Il y a quelques jours encore, obtenir un acte de naissance fait avec un imprimé biométrique relevait de l’impossible. La pénurie de ces documents était encore de retour. Cette situation récurrente ralentit considérablement les démarches administratives et nourrit une grande frustration au sein de la population. Les mairies connaissent des ruptures de stock de ces papiers car ces derniers ne sont pas fabriqués dans notre pays, mais importés de l’étranger. Or pour les professionnels du secteur de l’imprimerie, le problème ne réside pas dans la capacité de production, mais dans la politique d’attribution des marchés publics.
«La première des choses, c’est de faire confiance aux imprimeries locales pour faire ce travail. Malheureusement, cela fait des années que nous nous battons pour avoir ce marché», déplore Hamidou Mhoma, directeur général de Graphica. Selon lui, cette dépendance vis-à-vis de prestataires étrangers ne fait qu’«enrichir les autres au détriment des entreprises nationales». Pour M. Mhoma, la question de la sécurisation des documents d’état civil ne justifie pas nécessairement le recours à des prestataires étrangers. «Un acte de naissance ou un certificat de décès n’a pas besoin d’une telle sécurisation. Ce qui doit être sécurisé, c’est le processus de délivrance des documents, pas le papier lui-même», explique-t-il.
L’imprimeur affirme avoir, à plusieurs reprises, proposé des maquettes et des systèmes de sécurité conformes aux exigences du ministère de l’Intérieur, notamment à l’époque des ministres Mohamed Daoudou et Ahmed Abdallah. «Nous avons la capacité de produire ces imprimés localement, avec toutes les garanties nécessaires. Mais on continue à privilégier les sociétés étrangères, comme si le pays ne voulait pas enrichir sa propre population», regrette-t-il. Selon les acteurs du secteur, cette dépendance a des répercussions directes sur le marché local. La rareté des imprimés entraîne une flambée des prix et alimente une forme de contrebande administrative.
«Aujourd’hui, certaines personnes achètent un acte de naissance ou un certificat de résidence à 5 000 ou 10 000 francs, alors que ce devrait coûter beaucoup moins cher», alerte M. Mhoma. De son côté, l’entreprise Rooshdi Média abonde dans le même sens. Un de ses responsables, qui a cependant requis l’anonymat, affirme que l’agence a déjà également soumis au gouvernement des propositions techniques et financières «à bas prix», conformes aux standards de sécurité, sans jamais recevoir de réponse. «Nous avons tout fait pour obtenir l’autorisation de produire localement ces documents, mais nos demandes sont restées lettre morte», déplore-t-il.
Sécuriser les données, pas le papier
Pour ces entrepreneurs, le véritable enjeu réside dans la sécurisation des données plutôt que dans celle du support papier. «Ce n’est pas parce qu’un document est imprimé sur un papier sécurisé que les informations qu’il contient le sont», souligne Hamidou Mhoma. «Ce que nous devons protéger, ce sont les données d’état civil, pas seulement le papier.» L’homme rappelle qu’à une époque, les actes de naissance de la préfecture de Moroni étaient produits localement sans qu’aucune fraude majeure ne soit constatée. «Nous travaillions sur un papier spécial qu’on ne trouvait pas sur le marché.
Il n’y a jamais eu de triche. Aujourd’hui, on parle de sécurité, mais on peut acheter un document officiel dans la rue. Où est la sécurité là-dedans ?» s’interroge-t-il. Les entreprises locales appellent alors l’État à revoir sa politique d’attribution des marchés publics liés à la production des imprimés officiels. Elles estiment qu’une meilleure collaboration avec les sociétés nationales permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi de créer des emplois et de renforcer la souveraineté économique du pays. «Faire confiance aux entreprises comoriennes, c’est investir dans notre propre avenir», conclut Hamidou Mhoma.
