À 6 heures du matin, une nouvelle équipe prend le relais au sein de la tour de contrôle de l’Aéroport Moroni Prince Said Ibrahim(Aimpsi). Ibrahim Mohamed, le président de l’Association professionnelle des contrôleurs de la navigation aérienne des Comores (Apcna), explique le fonctionnement. «Le travail est organisé en trois rotations : de 6h à 13h, de 13h à 21h, et de 21h à 6h. Il arrive que nous restions toute une nuit sans trafic, mais la permanence est obligatoire pour surveiller et gérer les imprévus », explique-t-il.
La création d’une académie nationale de l’aviation
Depuis la tour, les contrôleurs gèrent les opérations de décollages, d’atterrissages et de manœuvres des avions au sol. Un rôle indispensable qui repose sur des compétences solides. «Pour devenir contrôleur aérien, il faut exceller en maths, en physique et en anglais. Une bonne condition physique est également essentielle.
Il faut en effet être bien portant», ajoute Ibrahim Mohamed. Mais tout ne se limite pas à cela. Selon Fahad Ibrahim, contrôleur aérien également, «la pression est constante». «Nous sommes responsables de la sécurité des avions dans l’espace aérien. Le stress peut être intense, surtout dans les situations d’urgence. Nous devons avoir un anglais impeccable, maîtriser chaque mot et être sûr de ce qu’on dit. L’anglais est la langue officielle de l’aviation », indique-t-il.
Les conditions météorologiques et les pannes techniques sont également des sources de tension. «En cas de problème, nous suivons des fiches réflexes précises et coordonnons avec les pompiers, les médecins et la hiérarchie», précise Fahad Ibrahim. Pour sa part, Ibrahim Mohamed tient à préciser que sensibiliser le public aux métiers de l’aviation est une priorité. «Nous avons créé l’Apcna pour vulgariser le métier de contrôleur aérien et encourager les jeunes à s’y intéresser. Trop peu connaissent cette profession», confesse-t-il.
L’association milite également pour la création d’une académie nationale de l’aviation. «Aujourd’hui, les candidats doivent passer un concours pour intégrer l’École africaine de la météorologie et de l’aviation civile (Eamac) à Niamey, au Niger. Une formation locale, ne serait pas de trop et permettrait de créer des vocations et de garantir un vivier de talents », concède-t-il avant de poursuivre qu’avec seulement vingt contrôleurs pour couvrir les besoins de l’aéroport, les effectifs sont justes, notamment en période de pointe.
40% de femmes
«Nous faisons de notre mieux pour maintenir un service H24, mais l’augmentation du trafic aérien nécessite de renforcer les équipes », reconnaît Ibrahim Mohamed.
Malgré les contraintes, l’aéroport de Hahaya respecte «les standards internationaux» en matière de navigation aérienne. «Nos équipements, comme le radar ou l’ADSB, sont à la pointe. La navigation aérienne est un domaine où la certification est indispensable, et nous sommes conformes », rassure le président de l’Apecna.
Sur la vingtaine d’agents, il y a 40% de femmes dont «la meilleure d’entre nous qui est la cheffe de la circulation aérienne», déclare Ibrahim Mohamed. Lors de notre visite, c’est une autre femme, Nazmat Abdou, contrôleur aérien, qui était en poste avec un autre collègue.
«Un métier exigeant, mais passionnant»
Certains défis dépassent néanmoins le champ d’action des contrôleurs. Interrogé sur l’état de la piste, souvent décrié, Ibrahim Mohamed tempère : «ce n’est pas de notre ressort, ce sont les Adc qui sont compétents pour répondre à cette question, ce que je sais c’est que les avions atterrissent et décollent sans incident », a-t-il fait savoir. Les situations d’urgence «sont rares», mais elles exigent une préparation constante. «Après le passage du cyclone Kenneth, des problèmes de fréquence ont compliqué les communications. Aujourd’hui, tout est résolu, mais cela montre l’importance d’être réactif », se souvient Ibrahim Mohamed.
Pour ces professionnels, les avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle, pourraient transformer leur métier. «Ces outils pourraient réduire les tâches répétitives et permettre aux contrôleurs de se concentrer sur des missions stratégiques », estime le président de l’Apcna. Malgré tout, l’humain reste au cœur du métier. «Nous devons rester vigilants et capables de prendre des décisions rapides. C’est un métier exigeant, mais passionnant », souligne Nazmat Abdou.Pour les jeunes intéressés, Ibrahim Mohamed livre son conseil : «il faut aimer les défis, maîtriser l’anglais et avoir une hygiène de vie impeccable. Avec de la rigueur, c’est un métier épanouissant qui offre une belle contribution à la sécurité aérienne».