À l’instar des autres pays du monde, la presse nationale a célébré, le vendredi 3 mai, la journée internationale de la liberté de la presse sous le thème : «Le rôle des médias dans les élections et la démocratie». Comme de tradition, une marche pacifique a débuté à la place Karthala jusqu’à la place de l’Indépendance en présence tête des responsables des médias nationaux (publics et privés) et des hommes et femmes de la presse. Arrivée à la place de l’Indépendance, deux déclarations ont été faites à l’occasion pour dresser le bilan de la liberté de la presse dans le pays.
En langue nationale, l’ancien directeur général du quotidien public Al-watwan, Ahmed Ali Amir, a dressé le bilan de la liberté de la presse. Avant de commencer sa déclaration, il a lancé un appel solennel, au nom des journalistes, pour la libération des deux collègues, à savoir, Abdallah Abdou Hassani et Oubeidillah Mchangama, qui se trouvent dans une détention prolongée à la Maison d’arrêt de Moroni, depuis à peine trois mois, sans aucune explication sur les raisons de leur détention prolongée. Ahmed Ali Amir a rappelé que certes des journalistes peuvent commettre des erreurs professionnelles et des dérapages dans l’exercice de leur profession, mais il y a les canaux légaux pour déterminer ces erreurs, faisant allusion au Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa).
Un déficit criant de formation
«Depuis 20 ans, nous nous sommes combattus pour une presse libre et indépendante dans notre pays, ce qui explique la preuve d’une démocratie vivante. C’est à travers ce combat que nous sommes parvenus à mettre en place le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), instance suprême habilité à déterminer les fautes professionnelles commises par les journalistes et les médias. Et c’est à lui seul de décider de retirer le droit d’exercer périodiquement ou définitivement à un journaliste. C’est lui également qui peut décider la fermeture provisoire ou définitive d’un média public ou privé», a longuement expliqué Ahmed Ali Amir avant de revenir sur le classement 2019 du reporter sans frontières, à travers lequel les Comores se sont vu perdre 7 points, passés de la 49ème place à la 56ème.
Même si l’Union des Comores garde certes sa place de bon élève dans la région de l’Océan indien en matière de liberté de la presse, il est passé de la 9ème à la 15ème place en Afrique. «Cette chute libre de notre pays, sabote un combat de longue haleine pour lequel nous nous sommes battus. Nous avons les possibilités d’arriver là où se trouvent aujourd’hui la Suède et la Belgique, deux pays qui font figures de bons élèves en matière de liberté de la presse», a déclaré le correspondant de l’agence Reuters aux Comores.
Pour sa part, la journaliste de l’office de radio et télévision des Comores (Ortc), Binti Mhadju, est revenu d’une part sur les atteintes à la liberté d’informer et, d’autre part, sur le nécessaire accompagnement des pouvoirs publics pour aider à une professionnalisation efficiente du métier de journaliste. Elle a rappelé que ces derniers temps, «le pays vit un climat de psychose marqué par la peur permanente des journalistes». Mais aussi «une multiplication d’actes d’intimidations, la confiscation délibérée des journaux et une autocensure dans les médias publics et privés».
Les manipulations et les dérapages
La journaliste de l’Ortc ajoute : «une telle situation compromet la liberté d’informer, met au pas la diversité des opinions, anesthésie la pensée critique et cause un préjudice énorme au débat démocratique et à l’éveil citoyen», soutient-elle dans sa déclaration en français. Binti Mhadjou a précisé que
la profession de journaliste est très exigeante, elle nécessite une éthique personnelle et professionnelle».
L’ancienne présentatrice de la Télévision nationale montrera que «le journaliste doit refuser la manipulation, ne pas subir les influences diverses et ne pas céder à l’attrait de la corruption», mais il doit toujours «incarner l’indépendance d’esprit, la rigueur et la responsabilité dans sa manière d’informer».
Ceci étant, au nom des journalistes, Binti Mhadjou a fait part du «déficit criant de formation» et les violations répétées des règles élémentaires du métier conduisant souvent à «des dérapages» dont le silence nourrit des controverses qui jaillissent négativement sur la profession. «C’est dire que la vigilance s’impose pour assainir, clarifier et sanctuariser le métier des journalistes aux Comores», précise-t-elle.
Conscientes de leurs responsabilités, et à l’occasion de cette Journée internationale de la liberté de la Presse, les organisations et associations des journalistes comoriens demandent «l’amélioration d’un cadre facilitant l’exercice effectif du métier de journaliste, la libération de leurs deux collègues en détention prolongée, l’arrêt de toute forme d’intimidation et des éventuelles arrestations arbitraires». Les organisations et associations des journalistes comoriens sollicitent «la mise en place d’une politique de formation à l’éducation des médias, la poursuite des réformes sur la professionnalisation du métier de journaliste, le soutien affirmé de l’Etat dans la survie des entreprises de presse et le renforcement du rôle et des missions du Cnpa, le régulateur des médias».