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La femme que n’aiment pas les hommes

La femme que n’aiment pas les hommes

Société | -   Contributeur

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Regardez-la parader. Avec son petit air satisfait, sa dégaine. Regardez-la arpenter les rues, la tête haute, sans-gêne ! Mais pour qui se prend-elle? Où est son mari, son oncle ? N’a-t-elle donc pas un “propriétaire” ? Un homme pour lui apprendre les bonnes manières ? Un frère ou même un fils fera l’affaire. N’importe qui pourvu qu’on la fasse taire. Même si elle ne dit rien, faites-la taire. Car même sans dire un mot, toute son attitude envoie un message libertaire.

 

Ah on ne l’aime pas celle-là, elle nous dérange. Ses manières assurées, son air de ne pas y toucher. La façon qu’elle a de s’asseoir aux côtés des hommes sans faire mine de vouloir s’excuser. Au premier rang en plus, prétend-elle ne pas savoir ? Les règles implicites qui te disent en tant que femme, où vous avez le droit de vous asseoir ? Notre société promeut un archétype de la femme aimable et bien comme il faut, gare à celles qui s’en affranchissent.

L’Aimable connaît sa place et souhaite y rester, elle veut mari (elle doit se préserver pour lui), enfants (ils sont parfaits et jamais source d’ennuis) et leur faire à manger. Avoir une carrière oui mais pas au point de faire l’ombre à ce schéma familial parfait. L’Aimable, par son abnégation, fait tourner rond toute la société. Elle transmettra les valeurs sexistes qu’on lui a inculqué, une éducation genrée classique avec des “mwanamshendewupiho”, “mwanamshe doit savoir tenir une maison”, mwanamshene sort pas alors que mwanamume gambade dehors, mwanamume rentre tard et mwanamume n’aide pas aux tâches ménagères…

Et puis il y a l’Autre. “Elle se croit”. “Elle se voit”. Cette femme que les hommes n’aiment pas, est souvent perçue comme trop sûre d’elle. Elle est “hautaine” l’Autre-là, pour qui se prend-elle? Si elle est assise à vos côtés en train de palabrer au lieu d’être avec les autres femmes à la cuisine alors qu’il est l’heure de préparer à manger, c’est qu’elle pense être supérieure aux communs des mortelles.

En ce début de Ramadhwani, observez comment la plupart d’entre nous désertons les lieux publics à partir de la prière de l’Asr rejoindre notre juste place, celle que personne jamais ne nous dispute : la maison. Même les femmes qui ne cuisinent pas ne s’aventurent pas dehors quelques heures avant le Maghrib. Car bien que beaucoup de femmes n’ont guère le temps, l’envie ou la capacité de cuisiner tous les jours, la plupart ont à cœur de préserver les apparences.

L’Autre ne gêne pas tant parce qu’elle est différente, elle gêne surtout car elle refuse de faire semblant comme tout le monde. Nous jugeons négativement toute femme qui emprunte un chemin hors de la vie de couple et de couches et qui le revendique. Plus elle est compétente, plus elle est prospère, plus elle est belle, plus elle est libre, moins les hommes l’aiment, plus ils en ont peur, plus ils la dénigrent. Quand elle parle, on dira qu’elle crie. Elle demandera, on dira qu’elle exige. On ne la voit pas telle qu’elle est, on projette sur elle nos craintes, nos préjugés. Arrogante, insolente, mal-élevée, etc. Il paraît même qu’elle mange des hommes au petit déjeuner ! On attendra qu’elle chute pour se moquer d’elle, car enfin, vraiment, pour qui se prend-elle ? On aura de cesse de l’épier, de commenter ses faits et moindre gestes, l’Autre n’a pas de répit, pour elle pas de trêve. Vivre sa vie selon ses propres termes est une lutte qui ne dit pas son nom car loin de l’attaquer frontalement, l’Autre est discréditée discrètement. Quand on en repère une qui refuse de jouer selon les règles du jeu, on lui fait payer en toute subtilité. On l’ostracise, on l’isole. Elle est solitaire l’Autre, guère par envie mais parce qu’avec la liberté, c’est cette vie qu’elle choisit.

Biheri

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