Dans le cadre des activités marquant la célébration de la Journée mondiale des droits de l’homme, plusieurs organisations de la société civile, dont la Fondation comorienne des droits de l’homme (Fcdh), l’Ong Cap, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (Cndhl), les Femmes leaders de la paix, le Croissant-Rouge comorien ainsi que le ministère de la Justice ont pris part, hier jeudi 11 décembre, à une grande opération de nettoyage au sein des établissements pénitentiaires du pays. Dès l’entrée de la prison, les bénévoles ont été soumis à un contrôle strict : vérification d’identité et confiscation des téléphones. Équipés de gants, blouses, masques et pulvérisateurs, ils se sont mobilisés pour désinfecter les espaces, tandis que d’autres transportaient de lourds sacs de déchets.
Conditions alarmantes
À l’intérieur des cellules, la précarité des conditions de vie saute aux yeux : espaces extrêmement étroits, chaleur suffocante, odeurs nauséabondes et manque d’hygiène généralisé. Dans l’aile dite Epp, un détenu témoigne : «Les ventilateurs fonctionnent, mais ils ne peuvent pas aérer tout le bâtiment. À 18 heures, nous sommes enfermés jusqu’au petit matin. Tu t’imagines ?»Dans la cour, des détenus de tous âges se côtoient, des mineurs aux personnes âgées. Une autre zone, que les prisonniers surnomment « Le Moroni », présente des difficultés similaires. Certains détenus tentent d’améliorer eux-mêmes leurs cellules grâce à la solidarité interne : achat de ventilateurs, réparation de certaines installations, partage collectif des repas... «Quand quelqu’un reçoit de la nourriture, c’est pour tout le monde. On est une famille», explique un prisonnier.Selon l’administration, 276 détenus sont actuellement enregistrés, mais la surpopulation rend les conditions de vie extrêmement difficiles. Une ancienne aile réservée aux femmes sert désormais d’espace d’accueil pour les nouveaux arrivants, qui dorment à même le sol, sans lit ni équipement.Présent durant toute la visite, le ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Anfani Hamada Bacar, a reconnu l’ampleur des difficultés constatées. «Notre venue s’inscrit dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale des droits de l’homme, prévue officiellement le 12 décembre», a-t-il déclaré.
Le ministre a rappelé que plusieurs actions sont déjà engagées : étude des dossiers des détenus entre juin et octobre, mesures de grâce pour certaines infractions mineures, révision des détentions provisoires. «L’objectif est de réduire la densité carcérale. Nous faisons tout notre possible pour améliorer la capacité d’accueil», a-t-il ajouté. Il a également annoncé l’attribution d’un terrain de 11 hectares à Itsundzu, destiné à accueillir une nouvelle prison moderne avec ateliers de menuiserie, petites activités agricoles, ainsi que des psychologues et enseignants pour favoriser la réinsertion.
Une nouvelle prison dédiée aux femmes et aux mineurs est également en cours d’aménagement. «Les femmes ont déjà intégré les locaux, mais nous attendons la construction d’un mur séparateur avant d’y affecter les mineurs», a précisé le ministre. Le directeur général des administrations pénitentiaires, Soilih Ali Saïd, a confirmé ces avancées tout en soulignant les obstacles restants. «Le mur qui doit séparer les mineurs des femmes n’est pas encore construit. Nous ne transférerons personne tant que les rénovations ne seront pas achevées», a-t-il assuré. Il a également annoncé la construction de cuisines où des cuisiniers prépareront les repas, ce qui permettra d’améliorer les conditions alimentaires.Cette opération simultanément menée à la prison de Koki à Ndzuani et à celle de Badjo à Mwali s’inscrit dans la volonté des autorités et de la société civile d’alerter sur la situation critique des établissements pénitentiaires. «Un geste symbolique, mais essentiel, pour rappeler que même incarcérés, les détenus restent des êtres humains dotés d’un droit fondamental qui est celui de vivre dans la dignité», a soutenu Soilih Ali Saïd.

