où le client puisse en tirer tous les bénéfices. Tous les nouveaux produits sont conçus dans cette optique, visant à instaurer une dynamique nouvelle, une relation renouvelée où la banque et la population comorienne convergent vers un intérêt commun et national.

Certains clients rencontraient des difficultés concernant les virements internationaux. Quelle est la situation actuelle ?

Les virements Swift sont désormais effectués. La Bpc, à l’instar de nombreuses banques comoriennes, ne dispose pas de correspondants pour les dollars, mais pour les euros. Toutefois, certaines opérations non autorisées ont été suspendues. Plusieurs clients avaient l’habitude d’utiliser le système Sepa (Single Euro Payments Area) pour effectuer des virements internationaux. Ce système étant une opération entre banques et non entre un client et une banque, ces clients sont invités à prendre contact afin de modifier leur Rib. Il est à noter que l’initiation d’une opération Sepa ne peut pas être effectuée par un particulier.

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