Dans les rues animées de Moroni comme dans les quartiers populaires des autres îles de l’archipel, la question de l’hygiène alimentaire suscite une inquiétude croissante. Faute de contrôles rigoureux et de normes sanitaires appliquées, les pratiques douteuses se multiplient dans les petits restaurants, les stands de rue et les marchés, exposant les consommateurs à des risques sanitaires.Étudiants, employés et familles modestes, qui n’ont souvent pas d’autre choix que de se nourrir à l’extérieur, en font quotidiennement les frais. Najma Said, étudiante passionnée de gastronomie, se souvient d’un épisode qui l’a profondément marquée. «J’étais en train de commander une crêpe, quand j’ai vu la vendeuse s’essuyer la morve du nez avec la main, se frotter sur ses vêtements, puis continuer la préparation comme si de rien n’était. J’étais choquée», raconte-t-elle.
Une scène qui n’a rien d’isolé. Raina Taadhuma, autre étudiante, évoque un fait tout aussi troublant survenu chez une voisine qui tient un petit restaurant. «Elle avait épluché des bananes et les avait laissées tremper toute la nuit. Le lendemain, il y avait une souris morte dans la cuvette. Mais elle a continué à cuisiner comme si de rien n’était», affirme-t-elle.
Des clients stupéfaits
Dans les boulangeries, certains comportements laissent aussi les clients stupéfaits. Une cliente raconte avoir vu un boulanger manipuler du pain avec sa pelle avant d’utiliser ce même outil pour s’essuyer la sueur du front et se gratter le dos, sous les regards abasourdis.Sur les étals des marchés, notamment chez les poissonniers, les pratiques de tromperie ne sont pas rares. «Certains récupèrent le sang des poissons pour le remettre dans des bouteilles et le reverser sur les produits, afin de leur redonner une apparence de fraîcheur», confie un commerçant, tout en affirmant ne pas s’adonner lui-même à ces méthodes. Maman Daniel, une consommatrice, raconte avoir été dupée par un vendeur de poisson : « Il m’a juré qu’il venait d’être pêché. Mais en le cuisinant, j’ai vite compris que c’était une arnaque.»Même désillusion chez Kamila Abdou, mère de trois enfants, excédée par cette situation. «Les vendeurs ne pensent qu’à vendre. Ils ne prennent pas en compte qu’on nourrit des familles. Ils devraient faire preuve de plus de conscience», regrette-t-elle.
Le manque d’hygiène est parfois aussi flagrant que choquant. Une scène observée récemment à Moroni en dit long : un vendeur de brochettes transporte sur sa tête une cuvette remplie de viande. Celle-ci se renverse brutalement, tout tombe au sol. Sans hésiter, il ramasse les brochettes, les remet dans la cuvette et reprend son activité, comme si de rien n’était.
Dans un contexte où les autorités sanitaires peinent à faire respecter les règles d’hygiène de base, les consommateurs restent les premiers exposés. Et les témoignages affluent, lesquels révèlent l’ampleur d’un problème qui ne devrait pourtant plus être ignoré.