C’est avec un brin de nostalgie que l’octogénaire Attoumane Madi, ancien contremaitre chez Aubert évoque, assis sur la terrasse de sa maison de Siry, les anciennes plantations coloniales dont la culture du cacao à Mwali. Le cacao fut selon ses dires, une culture prospère.
Elle a disparu dès les premières années de l’indépendance car force est de constater que c’était une culture typiquement coloniale, a fait savoir notre interlocuteur.
Malgré son grand âge, Attoumane Madi n’a rien perdu de sa vivacité et il se souvient encore du nom des grandes propriétés familiales qui cultivaient le cacao. Il énumère : “Rivière, Lauret, Warot et Legrand et leurs plantations étaient toutes localisées à Nyombeni Zirudani, Wanani, Nyumashiwa et Miringoni.
Et notre interlocuteur de s’étonner. “Je ne peux comprendre qu’on ait tourné le dos à cette culture si peu exigeante et qui ne nécessitait pas une main-d’œuvre onéreuse comme le girofle par exemple”.
Il poursuit : il vous suffit de trouver une cabosse, d’en extraire les graines qui doivent être au préalable recouverte d’une partie blanche et juteuse et vous n’avez plus qu’à attendre que ça pousse.
L’attente durera cinq ans et vous n’aurez plus qu’à cueillir le fruit de l’arbre à chocolat qui pousse sur les branches et même le tronc.
Dans l’attente, il faut quand même penser à éloigner les rongeurs qui en sont friands. Et les fruits une fois ramassés “étaient couverts hermétiquement dans un bassin d’eau pendant près d’une semaine, le temps que la gousse de couleur rouge-brun puisse se débarrasser de sa petite capuche”, expliquera-t-il.
“Ensuite vient le séchage dans un espace très ensoleillé spécialement aménagé qui durera trois jours”.
Le fruit qui est par ailleurs sucré et même délicieux était prisé des enfants et des plus grands. Ensuite vint le voyage, court d’abord, à destination de Mutsamudu ou Moroni à bord de boutres et l’autre infiniment plus long, Paris où les plus grands maitres chocolatiers confectionnaient les petits carrés noirs ou même blancs… Ainsi s’achève l’histoire du cacao dans notre pays.
Avec la souveraineté retrouvée, les grands terrains appartenant aux colons furent nationalisés sous le régime Ali Soilihi.
Renouer avec le passé
“Certains furent vendus à des paysans comoriens qui se sont empressés de remplacer le cacao par le girofle dont ils maitrisaient le circuit de vente” a expliqué notre octogénaire.
Pourtant, de rares arbustes subsistent encore. Le cacaoyer est encore présent dans certaines anciennes plantation auxquelles plus personne ne prête attention.
La disparition du cacao a suivi quelque peu la trajectoire du poivre qui fut, il y a encore quelques dizaines d’années, une culture de première plan tout comme la vanille qui a ici aussi, un peu perdu de sa superbe dans le cœur des paysans qui désormais n’ont d’yeux que pour le girofle.
Un come-back du cacao ? “Pourquoi pas assure”, Mr Attoumane Madi qui s’appuie sur l’exemple de l’ylang, une autre produit de l’époque coloniale réintroduit avec le succès qu’on lui connait aujourd’hui.
Et il ajoutera en guise de conclusion : “tant que nous serons vivants, et que nous pouvons remuer nos membres endoloris par l’âge, nous apporterons notre savoir-faire pour la réintroduction de cette culture si peu exigeante”.