Nous sommes à moins de deux jours de la fin du mois sacré de Ramadhwani. Cette période est aussi le moment pour les Comoriens de faire les courses pour l’Aïd-el-fitr et c’est à Moroni où l’ambiance reste bien particulière. Evidemment ! Cet afflux dans la capitale n’est pas sans conséquence sur la circulation puisque plusieurs routes de la capitale ne sont plus ouvertes aux véhicules. C’est le cas de la route menant vers le marché Volo-volo. Depuis le rond-point situé près de Salimamoud à celui de Philips, l’accès est strictement interdit. Il faut dire que sur cette allée, plusieurs centaines de personnes se croisent à longueur de journée. Ces personnes font du shopping tantôt sous le soleil tantôt sous la pluie et les vendeurs aussi vivent au rythme de ces changements météorologiques. Les bâches et autres toiles cirées font office de couverture en cas de pluie.
Mais il n’y a pas que la météo qui menace la quiétude des vendeurs. «Chaque jour, la police arrête des voleurs qui sévissent dans la zone», affirme Ali, jeune vendeur de jeans pour enfants. Effectivement, les forces de l’ordre ne sont pas loin et veillent au grain pour le bonheur des acheteurs et des vendeurs mais pas qu’eux. A notre passage, nous croiserons un groupe de policiers transportant une adolescente qui, selon les témoins, aurait été victime d’un malaise. Elle sera transférée à l’hôpital El-Maarouf. Une femme, qui semblait être sa mère les larmes aux yeux suivait de loin les policiers transportant sa fille. Elle n’a pas pu suivre le rythme élevé imposé par les hommes en treillis.
Pour revenir à ces voleurs «qui ne craignent pas Dieu même en période de Ramadhwani», Ali tiendra à préciser qu’il y a aussi des «femmes parmi eux». Une précision de taille tant cela semble surprendre le jeune homme. Mais Volo-volo n’est pas seulement peuplé de «voleurs». Il y a en effet ceux et celles qui sont venus faire leurs courses en toute bonne foi. C’est le cas de Hafoussoi Oumouri, femme au foyer, qui est venue accompagnée de trois enfants en attendant son «mari qui s’est rendu à la Snpsf pour récupérer son salaire». Il y serait allé «tôt le matin» mais à 11h passées, il n’était toujours pas de retour. Hafoussoi explique avoir anticipé le coup et être muni d’un budget de «45.000 francs, mais je sais qu’avec trois enfants cela est dérisoire». De ses trois enfants, la fille âgée de dix ans est le premier de ses soucis. «Eux, ils pourront comprendre ou à défaut attendre leur père mais Chaima est la benjamine, il faut donc s’en occuper en premier et la gâter». Vous l’aurez compris ici le genre a encore de beaux jours devant lui.
Autre famille, autres problèmes. Youssouf Ahamada, père d’un enfant de cinq ans est revenu accompagné de son fils pour «échanger un pantalon que je lui ai acheté la veille et qui n’est pas à sa taille». Le souci c’est que «je l’ai acheté auprès d’un vendeur ambulant et je ne le retrouve plus. Hier, je l’ai croisé près de Nassib et je croyais qu’il y avait élu domicile ici où il avait installé ses marchandises mais je ne le retrouve pas». Le jeune papa se résoudra à acheter un autre en espérant que «je puisse revendre celui qui est plus petit afin de lui acheter autre chose».
Puis il y a non loin de là, près de l’entrée de la Sonelec, un groupe de trois jeunes garçons qui, lui, veut acheter «moins chers tout en restant stylés». Et de leur propre aveu «le défi est de taille». Il faut dire que les produits sont «chers» de l’avis de beaucoup. Chacun des trois garçons a en tête ce qu’il veut. Entre «jeans slim et ce genre de choses» et l’envie d’être «swag», Ahmed, Nassim et Omar sont déterminés à satisfaire leurs désirs. «Nous sommes venus ensemble pour voir si acheter au même endroit peut avoir un impact sur le prix», confesse Omar.
Du côté des vendeurs, on pointe du doigt le comportement de certaines personnes «qui veulent à tout prix acheter pour rien, quitte à ce que nous vendions à perte», martèle Mohamed qui vend des vêtements et chaussures pour petites filles. De l’autre côté, «il y a ceux qui viennent déplier nos vêtements et repartent sans rien acheter».
Seulement, nos deux interlocuteurs reconnaissent aussi que leurs produits s’écoulent plutôt bien.
Pour Mohamed, c’est surtout durant la nuit que s’écoulent très bien. Lors de notre passage à Volo Volo, nous retiendrons aussi que la foule accumulée au jeûne n’est pas sans impact sur les gens. «On est bousculé de partout et la fatigue dû au jeûne n’arrange pas les choses», affirme maman Saïd pour qui «il n’y a pas de respect chez certains jeunes. La police devrait trouver une solution pour les personnes âgées qui viennent ici». En attendant une éventuelle «solution», Volo-volo vivra au même rythme ce matin et ça sera pareil jusqu’à l’Aïd-el-fitr mercredi ou jeudi.
Texte : Abdallah Mzembaba
Photo : Chaarane Mohamed