L’ordonnance de renvoi de soixante-quatorze pages énumère les faits reprochés à l’ancien président de la République (2006-2011). Il lui a été notamment reproché d’avoir «abusé de ses prérogatives présidentielles pour permettre la mise en place d’un système mafieux de vente illégale de passeports comoriens à des étrangers et en connivence avec un réseau international avec à sa tête l’inculpé Bachar Kiwan».L’ordonnance précise également que l’ancien locataire de Beit-Salam est reproché d’avoir «signé des décrets attribuant la citoyenneté économique à des personnes qui ne répondaient nullement aux conditions fixées par la prétendue loi qu’il a lui-même promulguée, notamment en ce qui concerne la qualité d’investisseurs», mais surtout «promulgué un texte de loi sachant pertinemment que les procédures législatives règlementaires le concernant ont été violées».
Sur la loi controversée de la citoyenneté, promulguée par le décret N°08-138/Pr du 16 décembre 2008, M. Sambi s’est défendu en affirmant avoir promulgué le texte croyant que rien ne pourrait l’empêcher de ne pas le faire surtout que le texte a été attaqué devant la cour constitutionnelle et que celle-ci n’avait pas donné raison aux requérants. La cour constitutionnelle avait été saisie le 23 décembre 2008 pour se prononcer sur la légalité de la loi en question mais la haute juridiction, se fondant sur l’article 31 et la loi organique n°04-001/AU du 30 juin 2004, s’est déclarée incompétente estimant qu’elle n’était pas juge de la légalité mais de la constitutionnalité des lois, d’après l’arrêt N°09-013/Cc en date du 28 mai 2009.
Douze actes reprochés
On peut lire aussi dans l’ordonnance de renvoi que l’ancien chef d’Etat est accusé, entre autres, d’avoir «menti aux autorités émiraties en leur faisant croire prématurément que la loi de la citoyenneté économique était déjà adoptée alors que la procédure engagée pour son adoption était bloquée». En réponse, selon toujours l’ordonnance, l’ex-président nie avoir délivré un mandat à M. Kiwan «pour faire ce qu’il voulait mais pour négocier et collecter des fonds en faveur du développement du pays».
L’ancien président ajoute aussi que «le mandat donné à Bachar Kiwan est devenu caduc et son rôle était celui d’un facilitateur qui servait d’intermédiaire entre l’Etat émirati et l’Union des Comores». La justice évoque des montants colossaux dont la nature douteuse et la promesse entérinée à l’époque n’ont pas permis d’établir les concomitances ni savoir la réelle destination.
La justice avance les sommes de 350 millions d’euros en lien avec le mémorandum d’entente, 105 millions au titre de gratification, 200 millions de dollars pour le programme dont 175 millions de dollars qui seraient confirmés par une lettre d’engagement annoncée par l’ancien président qui a encore une fois réfuté avoir reçu quoi que ce soit. «Je n’ai jamais détourné des fonds de la citoyenneté économique ni aidé personne à le faire», a-t-il riposté dans l’ordonnance.
Flou sur les 2 milliards de la Fondation Fatma
L’ordonnance souligne également que l’ancien chef d’Etat aurait «entretenu le flou sur les 2 milliards qu’il a assurés avoir mobilisé auprès de la Fondation Fatma et placé en lieu sûr et à la disposition de l’Etat» mais aussi avoir «été à l’origine d’un manque à gagner de 24.139.904.000 (vingt-quatre milliards cent trente-neuf millions neuf cent quatre mille francs comoriens selon l’enquête parlementaire».
L’ancien chef d’Etat s’est défendu en rejetant toutes les accusations portées à son encontre. Et s’agissant des décrets signés, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi affirme que le circuit impliquait beaucoup de services de l’Etat notamment la direction nationale de la sûreté nationale. «Je n’ai jamais signé un décret sans l’aval d’Abou Achirafi», a-t-il répondu dans une audition à l’Assemblée qui a duré 1h 56 mn.