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Jeunesse tournante

Jeunesse tournante

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

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“Faisons en sorte, que nos enfants, vos enfants, les enfants de la République n’aient pas à choisir entre avoir une conscience et un job. Avoir une idéologie et une carrière. Que la République récompense les plus méritants quelles que soient leurs affinités politiques, parce que c’est la République qui en sortira , en premier vainqueur”.

 

Nous avons tendance à parler de la transhumance politique et de son lot de retournements de vestes. Le constat est amer, l’écrire ou en parler n’y changera pas sans doute grand-chose. Ce fut comme cela hier, et ce sera sans doute le cas aussi demain. Si bien que parler d’alternance dans ces conditions serait quelque peu exagéré mais là n’est pas le sujet.

Parce qu’il y a cette jeunesse, qui tourne, tourne, bien malgré elle. Tous les 5 ans, elle est obligée de montrer patte blanche, par patte blanche, comprenez allégeance au nouveau pouvoir en place. Les jeunes qui auront eu le malheur de parier sur le mauvais cheval, peuvent être virés.

La cause, en elle-même est affligeante : le motif du licenciement est bête mais bête à pleurer : “wola kadja ka ndasi”. Traduction, il ne nous a pas soutenus. Il n’a pas fait campagne pour nous. Il n’a pas été “du bon côté”.

Ce jeune peut avoir tous les diplômes du monde, une bonne expérience et tout ce qu’il faut, parce qu’il n’aura pas parié sur le bon cheval, il se verra remercier.
Se faire virer, pour peut-être, laisser la place, à ceux qui auront parié, eux sur le bon cheval. Les régimes se succèdent et se ressemblent. Le sursaut attendu ne vient pas.


“Les régimes se succèdent et se ressemblent”

Les jeunes pour ne pas se faire licencier, sont obligés de littéralement s’accrocher à la veste de celui qui a un bout de pouvoir durant cinq ans, ils sont obligés de se répandre en politesse et autres affabilité pour espérer garder leur gagne-pain. Et ce faisant, perdent leur dignité.

Tenez, il n’y a pas une semaine, dans une grand-messe politique, certains directeurs de sociétés d’Etat ont obligé leurs employés à s’y rendre. Et ces jeunes, l’ont fait. Ne pas y aller, c’est s’exposer à des représailles qui peuvent impacter durablement leurs carrières. Pourtant, cette réunion n’avait rien à voir avec ce pourquoi, ils ont été recrutés. En tout cas, n’aurait dû rien à voir.

A nos jeunes, on leur dit, n’ayez aucune conviction, n’ayez aucune idéologie, ne réfléchissez pas, suivez le pouvoir. Ne le critiquez surtout pas, vous pourriez y perdre bien plus que des plumes. Ne vous accrochez à aucune idéologie, ceci ne vous servira à rien.


Zéro conviction, zéro idéologie

Ne pensez pas, ou alors quand vous le faites, c’est pour parier sur le bon cheval. Tout le temps, tous les 5 ans.
Et d’ailleurs, lors du précédent régime, ce sont les partis politiques qui naissaient presque tous les jours. Leur leitmotiv ? Rejoindre la mouvance présidentielle. Aujourd’hui, les temps ont changé, ou peut-être que la loi sur les partis est passée par là.

Toujours est-il que ce sont des associations de jeunes, qui naissent toutes les semaines. A quelques exceptions près (en vérité, j’ignore s’il y a une ou des exceptions), elles ont toutes prêté allégeance au camp présidentiel. Ces jeunes-là se trouvaient pour certains d’entre eux, dans celui d’en face, celui des vaincus.

Ils se retrouvent (pas tous) à verser dans le “griotisme”, et autre propagande pour pouvoir garder leurs places, espérer évoluer dans leurs carrières, remporter deux ou trois marchés. Certains des jeunes dans ces mouvements, le font sans doute par conviction. D’autres non. Ou alors leurs convictions durent le temps d’un régime. Date d’expiration : fin du règne.
Et puis, il y a les autres, qui croupissent dans “les couloirs”, toujours pour les mêmes raisons.


Payés à ne rien faire

Payés à ne rien faire parce qu’ils auront parié sur le mauvais cheval. Ils se contenteront d’aller “pointer”, sont tout sauf productifs  ( parce qu’on ne les laisse pas travailler) et sont par voie de fait,  ostracisés. Talentueux ou non, le directeur ou le ministre n’en aura cure. Mais, cela (aussi) est un autre sujet.

 

Alors que nous nous acheminons vers des Assises Nationales, vantées comme l’ultime solution à la mauvaise gouvernance qui mine la République, il faudrait aussi penser à la jeunesse. A son épanouissement. Il est grand temps de laisser les jeunes avoir leurs propres croyances, sans que celles-ci n’interfèrent  dans l’évolution de leurs carrières.

Faisons en sorte, que nos enfants, vos enfants, les enfants de la République n’aient pas à choisir entre avoir une conscience et un job. Avoir une idéologie et une carrière. Que la République récompense les plus méritants quelles que soient leurs affinités politiques, parce que c’est la République qui en sortira, en premier,  vainqueur.


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