Al-watwan : Beaucoup de nos concitoyens entendent parler du fameux programme “Facilité emplois” mais n’y comprennent pas forcément grand-chose. En quoi consiste-t-il?
Issiaka Nadjib : L’objectif de ce projet est d’appuyer la création et la consolidation des activités professionnelles des populations rurales vulnérables, à travers les organisations de la société civile. Le premier objectif est d’améliorer les revenus de ces populations en réduisant la dépendance alimentaire.
Le projet appuiera des initiatives de création d’emplois dans l’agriculture, la pêche et l’élevage. Ensuite, il développera des activités professionnelles durables, en structurant les offres de service du milieu rural. Je rappelle que ce projet est financé par la France à travers l’Afd [Agence française de développement] au bénéfice du gouvernement comorien. Ce dernier a confié son exécution au ministère de l’Emploi, par le biais de la Maison de l’Emploi (Mde). Cette dernière travaillera à son tour avec des organisations de la société civile porteuses de projets de création d’emplois. Le concept de “facilité” se justifie donc par cette subvention qui sera accordée aux Ong [Organisations non gouvernementales] pour financer leurs projets.
Al-watwan : Où en sommes-nous actuellement ?
Issiaka Nadjib : Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé, et ici à Ndzuani 4 Ong ont été sélectionnées, contre 2 à Ngazidja. Chaque Ong intervient dans un secteur précis, et dans une zone bien déterminée. Les Ong sélectionnées ici sont Cap [Collaboration, action, pérennisation], Amvt [Association pour une meilleure vie à tous], Mlezi et Maeecha [Mouvement associatif pour l’éducation et l’égalité des chances]. L’appel à manifestation est passé, l’on a fait l’évaluation, et donc dans les jours qui viennent l’on attend les financements de la première phase du projet.
L’appel à manifestation pour la deuxième phase suivra ensuite sans tarder. Dans cette deuxième phase, les associations qui n’avaient pas été sélectionnées dans la première pourront soumissionner. Et ce n’est pas encore officiel, mais le gouvernement négocie avec le bailleur pour que les individus également puissent soumissionner, un terme qui ne figure pas dans la convention initiale.
Al-watwan : Combien de personnes pourront bénéficier de ce programme?
Issiaka Nadjib : Nous avons entendu (les autorités) dire qu’il peut générer entre 1500 et 2000 emplois. Beaucoup de gens n’y croient pas, mais voyons les choses un peu plus concrètement : ici à Anjouan, rien que dans le secteur pêche, plusieurs associations qui ont présenté des projets, notamment des associations de femmes de Marahare et Sadampwani, comptent plusieurs dizaines d’adhérents. Pris globalement, leurs projets pourront facilement créer 150 emplois. Et là nous ne sommes que dans la première phase du programme, à laquelle seront affectés seulement 30% des fonds disponibles.
Al-watwan : Pourquoi justement avoir choisi de scinder le programme en deux phases, au lieu de le lancer pour toutes les associations porteuses de projets en même temps?
Chez nous en Afrique, nous avons une mentalité particulière. Nous manquons souvent de crédibilité... Quand on accorde ce genre de financement à certaines personnes, elles pensent peut-être qu’elles peuvent s’en servir à leur guise. Ces phases ont été jugées nécessaires pour un meilleur suivi du programme. Ce ne sont pas des crédits remboursables ceux des banques. Quand une association sera choisie pour en bénéficier, nous organiserons une rencontre avec le préfet et le maire de la localité pour les impliquer dans ce suivi, histoire d’éviter les éventuels détournements.
Al-watwan : Quel est le montant maximum qui peut être accordé à un seul projet ?
Dans cette première phase, les Ong reçoivent un financement plafond de 75 millions de francs chacune. C’est donc à elle de voir quoi en faire. Autrement dit, il n’y pas de limite.
Al-watwan : Et comment s’assurer qu’il n’y aura pas de détournement d’objectif ou de détournement tout court, du moment que ses bénéficiaires ne sont pas tenus de le rembourser ?
Issiaka Nadjib : Cet argent ne sera pas versé en une seule tranche, mais plusieurs. Et pendant les six premiers mois, les salaires des employés du projet financé seront à la charge du programme. Et nous serons là pour un suivi au pas à pas.
Al-watwan : À votre avis, comment la population d’une part, et les pouvoirs publics d’autre part, peuvent aider au succès de ce programme?
Issiaka Nadjib : La jeunesse comorienne doit se montrer crédible quand elle reçoit ce genre d’aide, l’utiliser à bon escient. Elle doit également se montrer reconnaissante envers le président de la République et son gouvernement, qui leur ont cherché ces financements. Je dis aux maires, aux chefs des villages et aux préfets de continuer de sensibiliser les jeunes dans ce sens.
Al-watwan : Il y a enfin ceux qui continuent de penser que le népotisme et le clientélisme séviront de nouveau dans ce programme, ce qui constitue pour eux un motif de renoncement à postuler. Que leur dites-vous pour les rassurer ?
Issiaka Nadjib : On dit qu’il n’y a jamais de pluie sans nuages. On nous a dit qu’un jeune égal à un emploi, et cela on le voit : dans l’administration, ce sont maintenant des jeunes qui sont là. Et il n’y a pas que le programme Facilité emplois, il y a les projets Scai [Service civique d’aide à l’insertion], Msomo na hazi, et d’autres. Comprenons seulement que dans ces projets, il y a des étapes à suivre, et si on s’y conforme, il n’y a aucune raison que l’on ne soit pas sélectionné.
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