Une cinquantaine d’hommes, femmes (dont certaines enceintes) et d’enfants originaires de pays de l’ouest du continent africain, se trouvent depuis plus d’une dizaine de jours à Bangwa-kuni. Ils sont placés dans une maison en construction à l’extrémité du village, donnant une belle vue sur la mer. Ces gens font partie des lots de migrants qui empruntent régulièrement la route maritime de l’archipel comorien, avec comme destination finale envisagée l’île comorienne de Mayotte, encore sous administration française.
À notre arrivée, ce vendredi 29 mars, certains ont tenté de se cacher, comme cet homme avec un t-shirt noir qui était au téléphone, et parlant une langue africaine difficile à cerner. Une jeune femme avec ses deux enfants a toutefois accepté de se confier. Plus tard, deux autres femmes joueront le jeu, toutefois difficilement, visiblement apeurées. A leur côté, une voisine comorienne, vêtue de son boubou rouge et d’un foulard rose sur la tête, nous précise que nos interlocutrices ne donneront pas leur nationalité, «de peur d’être renvoyées dans leur pays d’origine alors que leur objectif est de joindre Mayotte».
«Ils étaient nombreux, beaucoup, je n’arriverai pas à donner un chiffre. Mais chaque jour, certains quittent la maison, même ce matin. Chacun donne une somme d’argent pour tenter de partir», nous confie la voisine, qui a aussi refusé de nous donner son nom. Selon elle, il y avait plusieurs nationalités, certains parlaient français, elle arrivait à échanger avec eux. D’autres non, comme les deux jeunes avec qui nous avons échangé.
La région des Grands Lacs
Ces dernières disent venir du Burundi, mais dans leurs bras, elles portent des bracelets avec le drapeau du Congo ainsi que leurs bébés. Elles affirment aussi ne pas savoir s’exprimer qu’en kirundi, une langue bantoue parlée au Burundi par la majorité de la population. C’est avec donc par le biais d’applications de traduction que le dialogue a pu se faire.Harks, une femme d’une trentaine d’années, a donc quitté son domicile au Burundi le 5 mars dernier, avec pour destination Mayotte. Elle a échoué sur l’île de Ngazidja avec deux bébés dont un nourrisson, trahie par son passeur originaire comorien. Actuellement, le groupe négocie avec un autre passeur qui les aidera à faire la traversée.La deuxième dit ne parler aucune de ces langues, pourtant, à notre arrivée, nous l’avons entendue prononcer une phrase en français. Selon la voisine, «c’est à cause de la peur. Elles ne veulent pas qu’on les renvoie chez elles».
Au cours de nos échanges, un Comorien est arrivé précipitamment. Vêtu d’un pantalon déchiré, les yeux rouges, barbu, il prétend être leur responsable. Le visage froissé, il nous demande ensuite de partir. «Nous sommes leurs responsables ici et ces personnes ne sont que de passage car ils partiront tous ce soir», assure l’homme. Fin donc du bavardage avec la jeune femme burundaise.Plusieurs vagues de migrants venus d’Afrique continentale ont été interceptées dans les îles ces dernières années. Leur destination finale est en générale Mayotte. Il convient aussi de noter que les Comores ne disposent pas d’un centre d’hébergement de migrants.