Quels étaient les principaux défis lorsque vous avez pris en charge le commissariat ?
Lorsque j’ai pris mes fonctions en septembre 2020, le département de la diaspora souffrait d’un déficit de visibilité et d’autonomie. Nos services étaient encore logés au sein du ministère des Affaires étrangères, ce qui limitait notre capacité d’action. La première tâche a été de donner une visibilité à cette institution. Nous avons mené une vaste campagne de communication, en produisant des émissions, des textes et en organisant des séances de sensibilisation auprès de la diaspora, tant en ligne qu’en présentiel.
Quelles ont été vos principales réalisations depuis lors ?
La réalisation majeure a été l’acquisition de locaux dédiés au commissariat, au nord de Moroni.
Ce nouveau siège nous permet de recevoir nos administrés et d’installer nos services de manière indépendante, marquant ainsi une véritable extension du parc immobilier du ministère des Affaires étrangères. Nous avons également élaboré et validé une stratégie de mobilisation et d’accompagnement de la diaspora, une feuille de route qui s’inscrit dans la vision du Programme Comores Émergents à l’horizon 2030.Cette stratégie s’articule autour de plusieurs axes : l’accompagnement des Comoriens de l’extérieur, la mobilisation de l’expertise et du capital humain de la diaspora, et le soutien aux initiatives économiques, qu’elles soient communautaires ou individuelles.
Quels sont les principaux axes de cette stratégie ?
Nous avons structuré notre action autour de trois pôles principaux. Le premier concerne l’accompagnement administratif et social des Comoriens de l’extérieur. Nous avons mis en place un bureau spécifique pour faciliter les démarches administratives, comme l’obtention de documents biométriques. Ce pôle intervient aussi pour encadrer et assister nos compatriotes dans leurs démarches dans les pays d’accueil, en collaboration avec les représentations consulaires.
Le deuxième pôle est celui de la mobilisation des ressources économiques et humaines de la diaspora. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Agence comorienne de coopération internationale pour recenser les compétences et les talents de la diaspora. Une étude de profilage sur la diaspora entrepreneuriale en France a déjà été réalisée, en partenariat avec l’Université de Bordeaux. Le troisième pôle est l’Observatoire de la migration, qui se concentre sur la collecte et l’analyse de données quantitatives et qualitatives sur la diaspora. Cette base de données est essentielle pour orienter nos politiques et nos interventions.
Vous mentionnez des partenariats, pourriez-vous en dire plus ?
Le développement de partenariats a été crucial pour notre travail. Nous avons intégré cette année la Coordination régionale des politiques migratoires (Crpm), un dispositif africain qui réunit six pays pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de gestion des diasporas. Ce partenariat nous permet d’apprendre des autres, mais aussi de partager notre propre expérience, car la diaspora comorienne, avec son modèle villageois unique, a beaucoup à apporter. Nous avons également établi un partenariat avec l’association Uwoni : vision, qui regroupe des experts et des enseignants-chercheurs de la diaspora. C’est une richesse sur laquelle il nous faut puiser.
Pourquoi l’actuel forum de l’inclusion financière est-il pour vous important ?
La diaspora joue un rôle clé dans le développement économique du pays, notamment à travers les transferts de fonds, qui sont parmi les plus importants en Afrique. C’est dans ce contexte que nous avons organisé le Forum de l’inclusion financière, en partenariat avec la Banque centrale et d’autres institutions. L’objectif est d’encourager les Comoriens de l’extérieur à sécuriser les fonds qu’ils envoient aux Comores, notamment en ouvrant des comptes bancaires à la fois en France et aux Comores. Cela permet non seulement de sécuriser les transferts, mais aussi de renforcer l’économie nationale.
Quels sont les principaux défis auxquels les expatriés comoriens sont confrontés lorsqu’ils souhaitent investir ici ?
Les défis sont nombreux. Les démarches administratives peuvent être un véritable casse-tête, avec des formalités souvent complexes et un paysage réglementaire qui n’est pas toujours favorable à l’investissement. Les problèmes énergétiques représentent également un obstacle majeur pour les entrepreneurs qui souhaitent s’installer aux Comores.
Quelles solutions avez-vous mises en place pour surmonter ces défis ?
Nous travaillons à la mise en place d’un guichet unique en partenariat avec l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anpi). Ce guichet facilitera l’ouverture d’entreprises en simplifiant et en accélérant les démarches administratives. Nous avons également développé des incubateurs pour accompagner techniquement les porteurs de projets et réduire les délais de traitement des dossiers. Enfin, nous avons mobilisé des fonds pour accompagner l’investissement productif de la diaspora notamment à travers nos partenaires historiques. Jusqu’à présent, neuf millions d’euros ont été alloués pour soutenir des projets issus de la diaspora, qui ont déjà permis la création d’emplois locaux.
Quels enseignements tirez-vous des Diaspora Days ?
Les Diaspora Days, dont nous venons de célébrer la troisième édition, montrent un intérêt croissant de la diaspora pour leur pays d’origine, non seulement sur le plan économique, mais aussi culturel et touristique.Ces événements sont l’occasion d’établir un dialogue direct avec les membres de la diaspora, de recueillir leurs doléances, et de renforcer le lien entre eux et l’État. Ils témoignent aussi de leur volonté de contribuer au développement des Comores, malgré les défis. Je suis convaincu que la diaspora a un rôle fondamental à jouer dans l’avenir des Comores.
Nous devons continuer à renforcer nos liens, à écouter leurs besoins, et à créer des conditions favorables pour leur permettre de contribuer pleinement au développement du pays. Il est essentiel que la diaspora s’approprie le commissariat qui leur est dédié et qu’elle reste un acteur clé de notre stratégie de développement.