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Infrastructures routières : Pidjani la Domba, l’oubliée de l’année des routes

Infrastructures routières : Pidjani la Domba, l’oubliée de l’année des routes

Société | -   Mohamed Youssouf

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La localité de Pidjani dans le Domba est isolée des autres villages voisins. La cause, une route nationale imprenable, impraticable, insurmontable. Une route évaporée depuis 2013 et qui a comme conséquence, la désertion des taxis et autre bus du transport en commun. Des cratères, des citernes, des piscines en somme des nids de poules géants jonchent cette route dite nationale. Impossible de trouver 20 mètres de route goudronnée sans couacs, sans “montagnes” pour les véhicules. De gros cailloux, de morceaux de murs ont remplacé le bitume. La route nationale à Pidjani est complètement méconnaissable et malheureusement, c’est la population qui continue de trinquer. Pour les chauffeurs, il faut se doter d’amortisseurs en béton et d’une patience... illimitée. Reportage

 

Il est 9h du matin, un dimanche de mars 2018. Nous prenons la route de Nyumadzaha ya Mvumbari en direction de Pidjani la Domba dans le Mbadjini. Là-bas, selon les dires, la route est impraticable et pour y aller, il faut retrousser les manches. Tout au long de notre chemin, de Nyumadzaha à Bandamadji en passant par Mohoro, nous constatons une route dans un piteux état.

Une route bitumée complètement délabrée. On nous dit pourtant que comparées à notre village de destination, les localités citées ci-dessus sont largement épargnées. Malgré les secousses à n’en plus finir, nous parvenons à rallier Bandamadji. Il est l’heure, (9h37 soit 37 minutes pour une distance de 10 à 15 minutes habituellement) de s’attaquer à Pidjani.

D’entrée, la R19 qui nous transporte, fait face aux gigantesques nids de poules. Des piscines géantes ! À un moment donné, la voiture tombe entièrement dans une sorte de cratère insurmontable. Elle s’immobilise en dépit des manœuvres forcées du chauffeur. Cette mésaventure, nous l’avons vécue juste à la sortie de Bandamadji la Domba.

A ce moment-là, notre chauffeur nous lance un “bienvenue à Pidjani” ou comment nous dire que nous sommes arrivés dans une zone isolée et inaccessible. Après quelques manœuvres mouvementés, le chauffeur parvient à nous extirper de ce guêpier. Au bout de quelques mètres, nous tombons à nouveau face à deux énormes trous sur la route’année des routes. Cette fois, il a fallu que nous mettions nos pieds à contribution et garer la voiture pour notre bien mais surtout pour le bien de celle-ci.

Une fois à Pidjani, la première impression du visiteur ne peut être autre que de l’étonnement. Etonné de constater qu’une localité toute entière est nichée sur une route nationale complètement liquéfiée. Etonné de voir que les autorités étatiques empruntent cette route régulièrement, une route pour le moins inexistante.

 

 

Ici, il n’est pas possible de voir 20 mètres de route bitumée. On trouve des nids de poules pratiquement tous les 5 mètres. Pire, en plein centre du village, sur une distance de 200 mètres, il n’est pas possible d’identifier le moindre signe de  passage de chaussée bitumée

.Des pierres et des morceaux de murs ont pris la place. Les quelques automobiles en majorité des camions qui s’y hasardent, perdent des plumes à cet endroit précis. L’une des grosses conséquences de cette perte de la route, la poussière qui envahit les maisons, les places publiques et qui provoque de nombreuses maladies à en croire la population locale.


“Vignette villageoise”

Stupéfaits de voir une personne s’intéresser à cette route, de part nos notes, nos photos et vidéos, les jeunes, regroupés autour d’un arbre de la place, ont tenu à se manifester et à crier leur désarroi. ”Je fais l’école à Moroni mais je ne rentre pas souvent comme je le voudrais. Mon village est difficilement atteignable. Hormis les véhicules de Pidjani, plus aucun chauffeur ne veut venir ici”, nous a confié Achrafi Mohamed, élève en terminale au lycée La Pléiade.

L’amertume se lisait sur son visage au même titre que son ami, Omar Husseine. Ce dernier rappelle qu’avant 2013, la route à Pidjani était impeccable. Mais ça c’était avant. Aujourd’hui, la route est fantomatique. Les taxis refusent de desservir cette localité et pour les jeunes du village, le plus dur,

 

c’est lorsque nous devons transporter nous-mêmes nos malades jusque dans les zones où les taxis daignent desservir.

 

Sur cette route de Pidjani, il n’est pas impossible de constater des morceaux de béton que les jeunes ont tenu à commenter. Selon eux, rarement tout de même, les habitants ont essayé de boucher les trous à l’aide de ciment mais “de nos jours, nous avons complètement abandonné cette stratégie. La priorité est ailleurs”.

La priorité, ce sont les routes secondaires qui entourent le village à les en croire. Ils mettent fièrement l’accent sur ces dernières. Rencontré sur cette route piégeuse, peu enclin à répondre à nos questions à la base, le notable Mohamed Ali a fini par se lâcher. Il nous a fallu prononcer une seule fois les noms du président de la République et du gouverneur de Ngazidja pour qu’il démarre au quart de tour.

 

Cette route ne nous dérange pas du tout. Si elle ne fait pas honte à ceux qui partent mendier, qui voient les touristes s’arrêter pour prendre des photos ou qui perçoivent les vignettes pour leurs propres comptes, nous on peut faire avec. C’est justement pour ça que nous avons développé nos routes secondaires. Cette route nationale appartient à Azali Assoumani et Hassani Hamadi, peste le notable qui fait émerger l’idée d’une vignette villageoise.

 

“Les rares automobilistes qui passent par ici nous demandent de boucher les nids à l’aide de sable. Pour ça et pour l’usage de nos routes secondaires, nous mettrons en place une vignette villageoise. Si ça ne leur convient pas, qu’ils aillent demander à ceux qui récoltent leur argent”, dit-il. Conséquence de la fureur qui se lit sur son visage et de la véhémence de ses propos, d’autres villageois sont venus nous encercler.

 

 

Un jeune à l’apparence nonchalante, pas encore la vingtaine lancera pour sa part que “cette route, ce sont nos enfants qui verrons sa reconstruction”. Pour lui, l’espoir n’est pas de mise. Déçue, Pidjani l’est. Déçue par Hassani Hamadi qui aurait déclaré qu’aucun projet ne peut toucher Mtsangadju, le village natal du gouverneur, sans toucher Pidjani la voisine.


Les taxis ont déserté

“Il nous a profondément trahis parce qu’il a fait en sorte que le projet de la route de Dimani s’arrête justement chez lui, aux portes de Pidjani”, lance le notable Mohamed Ali.
Outre la galère des habitants de Pidjani qui se sentent seuls au monde, les usagers des taxis qui ont du mal à rejoindre cette partie du Mbadjini, les chauffeurs de taxis et les propriétaires de voitures tirent la langue, eux qui ont peur pour leurs biens. Soudjay Ismael, chauffeur de taxi de la ligne Fumbuni-Domba a dû prendre une mesure catégorique.

 

 

Depuis trois mois, j’ai cessé de relier Fumbuni à Pidjani. Je m’arrête uniquement à Mohoro parce que je tiens à ma Vitz, dit-il et il n’est pas le seul.

 

Pidjani est devenu une zone non fréquentée par les bus et les taxis. Seul les camions à six pneus au minimum et aux voitures de type 4x4 avec des pneus tout terrain peuvent faire face à cette route calamiteuse. Le dernier mot revient à Achrafi Mohamed selon qui “nous nous sommes abstenus de voter pour avoir le courant. Peut être que nous devons recourir à ce même procédé pour avoir la route”. D’ici les prochaines élections et l’éventualité de les boycotter, l’eau aura coulé sous les ponts et les habitants auront fini par s’habituer à … la souffrance.


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